La France a décidé, ce 2 juin, de ratifier la Convention n°190 de l’OIT sur les violences et le harcèlement au travail. Simple symbole ou tournant réglementaire ? Tentons de comprendre.

Le 2 juin, la France décidait de ratifier la Convention n°190 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail. Créée en 2019, suite au mouvement #Metoo, la Convention n°190 définit la violence et le harcèlement au travail et impose aux pays signataires d’adopter une “stratégie globale afin de mettre en œuvre des mesures pour prévenir et combattre la violence et le harcèlement” et d’établir des mécanismes de contrôle. Cette ratification mettra-t-elle fin aux violences et au harcèlement au travail, notamment ceux dirigés contre les femmes ? Car la route est encore longue alors que 30% des Françaises ont déjà été harcelées ou agressées sexuellement sur leur lieu de travail. Simple symbole ou véritable tournant dans la lutte contre les violences au travail, voyons ce que la ratification de la Convention n°190 par la France va changer.

En quoi consiste la ratification de la Convention n°190 par la France ?

Signée par les 183 Etats de l’OIT en 2019, seuls six pays ont pour l’instant ratifié la Convention n°190. La France, ce 2 juin, a décidé de rejoindre ces pays en soumettant au vote de l’Assemblée la ratification de la Convention. La Convention définit les violences et le harcèlement dans le monde du travail comme un “ensemble de comportements et de pratiques inacceptables, […] qu’ils se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, qui ont pour but de causer, causent ou sont susceptibles de causer un dommage d’ordre physique, psychologique, sexuel ou économique, et comprend la violence et le harcèlement fondés sur le genre”. Le texte prévoit que les pays membres mettent en place un cadre législatif et des mesures pour lutter contre les violences et le harcèlement au travail.

Ces mesures doivent s’accompagner de mécanismes de contrôle, de sanctions et de soutien aux victimes. Le gouvernement français a décidé de ratifier la Convention a minima, c’est-à-dire qu’il ne compte pas modifier la législation française. Une étude d’impact préalable a, en effet, jugé que la loi française était conforme à la Convention. 

Une démarche jugée insuffisante par les syndicats et associations féministes 

Cependant, plusieurs associations, ONG et syndicats déplorent le manque d’ambition du gouvernement. Ils ont signé, le 2 juin, une tribune qui appelle les parlementaires à suivre les recommandations de l’OIT. Une étude d’impact réalisée par la CGT, Care France et ActionAid France conclut, elle, que la loi française doit être modifiée pour être conforme à la Convention de l’OIT. 

La France est, effectivement, loin d’avoir éliminé les violences et le harcèlement au travail. Une étude de 2019 de la Fondation Jean Jaurès et de l’IFOP montre que 30% des femmes ont déjà été harcelées ou agressées sexuellement sur leur lieu de travail. Une autre étude pour le compte du Défenseur des droits démontre que seules trois cas de violences sur dix sont rapportés à la direction ou à l’employeur. Seuls 5% des cas sont rapportés à la justice. Cela peut s’expliquer par la peur des victimes d’être pénalisées. En effet, dans 40% des cas, la résolution s’est faite au détriment de la victime avec une mobilité forcée, un blocage dans la carrière, voire un licenciement. A l’inverse, seuls 40% des agresseurs présumés ont reçu une sanction. 82% des employeurs n’ont pas encore rédigé de plan de prévention pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, malgré l’obligation. 

Comment lutter contre les violences et le harcèlement au travail ? 

Les associations et syndicats proposent donc des mesures permettant de lutter contre les violences et le harcèlement au travail. Ils proposent, par exemple, de sanctionner l’absence de plan de prévention par des inspecteurs du travail plus nombreux. Ils veulent aussi renforcer l’accompagnement des victimes en élargissant les prérogatives des référents du personnel. Il y a aussi un besoin de former et de sensibiliser les salariés et dirigeants à la problématique des violences et du harcèlement au travail. Le soutien aux victimes peut également passer par un aménagement d’horaires et des absences rémunérées pour leur permettre d’effectuer les démarches judiciaires et administratives. La Nouvelle-Zélande, le Canada et l’Espagne ont déjà pris des dispositions semblables

Du 30 juin au 2 juillet, la France accueillera le Forum Génération Égalité. Ce forum international sur les question de genre sera peut être l’occasion pour la France de prendre des engagements pour faire avancer l’égalité entre les genres. 

Photo de Mihai Surdu sur Unsplash