Et si l’on arrêtait de faire des rapports RSE ? Désuet, inefficace, trop complexe : le rapport RSE a son lot de désavantages. Le premier : il empêche de voir que d’autres moyens de parler de sa RSE existent.

Dans le paysage de la RSE, le rapport RSE est aujourd’hui un exercice incontournable. C’est même l’outil le plus utilisé pour présenter sa RSE et la valoriser auprès des parties prenantes, et il est aujourd’hui considéré comme l’outil indispensable de toute stratégie RSE (pour plus d’informations, voir la définition du rapport RSE)

D’ailleurs, dans la plupart des pays « économiquement matures », il existe des règlementations qui définissent une ou des obligations en matière d’écriture d’un rapport RSE. En France, les lois NRE ont été les premières à créer une obligation de reporting des conséquences sociales et environnementales de l’activité des grandes entreprises. Depuis le mouvement s’est amplifié avec notamment les lois Grenelle : de plus en plus d’entreprises sont aujourd’hui légalement contraintes de rédiger un rapport RSE présentant à la fois un bilan de leurs émissions de CO2 et de leurs stratégies environnementales, ainsi qu’une présentation de leur stratégie en matière sociale et sociétale. La loi de transition énergétique a également accentué cette tendance en imposant une forme de reporting carbone aux entreprises de la finance. Bref, tout indique que le rapport RSE est le pilier sur lequel repose l’ensemble de la stratégie RSE d’une entreprise aujourd’hui.

Personne ne lit votre rapport RSE ? C’est normal, ce n’est pas intéressant

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Pourtant, malgré cette omniprésence, le rapport RSE semble aujourd’hui de moins en moins utile. D’une part, parce que très peu de consommateurs prennent la peine de le lire. À l’origine, lorsque les lois NRE ont été votées, c’était pour faciliter la transparence et « l’information du public ». L’objectif était donc de permettre avant tout aux consommateurs de connaître les conséquences sociales, environnementales et économiques des activités des entreprises dont ils étaient éventuellement clients. Force est de constater, près de 15 ans après, que cet objectif est loin d’être atteint. Les études sur le sujet sont relativement claires : selon une étude américaine, seuls 17% des américains intéressés par les problématiques de développement durable auraient déjà lu (en partie) un rapport RSE.

D’autre part, selon une étude Ethicity menée en 2013, 70% des consommateurs ne font pas confiance aux grandes entreprises. Et c’est un chiffre qui se dégrade : ils n’étaient que 42% en 2004 par exemple. Même aux Etats-Unis, où la confiance dans les marques est plus élevée qu’en France, une majorité des consommateurs ne font pas confiance aux discours des entreprises. Tout ce qui ressemble de près ou de loin à un discours corporate d’entreprise est considéré comme douteux pour beaucoup de consommateurs. Et le rapport RSE est l’incarnation d’un discours corporate : complexe, jargonneux, difficile à comprendre, plein de chiffres dont la plupart ne sont jamais explicités… À la lecture d’un rapport RSE on est souvent pas plus avancé qu’au départ sur la connaissance de la responsabilité d’une entreprise.

En extrapolant un peu, on pourrait même dire que finalement, le rapport RSE n’est tout simplement pas intéressant… pour le consommateur en tout cas. C’est un puissant outil de conformité réglementaire et de dialogue avec certainses parties prenantes (notamment financières), mais cela ne semble pas être un vecteur efficace de diffusion d’infos sur la stratégie RSE des entreprises auprès du grand public.

Le rapport RSE : un format dépassé et inefficace

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C’est d’abord le format du rapport RSE qui fait de lui un outil inadapté pour l’information du public. C’est un vaste sommaire, peu engageant, étalant l’une après l’autre les mesures mises en place par l’entreprise. Pour ne rien arranger, l’engagement de l’entreprise est traduit en termes incompréhensibles pour le consommateur qui cherchent de l’info. Qui aujourd’hui sait réellement ce qu’est une certification ISO26000 ? Quel consommateur sait ce que signifie le bilan carbone d’un scope 3 par rapport à celui d’un scope 2 ? Quel citoyen peut réellement jongler avec les pourcentages, les sigles et le jargon technique des rapports RSE ?

