Octobre rose : Dans de nombreux diagnostics, la présence de certains gènes favorisant l’apparition du cancer du sein n’explique qu’une part limitée des cas. De plus en plus d’études témoignent en revanche du rôle croissant de l’influence de l’environnement et des pollutions humaines dans le développement du cancer du sein.

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent et le plus mortel chez les Françaises. Il représente un tiers des nouveaux cas de cancer diagnostiqués chez la femme.

Depuis les années 1990, le nombre de cancers du sein a bondi en France, passant de 30 000 cas annuels à près de 58 000 cas annuels en 2020. La mortalité, elle, a suivi la tendance inverse. Elle a connu une baisse de 1,6 % par an entre 2010 et 2018.

Cette augmentation massive du nombre de cas de cancer du sein s’explique dans un premier temps par des campagnes de prévention et de dépistage plus efficaces, généralisées à tous les âges. Bien que le cancer du sein touche majoritairement les femmes âgées de 50 ou plus, toutes les personnes peuvent être concernées. Pris en charge à temps, dès les 5 premières années de son développement, les chances de survies sont de 87%.

Selon le rapport de 2018 du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), plus de 40% des cancers seraient liés à notre mode de vie et à l’environnement. Et le cancer du sein ne déroge pas à la règle. Les facteurs les plus importants, outre le facteur génétique qui ne représente que 7% des cas, sont la consommation d’alcool (15%), l’obésité (10%), la consommation de tabac (4%) et le manque d’activité physique et la sédentarité (4%).

L’exposome, l’impact de l’environnement sur notre santé

Le facteur génétique est donc loin d’expliquer la totalité des cas de cancer du sein en France. L’alimentation, le tabagisme passif, la qualité de l’air, de l’eau, de ses relations sociales sont autant de facteurs déterminants dans l’apparition de la maladie. À titre d’exemple, le travail de nuit pour les femmes augmenterait le risque de développer un cancer du sein de l’ordre de 8% à 60%. L’ensemble de ces agressions et de ces expositions subies tout au long d’une vie par un individu est appelé « exposome ».

Mais la recherche sur l’exposome n’est encore qu’à ses balbutiements. D’abord, car les substances chimiques s’ajoutent, se compensent, se mélangent, rendant toute étude sur la toxicité d’un produit complexe. C’est ce qui est appelé l’effet cocktail. Ensuite, car cet effet cocktail se greffe à une condition socio-économique propre à chaque individu. Trouver la cause d’une maladie nécessite donc l’étude d’une multitude de relations de cause à effet complexes et souvent imprévisibles.

Cela explique en partie pourquoi la recherche sur l’influence de l’environnement, des pollutions et des activités humaines est restée marginale jusqu’à présent malgré de forts soupçons de risque sur la santé humaine, et parallèlement sur la santé des écosystèmes. De nouvelles études démontrent maintenant des liens de plus en plus évidents entre l’exposition aux pollutions humaines, particules atmosphériques et/ou perturbateurs endocriniens (capables d’interférer avec le système hormonal de l’individu), et le risque de développer un cancer du sein.

Pollution de l’air et cancer du sein, le lien se confirme

Par l’étude de l’influence de 8 polluants atmosphériques sur le développement du cancer du sein, des scientifiques du département Prévention Cancer Environnement du Centre Léon Bérard (CLB) et le centre de lutte contre le cancer de Lyon et Rhône-Alpes ont déduit que 5 d’entre eux, le dioxyde d’azote (NO2), les particules fines (PM10 et PM2.5), le benzopyrène (BaP) et les polychlorobiphényles (PCB153) augmentaient le risque de développer un cancer du sein après une exposition soutenue. Deux polluants ont été écartés, le cadmium et les dioxines, faute de preuves évidentes. Le dernier, l’ozone (O3), est encore en cours d’analyse.

Ces premiers résultats, révélés dans un communiqué de presse publié en octobre 2022, sont issus de l’étude Xenair, qui a suivi plus de 10 000 femmes depuis 1990. Sur l’ensemble du panel, 9% des cas de cancer du sein en France auraient pu être évités si le seuil d’exposition établi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2021 au dioxyde d’azote, soit 10 µg/m3, avait été respecté.

Selon l’association Airparif en charge de la surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France, « les niveaux moyens annuels dans l’agglomération peuvent atteindre 34 µg/m3, le niveau de fond régional moyen est plutôt proche de 10 µg/m3 en 2019 ». Cette différence s’explique principalement par les activités d’émissions de NO2, la grande majorité est émise par le trafic routier (62%) et le secteur résidentiel tertiaire (31%), logiquement plus concentré dans les métropoles.

Dans le cas des particules classées comme « perturbateurs endocriniens », BaP et PCB153, une augmentation de l’exposition pourrait entraîner une hausse du risque de cancer du sein, respectivement de 15% pour une augmentation de 1,42 ng/m3 d’exposition pour le BaP, et de 19% une augmentation de 55 pg/m3 d’exposition pour le PCB153.

La réduction des polluants atmosphériques, du moins pour les 5 polluants cités plus haut, contribuerait de ce fait à prévenir les cas de cancer du sein.

Xenair complète finalement un corpus grandissant d’études sur les répercussions des polluants et perturbateurs endocriniens sur le développement du cancer du sein. Deux récentes revues systématiques, une méthode de synthèse des connaissances actuelles sur le cancer du sein, soulignaient un lien possible entre l’exposition aux perturbateurs endocriniens et l’augmentation du risque de développer un cancer du sein. Celle publiée dans le Critical Reviews in Food Science and Nutrition a identifié 131 études portants sur différents produits chimiques, incluant des pesticides.

L’autre, publiée dans le Critical Reviews in Oncology/Hematology, s’est intéressée à un plus petit panel de 37 études. La grandes majorités des études analysées montrait un lien de corrélation entre l’exposition aux composés organochlorés (pesticide), phtalates, métaux lourds, hydrocarbures aromatiques polycycliques, et le développement d’un cancer du sein.

Exposome, santé humaine et pollutions

Même si ces études restent très restrictives (l’influence de quelques pollutions pour une maladie spécifique), elles permettent néanmoins une meilleure reconnaissance des dangers de la pollution anthropique sur la santé humaine. Dangers qui ont bien souvent été minimisés à l’image de l’exposition au plomb ou à l’amiante dans l’histoire.

D’autres exemples témoignent des enjeux et des controverses liés à la toxicologie, qui étudie la nature et les effets des produits toxiques, comme l’illustre le combat mené par certains agriculteurs contre le Round up, la molécule du glyphosate et l’entreprise Bayer (anciennement Monsanto) qui commercialise le produit.

Flou entre la toxicologie académique et réglementaire, potentielles interférences du secteur privé dans les études de risque, limites dans la compréhension de l’effet cocktail… sont autant d’arguments appelant à la vigilance lors de l’utilisation et l’émission de produits ou d’éléments toxiques, et ce, même s’ils se révèlent bénéfiques pour la production de ressources et l’économie.

Image par Marijana de Pixabay