Et si la pollution de l’air (en particulier automobile) affectait notre cerveau ? Si elle détraquait progressivement notre santé mentale ? C’est ce que concluent de plus en plus d’experts…
Quand on pense pollution de l’air et particules fines, on pense volontiers au réchauffement climatique ou aux problèmes respiratoires. Toux, cancers du poumon, infections des voies respiratoires, allergies : tous ces problèmes de santé peuvent être associés à la pollution de l’air et à la pollution automobile. Mais si l’on vous disait que cette pollution affecte aussi votre santé mentale ?
C’est le résultat d’une étude menée par les service de Santé Publique de l’Ontario au Canada. Entre 2001 et 2012, cette institution a étudié l’état de santé de 6.6 millions d’habitants. Ils ont tenté d’isoler et d’étudier tous les facteurs pouvant influencer la santé humaine et un de leurs constats est plutôt étonnant : plus l’on habite près des sources de pollution automobiles, plus l’on est sujets aux risques de démences et de troubles de la santé mentale.
La pollution de l’air : un facteur aggravant de désordres mentaux
Ainsi, l’étude montre assez clairement que les habitants vivant entre 50 et 200 mètres d’un axe routier majeur avaient jusqu’à 12% de chances supplémentaires de développer des démences ou des troubles mentaux. Et plus l’on habite longtemps près d’un axe routier, plus le risque augmente. Bien qu’on ne sache pas avec certitude quel processus entraîne ces risques, il semble très probable que cela soit lié aux particules fines. En effet plusieurs études ont déjà montré que l’exposition prolongée aux particules fines a un effet significatif à la fois sur le volume cérébral et sur la sensibilité du cerveau aux dégénérescences comme les démences séniles, les maladies d’Alzheimer et autres troubles du cerveau.
Ce n’est pas étonnant : compte tenu de la taille et de la structure de ces particules fines, il est probable qu’elles traversent les tissus nasaux au moment de la respiration pour migrer vers les zones cérébrales par les canaux sinusiens par exemple. Et à terme, ces polluants pourraient à la fois endommager les tissus, et affecter les cellules cérébrales.
Ce n’est d’ailleurs pas la première étude à mettre en cause les particules fines dans le développement de problèmes cérébraux : au Mexique, un chercheur s’est attaché à étudier durant plusieurs années les conséquences d’une exposition prolongée aux particules fines chez les chiens. Résultats : il est parvenu à montrer qu’il existe des cellules cérébrales endommagées chez les chiens vivant dans les zones les plus polluées. Les dommages observés étaient d’ailleurs similaires à ceux observés dans les cellules nasales des animaux, très probablement causées par les particules fines 2.5 en particulier.
Chez l’homme, une étude a également été menée sur des enfants plus ou moins exposés : le résultat est clair. Le taux d’expositions aux particules fines est positivement corrélé à l’incidence de maladies neurodégénératives ou neuroinflammatoires. Une autre étude publiées dans les Annales de Neurologie montre qu’il existe un lien entre l’exposition aux polluants de type particules fines et le vieillissement prématuré du cerveau et des cellules cérébrales. Une étude de cohorte menée à Taiwan arrive aux mêmes conclusions : les populations régulièrement exposées aux particules fines au cours de leur vie auraient un risque 128% plus élevé de développer des maladies de type Alzheimer. Pour certains chercheurs, il se pourrait même que la pollution de l’air et en particulier aux particules fines sont le « facteur de causalité le plus déterminant » dans la prévalence des pathologies cognitives.
Il semble d’ailleurs que ces conclusions soient d’autant plus valable que l’exposition a lieu à des moments sensibles pour le développement cérébral, comme l’enfance, l’adolescence ou encore durant la grossesse.
Des populations de plus en plus exposées aux pollutions de l’air
Or à l’heure actuelle, rien n’est fait pour lutter contre ce phénomène. Au contraire, dans les programmes de santé publique, la question de la pollution de l’air reste très secondaire. Concrètement, avec l’étalement urbain et des programmes d’aménagements encore largement structurés autour de la voiture, la dépendance à des modes de transports polluants s’accentue d’année en année. La France par exemple a gagné près de 100 000 km de routes entre 1995 et 2013, dont près de 3 000 km d’autoroutes. Dans le même temps, la taille du réseau ferré et du réseau de transports en commun a baissé globalement.
La population est de plus en plus dépendante de la voiture. Et surtout : rien n’est fait pour diminuer cette dépendance. Au contraire, les moindres efforts publics pour réduire l’usage de la voiture se soldent par des critiques virulentes de la population, à l’image des récentes décisions d’Anne Hildalgo de fermer certaines zones de Paris à la circulation. Mathématiquement, le pourcentage de la population qui habite dans une zone à fort trafic routier augmente… Et donc les populations sont de plus en plus exposées.
En réalité, pour prendre à bras le corps ce problème, il faudrait proposer un modèle d’aménagement urbain différent, moins concentré sur la voiture et sur ses dérivés. Il faudrait en quelque sorte repenser totalement la ville pour l’adapter à la transition écologique. Le problème c’est qu’aujourd’hui une grande partie de nos activités et de nos vies en général dépendent de notre capacité à nous déplacer, et notamment en voiture. Il est donc difficile d’envisager que l’on puisse rapidement diminuer les taux de pollution de l’air liées au trafic routier…
Et pourtant, c’est sans doute l’une des mesures qui aurait le plus d’impact en terme de santé publique et d’environnement aujourd’hui. Reste à trouver un projet de société porteur autour de cette idée, et étant donné la place que l’écologie prend dans le débat politique aujourd’hui, ce projet semble encore une lointaine utopie.