La santé mentale des enfants et des adolescents est, jusqu’en 2018, restée une politique en marge dans la gestion des troubles mentaux en France. Cinq années plus tard, un nouveau rapport de la Cour des comptes dresse un bilan mitigé de la prise en charge de la santé mentale des jeunes.

Même si les données en France manquent grandement sur la situation psychique de la jeunesse, il est tout de même estimé qu’au moins 1,6 million d’enfants et d’adolescents sur les 14 millions peuplant le territoire éprouvent un trouble mental, anxiété, dépression, pensées suicidaires…

Une épine majeure pour le futur de la société française puisque d’après le rapport, « 35 % des pathologies psychiatriques adultes débuteraient avant 14 ans, 48 % avant 18 ans et 62,5 % avant 25 ans ». Un coût social et économique qui représente des dépenses conséquentes, de l’ordre de 15,2 milliards d’€ en 2018 selon un ancien rapport de la Cour des comptes de 2021.

Alors, comment la santé mentale des jeunes Français est-elle gérée sur le territoire ? Les politiques publiques sont-elles efficaces ? La Cour des comptes répond à ces questions dans un rapport publié le 21 mars 2023.

L’impact de la Covid19 sur la santé mentale des enfants et des adolescents

Près de 3 ans après le début de la pandémie de Covid-19, les preuves s’accumulent, démontrant une forte augmentation des symptômes anxieux et dépressifs, de détresses psychologiques et d’idées suicidaires en France. Les confinements successifs, l’isolement et le stress généré par les incertitudes quant au futur ont eu un impact significatif sur la santé mentale des Français.

Et les jeunes n’y ont pas échappé. L’enquête EpiCov, menée sur le premier confinement, démontre que le nombre de jeunes adultes en dépression à doublé entre 2019 (10,1%) et mai 2020 (22%). Même si cette augmentation des cas de trouble mentaux a ralenti depuis la fin des mesures plus strictes encadrant la Covid-19, le nombre de cas reste encore plus fort qu’avant la crise. L’état de la santé mentale des plus jeunes est encore et toujours préoccupant.

En savoir plus sur la dépression : Dépression, ça ne va pas mieux

En France, des soins pédopsychiatriques en marge

La crise Covid s’est donc ajoutée à un contexte déjà difficile pour l’organisation des soins en pédopsychiatrie. Contrairement à d’autres pays, à l’image de l’Angleterre et de l’Australie, la France ne possède pas de cadre législatif ou réglementaire afin de fixer un cap et des objectifs précis en matière d’organisation des services, d’accompagnement et de prévention. Les politiques de planification de l’offre de soins de pédopsychiatrie sont en outre toutes récentes.

Avant 2018, rien n’était organisé spécifiquement pour les jeunes adultes, adolescents et enfants. Le peu de mesures concernant la pédopsychiatrie était dilué dans le « Plan psychiatrie et santé mentale » qui concernait l’ensemble de la population française.

Une nouvelle feuille de route, « Santé mentale et psychiatrie », adoptée en 2018 change la donne et offre une route mieux tracée, mieux définie, afin d’améliorer l’accès aux soins pédopsychiatrique, sans pour autant que les objectifs soient quantifiés, ni que la date limite de réalisation et les mesures à mettre en place soient fixées.

Une prise en charge de la santé mentale partielle et inégale sur le territoire

À ce jour, entre 750 000 et 850 000 enfants et adolescents bénéficient de soins pédopsychiatriques par les personnels de santé, notamment dans les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles (CMP-IJ).

Mais ce que constate la Cour des comptes, c’est que l’offre est inadaptée aux besoins des enfants et des adolescents, « l’état actuel de l’organisation des soins, et en particulier dans les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles (CMP-IJ), une partie des patients suivis ne souffrent que de troubles légers, au détriment de la prise en charge d’enfants souffrant de troubles plus sévères », menant un engorgement de ces services spécialisés.

La saturation des CMP-IJ est en partie due à une première ligne de reconnaissance des troubles, médecins généralistes et pédiatres, peu sensibilisée et/ou formée à la pédopsychiatrie. À cela s’ajoute un manque criant de nouveaux pédopsychiatres. Entre 2010 et 2022, le territoire a connu une baisse de 34% de professionnels de la santé mentale des enfants.

Un manque flagrant de moyens selon la Cour des Comptes

Malgré des efforts de l’État depuis 2018 dans le développement de l’offre de soins pédopsychiatrique, notamment via l’adoption de la feuille de route sur la santé mentale, les résultats restent en demi-teinte. Le financement de la pédopsychiatrie ne prend aujourd’hui pas en compte les évolutions de l’activité sur le territoire français et sont peu adaptés aux établissements de soins.

Pour renverser la tendance, la Cour des Comptes appelle à revaloriser les parcours hospitalo-universitaires et à soutenir la recherche et l’enseignement sur la santé mentale des enfants. Redonner de l’attractivité aux métiers des soins est indispensable pour le bien-être des individus, et donc de la société, et cela passe par des investissements plus conséquents, mais nécessaires dans la pédopsychiatrie.

Image par Cheryl Holt de Pixabay