Et si les smartphones et les lave-vaisselle n’étaient pas les seuls à être victime de l’obsolescence programmée ? Les salariés et les travailleurs sont-ils aussi des victimes collatérales du système économique ? Faisons le point dans notre dossier spécial obsolescence et durabilité.

Comme les objets, les travailleurs sont-ils voués à l’obsolescence ? En tout cas, il est de plus en plus difficile de trouver sa place sur le marché du travail et surtout de la garder. Formations inadéquates, compétences en transformations permanentes, âge, chômage : tous ces paramètres contribuent à une situation dans laquelle les travailleurs deviennent de plus en plus obsolètes du point de vue des entreprises.

L’obsolescence des compétences

La vie d’un salarié n’est pas toujours linéaire : changements de postes, évolutions de métiers, transformations des compétences… De plus en plus, la capacité d’un travailleur à garder une bonne place sur le marché du travail dépend de sa capacité à s’adapter aux évolutions du monde.

Les emplois évoluent en permanence. En France entre 1965 et 2015, la part des emplois dans le secteur tertiaire est passée de 65% à 76%. Depuis les années 1980, près d’un million d’emplois agricoles ont disparus, et 800 000 emplois dans les secteurs des matériaux et de la mécanique. Au delà de ce constat, on voit aussi une transformation des métiers actuels : selon une étude Bruegel, plus de 47% des métiers actuels en Europe sont menacés d’automatisation grâce aux nouvelles technologies.

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Ces mêmes nouvelles technologies vont transformer (et transforment déjà) le marché du travail. Selon une étude Wagepoint, 60% des métiers de 2030 n’existent pas encore aujourd’hui. Data mining, cloud computing, spéclalistes du SEO et même community managers étaient des métiers presque inconnus il y a 10 ou 15 ans. À l’avenir, on travaillera probablement dans les nano-technologies, les bio-technologies, l’intelligence artificielle.

Pour les salariés, cela pose le problème de l’obsolescence des compétences. Les compétences acquises durant la formation initiale ne suffisent plus à assurer son job. Une étude menée dans 4 pays européens indique que 16% des salariés estiment que certaines de leurs compétences professionnelles sont devenues obsolètes durant les 2 dernières années. Les compétences évoluent trop vite et il faut désormais se former en continu. MOOCs, e-learning et intrapreneuriat sont désormais les clés pour continuer à se former et à faire évoluer ses compétences professionnelles.

Le problème ? Il faut que les entreprises s’investissent plus dans ces formations continues, qu’elles donnent plus de temps et de moyens à leurs salariés pour se former. L’investissement peut d’ailleurs se révéler très rentable pour l’entreprise qui s’assure ainsi d’avoir des salariés plus performants et plus motivés.

Obsolescence et discriminations des salariés

Mais les salariés ne deviennent pas « obsolètes » simplement car leurs compétences sont dépassées. Parfois, l’obsolescence est un construit socio-économique. Lorsqu’un salarié passe plusieurs mois au chômage, ses chances de retrouver un emploi diminuent car il est moins bien perçu par le recruteur. 8 mois de chômage et c’est 45% de chance en moins de retrouver un emploi, à CV identiques.

Enchaîner les CDD en début de carrière ? C’est peut-être le début de la « trappe de l’emploi précaire ». Il devient alors de plus en plus difficile de sortir de la spirale des emplois en CDD car on est moins bien perçu en tant que salarié. En 30 ans, le taux d’emplois précaires a presque été multiplié par 3, alors que sa durée moyenne a diminué.

Le même problème existe pour les travailleurs plus âgés. Passés 50 ans, il devient de plus en plus difficile de trouver un emploi. Résultat, cette année, le chômage des seniors a encore augmenté de près de 9%.

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Ces diverses formes de discriminations inconscientes (ou non) créent une forme généralisée d’obsolescence pour les salariés. Dès que l’on s’éloigne du moule du jeune actif, il est plus difficile de s’insérer sur le marché du travail, peu importent les compétences dont on dispose. C’est d’ailleurs ce constat qui a mené au lancement de l’opération « Nous sommes tous des légumes moches ».

L’idée ? Promouvoir un nouveau modèle qui donne sa chance à tous les travailleurs, peu importe qu’ils aient été au chômage, ou en emploi précaire. D’après Merlin Voiforte qui porte l’opération, embaucher préférentiellement les chômeurs pour augmenter leur taux d’embauche de seulement 10% permettrait d’économiser entre 2 et 3 milliards d’euros par an en France.

 

Il est difficile de chiffrer les coûts (économiques et sociaux) de ces formes d’obsolescences humaines. Mais comme pour l’obsolescence des produits, c’est un paradigme duquel il est très difficile de sortir. Mais soyons optimistes : les transformations liées à l’économie sociale et solidaire devraient permettre, peu à peu, de lutter contre ce phénomène.