Et si protéger la biodiversité était le plus grand service que l’on pouvait rendre à l’économie ? C’est en tout cas ce qu’estiment une équipe de chercheurs et d’experts dans une nouvelle étude.
Aujourd’hui, une grande partie du temps et de l’énergie déployée dans le monde politique, dans les médias ou dans certains cercles d’expert est dédiée à une question « Comment protéger notre économie ? ». Ou pour le dire autrement, comment augmenter nos rendements économiques, comment gagner de l’argent, comment produire plus.
Si l’on peut légitimement s’interroger sur la pertinence de ces questions, reste qu’elles semblent aujourd’hui fondamentales pour une bonne partie de nos sociétés, qui ne cesse d’essayer de trouver des moyens de valoriser et d’optimiser le système économique. Eh bien une étude récemment publiée par un groupe de chercheurs internationaux dans dans la revue « Current Opinion in Environmental Sustainability » donne une piste intéressante (à laquelle bien peu avaient pensé jusqu’ici) : protéger la biodiversité pour protéger notre économie.
L’économie a besoin de la biodiversité
Eh oui ! Cela paraîtra évident à ceux qui s’intéressent aux questions écologiques, mais le système économique dépend bel et bien de l’écosystème naturel et de sa biodiversité (voir la définition de la biodiversité et la définition d’un écosystème). Ce constat qui avait semble-t-il échappé aux économistes et aux politiques vient cependant d’être confirmé par une équipe de scientifiques et d’experts variés (biologistes, économistes, politiques, conservationnistes) : l’économie ne fonctionne que si l’écosystème fonctionne.
C’est logique. Sans biodiversité, pas d’agriculture. Sans biodiversité, pas de recherche pharmaceutique, pas de biomimétisme. Sans biodiversité, pas de production de matières premières renouvelables (dont on aura bien besoin lorsque celles qui ne le sont pas seront épuisées). Sans biodiversité, pas de stabilité des écosystèmes, pas de résilience des territoires. En gros, sans biodiversité, difficile de faire des affaires. Et donc, tout aussi logiquement, si l’on ne protège pas la biodiversité, le système économique fonctionne mal et perd de l’argent : une étude publiée il y a quelques mois avait estimé que le monde perdrait jusqu’à 7% de son PIB d’ici 2050 à cause de la perte de la biodiversité.
Mais l’étude publiée dans le Current Opinion in Environmental Sustainability va encore plus loin.
Pour protéger l’économie, investissons dans la protection de la biodiversité
En effet, l’étude montre que non seulement l’économie souffre quand la biodiversité disparaît, mais aussi que protéger la biodiversité pourrait être un investissement rentable pour l’économie.
En effet, selon les experts à l’origine de l’étude, chaque dollar investi dans la protection de la biodiversité permettrait de gagner entre 3 et 7 dollars pour l’ensemble du système économique. En effet, en protégeant les forêts, on réduit les coûts liés à la lutte contre le réchauffement climatique en faisant baisser nos émissions nettes. En protégeant la biodiversité, on optimise le fonctionnement des écosystèmes, et donc de l’agriculture ou des industries forestières. En protégeant la biodiversité, on réduit les coûts des catastrophes sanitaires et environnementales.
En résumé : en matière de biodiversité, c’est un peu comme en matière de santé. Il vaut parfois mieux investir pour protéger et prévenir que de dépenser pour soigner et réparer. Si l’on peut éviter une extinction de masse des espèces animales, on évitera une vraie catastrophe pour l’économie mondiale, et surtout, pour les sociétés humaines.
Économie et biodiversité : une relation compliquée
Le problème, c’est qu’économie en bonne santé ne rime pas toujours (rarement, même) avec protection de la biodiversité. La tendance depuis des années est plutôt inverse : plus l’économie se porte bien, plus la croissance est au rendez-vous, plus la biodiversité souffre. En effet, puisque les coûts économiques de la disparition de la biodiversité sont décalés dans le temps et qu’ils ne sont pas intégrés aux calculs de rentabilité ou de PIB, les acteurs économiques n’ont aujourd’hui pratiquement aucun intérêt à mettre en oeuvre des mesures de protection des espèces animales ou végétales.
Il va donc falloir que des réglementations soient mises en place, que des investissements soient décidés, et sans doute, aussi que l’on change notre paradigme sur l’économie et la croissance.