C’est un scandale qui va faire du bruit. L’association 60 millions de consommateurs vient de rendre publique son enquête sur les contaminations présentes dans les poissons commercialisés dans les grandes surfaces françaises. Et les résultats sont affolants ! Tromperies commerciales, présence de métaux lourds en grande quantité, étiquetage flou : pourquoi continuer à acheter du poisson ? Intéressons-nous de près à cette enquête.

Si on mesure l’ampleur d’un scandale à la surcharge des serveurs induite par un trop grand nombre de connexions sur la page internet d’une étude, celle de 60 Millions de Consommateurs risque bien de faire date. 2 jours après avoir été rendue publique, la page internet de l’étude rend encore un message de surcharge des serveurs.

Au menu : tromperie commerciale, pollution au mercure, qualité variable…

L’association met en effet le doigt où ça fait mal : elle pointe 130 produits de toutes marques industrielles, frais ou surgelés, en analysant leur qualité. Au rayon des surprises : une quantité de métaux lourds importante dans les boîtes de thon en particulier, une technique interdite (le trempage) toujours utilisée, une liste d’ingrédients floue voir trompeuse « oubliant » certains ingrédients comme les arêtes… Ou les viscères.

Concernant le trempage, cette technique est particulièrement utilisée sur les coquilles saint-Jacques. Ceci se traduit par une présence anormalement élevée d’eau congelée : quand vous mettez le produit dans la poêle, celui-ci rétrécit de façon spectaculaire. C’est une tromperie interdite depuis longtemps, qui a malheureusement encore cours : elle permet d’augmenter artificiellement la masse du produit vendu pour un prix restant le même. Celui-ci est donc plus compétitif… Mais vous achetez de l’eau gelée au prix des noix de Saint Jacques.

poisson dispositif pêche thon

Quant aux métaux lourds, ils sont naturellement présents dans la nature, en plus des apports humains et peuvent se bio-concentrer tout au long de la chaîne alimentaire. Les poissons gras au sommet de la chaîne alimentaire sont donc susceptibles d’en contenir en plus grande quantité (thons, saumons sauvages, maquereaux, espadons, thazards…). A noter que sur ce point, les poissons sauvages sont plus contaminés que les produits issus de l’aquaculture. Concernant le mercure, cet élément a une capacité de résilience très importante dans l’environnement. Il est présent en quantité significative dans les zones de forte pollution certes mais aussi en cas de forte activité volcanique, comme dans le cas de la méditerranée. Le mercure se concentre dans les tissus où il passe sous forme de Methyl-Mercure puis de Di-méthyl-Mercure, sa toxicité augmentant. Il est responsable chez l’homme d’effets tératogènes, perturbant le développement du fœtus, mais aussi d’atteintes aux reins et au cerveau. Il est l’une des raisons de la limitation de la consommation des fruits de mer chez les femmes enceintes.

Selon l’étude la présence de viscères (restes de cœurs, de foies…) et d’arêtes se fait particulièrement sentir dans les produits transformés tels les « rillettes de la mer » et autres aliments en boîte (y compris le thon), ne possédant que la vague mention de « poissons » sur l’étiquette dans le meilleur des cas. Ici nulle mention de la zone de pêche, de l’outil avec lequel le poisson a été pêché, ou même de son espèce.

Une bonne nouvelle : la qualité se trouve (aussi) chez les discounteurs

C’est la « bonne » nouvelle de cette étude : les produits les moins chers ne sont pas les plus pollués, ou les moins regardants sur la qualité. Ainsi le thon en boîte de Leader Price montre des taux de contamination aux métaux lourds bien inférieurs à la marque Odyssée d’Intermarché. Le thon Saupiquet, toujours en boîte, contient lui le plus d’arêtes et de sous-produits. Et ce alors qu’il est le plus cher sur le marché…

Une bonne note est décernée aux sushis industriels, dont la fraîcheur est appréciée. En revanche la quantité de poisson réellement présente dans les produits comme le surimi continue à alarmer : de 22% à 49% ! Il est donc important de rappeler ce qu’est le surimi : ces petits bâtonnets ne contiennent pas de crabe mais seulement de l’arôme artificiel de crustacé, et sont produits avec les restes des poissons mis sur le marché, réduits en bouillie. On y trouve donc une grande quantité de sous-produits de la pêche et très peu de protéines de bonne qualité.