Et puis, les rapports RSE sont bien souvent inaccessibles aux rares qui voudraient prendre le temps de s’y intéresser. Un lien placé dans un coin d’un site internet déjà trop chargé et trop complexe. Les consommateurs cherchent aujourd’hui une information accessible plus facilement. La majorité voudrait voir les informations utiles directement étiquetée sur les produits qu’ils achètent (88%) ou sur le lieu de vente (80%), et en dernier recours sur un site internet dédié (23%).

Sur la forme, les rapports RSE ne correspondent pas aux attentes des citoyens : près des deux tiers voudraient des contenus interactifs comme des vidéos ou des sites webs interactifs et 43% estiment qu’il faut des contenus rédigés courts. Le rapport RSE semble donc avoir faux sur toute la ligne : il n’est pas assez accessible, pas assez interactif, pas assez innovant en terme de format.

Investir d’autres formats et d’autres vecteurs pour parler de sa responsabilité

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Résultat : les consommateurs plébiscitent aujourd’hui d’autres modes d’information. Une écrasante majorité des consommateurs (81%) prennent plutôt leur information sur les produits ou les entreprises auprès de leur famille ou de leurs amis. Ils sont 76% à utiliser les sites internet d’associations ou les « reviews » sur des sites communautaires pour se faire leur avis. Et enfin, ils sont 70% à considérer les « experts tiers » comme des sources fiables d’information sur les entreprises.

Cela signifie concrètement que la réputation d’une marque ou d’un produit est désormais largement hors du seul contrôle de l’entreprise. Aujourd’hui, ce sont les grandes associations, les lanceurs d’alerte et les réseaux sociaux qui construisent l’image d’une marque, en particulier en matière de responsabilité sociale ou environnementale. Dans ce cadre, le rapport RSE est inutile : il symbolise un discours trop corporate et trop marketing parmi d’autres, un discours auquel les consommateurs ne croient plus.

D’où la nécessité pour les entreprises et en particulier pour leurs équipes RSE de s’attacher à investir d’autres canaux. Puisque le rapport RSE n’est pas porteur auprès des consommateurs, il faut leur parler là où ces derniers cherche désormais leurs infos. Et c’est aujourd’hui sur les moteurs de recherche, sur les réseaux sociaux et via les influenceurs et autres leaders d’opinion. En matière de développement durable, les réseaux sociaux sont donc une véritable arène où se font et se défont les réputations des entreprises. Si les marques n’y sont pas, si elles ne montrent pas avec transparence, humilité et pédagogie les projets qu’elles mènent dans ce domaine, elles laissent le champ libre à d’autres acteurs qui prendront la parole à leur place (et le plus souvent, pas pour les mettre en valeur).

D’où l’importance pour les acteurs de la RSE de s’intéresser vraiment à leur écosystème de réputation, aux leaders d’opinion qui sont influents sur les questions du développement durable, pour entrer progressivement en contact avec eux. D’où l’importance pour ces acteurs d’investir ces nouveaux vecteurs, les réseaux sociaux et le digital pour faire de la RSE une vraie démarche co-construite, afin de recréer une relation de confiance entre la marque et les consommateurs.

La RSE peut (et devrait ?) être un terrain privilégié d’expérimentation dans la relation des marques avec leur public. Par la RSE, les marques peuvent raconter leur histoire, leurs engagements, leurs échecs et leurs succès. Elles peuvent montrer à leur public, via les réseaux sociaux, qu’elles sont des organisations humaines malgré tout. En restant cloisonné dans sa zone de confort du « reporting », la RSE oublie deux de ses principales missions : innover et créer du lien. Alors peut-être faudrait-il tout simplement, en matière d’information du public, faire disparaître le rapport RSE, et passer enfin à une communication RSE humaine.