Au final les meilleures notes sont décernées à Leader Price, Carrefour et Lidl, ce qui est un résultat intéressant au vu des prix pratiqués par ces enseignes.

surimi poisson consommation durable

Alors peut-on se priver de poisson ?

Devant les résultats de cette nouvelle étude de 60 Millions de Consommateurs on peut se demander ce qui nous pousse à persister à acheter du poisson. Pourquoi ne pas s’en priver ? On risquerait moins d’être intoxiqué par les métaux lourds, de jeter par les fenêtres notre argent ou de se prendre la tête sur des origines invérifiables !

La réponse est assez simple : au-delà du prix d’achat inférieur à la viande, les poissons sont une source importante d’équilibre pour notre alimentation. On y trouve des Oméga 3 en grande quantité difficilement disponibles dans les produits « terrestres ». Ces Oméga 3 sont nécessaires au bon fonctionnement du système nerveux et préviennent les maladies cardio-vasculaires. Les protéines issues de la mer sont d’excellente qualité tout comme les oligoéléments, présents en grande quantité dans la chair de tous les poissons. Si on ajoute la très faible teneur en graisse saturées on ne peut que suivre l’avis de l’ANSES, qui recommande la consommation de deux poissons dans la semaine, l’un maigre et l’autre gras, tout en variant les provenances et les espèces pour limiter les risques induits par la pollution. La balance « bénéfice-risque » reste largement en faveur de la consommation de produits marins.

Les résultats alarmants de cette étude ne doivent pas occulter la globalité de celle-ci : certes la contamination des 15 boites de thons analysées est préoccupante, mais 9 de ces 15 boîtes ne contiennent aucune arête. Seules 3 présentent des traces de cœur ou d’ovocytes. Les 13 références de sushis sont toutes de bonne qualité. Concernant le trempage des noix de Saint Jacques ce sont 5 produits sur 12 qui ont été détectés. Ce sont des pratiques honteuses mais affectant une minorité de produits, alors que les taux de contamination des boîtes de thons sont très disparates.

Mais où trouver du poisson de qualité ?

L’enquête de 60 Millions de Consommateurs ne s’intéresse qu’aux produits industriels. Alors la réponse semble simple : allez chez votre poissonnier ! Mais encore faut-il connaître les espèces, les saisons et les zones de pêche…

Pour cela on peut s’appuyer sur un rapport du WWF, citant les espèces et les zones de pêche faisant l’objet d’une exploitation durable. Le rôle des labels est lui aussi très important : pour les poissons de mer on ne peut que recommander le label du MSC (Marine Stewardship Council) qui, malgré ses imperfections, assure de ne pas consommer du poisson issu d’une zone surexploitée et absent de la liste rouge de l’UICN.

guide consommation poisson responsable

Concernant les boîtes de thon, l’étude de Greenpeace classant en Top 10 les marques de thons en boîte fait encore référence.

Comme dans toute l’alimentation en général on ne peut que recommander la même façon de faire lors de vos achats :

  • Achetez local autant que possible.
  • Respectez les saisons des poissons.
  • Demandez conseil à votre poissonnier.
  • Privilégiez les produits labellisés… et frais.
  • Lisez les étiquettes si vous achetez un produit transformé, en faisant attention à la quantité de poisson indiquée. Et évitez le surimi, ou prenez en un avec un fort pourcentage de poisson !
  • Enfin acceptez le payer le prix d’un produit de qualité : c’est valable aussi pour le poisson !

 

Crédit image : WWF, Greenpeace, Poissons sur Shutterstock