Le plan « Fit for 55 » pour le climat de la Commission Européenne, qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qui va changer pour les entreprises ? Pour les particuliers ?

“Fit for 55” n’est pas le nom d’un programme de sport pour quinquagénaires mais celui d’un train de propositions de la Commission européenne, paru le 14 juillet 2021. Ces propositions doivent permettre aux 27 de respecter l’objectif de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030 par rapport à 1990 et celui de devenir le premier continent neutre sur le plan climatique d’ici 2050. “Nous sommes la dernière génération à pouvoir encore agir avant qu’il ne soit trop tard”, c’est ainsi que la Commission Européenne introduit ses 12 propositions. Le Parlement et le Conseil européen étudieront, ensuite, ces propositions et décideront de les adopter ou non. Taxe carbone aux frontières, fin des voitures thermiques, agrocarburants, isolation thermique des bâtiments : voilà ce qui pourrait changer pour les entreprises et les particuliers dans cette décennie. 

Vers la transition énergétique de l’Europe

La consommation d’énergie est à l’origine de 75% des émissions de gaz à effet de serre de l’Union Européenne. Transformer le système énergétique est donc essentiel pour espérer respecter les objectifs climatiques. Du côté du système de production électrique, le “Fit for 55” rehausse les ambitions en matière d’énergies renouvelables : elles devront représenter 40% du mix énergétique de l’UE en 2030, contre un objectif actuel de 32%. La Commission veut exiger des pays membres une réduction de 36 % de la consommation d’énergie totale (contre un objectif de 32,5 % auparavant). Mais l’électricité représente seulement un quart de l’énergie consommée en Europe. Pour une transition énergétique globale, il est essentielle de s’intéresser aussi à l’énergie (souvent fossile) consommée par les transports, ou les bâtiments pour le chauffage notamment.

C’est pourquoi le plan « Fit for 55 » relève également les objectifs en matière d’efficacité énergétique, ce qui devrait permettre de réduire de 9% la consommation énergétique de l’Union par rapport aux projections. Cette efficacité énergétique doit notamment passer par la rénovation énergétique des bâtiments. La Commission propose un objectif de 3% de bâtiments rénovés annuellement. De son côté, la révision de la directive sur la taxation de l’énergie devrait permettre de mettre fin à des exemptions de taxe aberrantes d’un point de vue climatique, comme celle concernant le kérosène. 

Encourager la transition du secteur des transports

Côté transports, (un secteur qui génère près d’un quart des émissions de l’UE), il faudrait réduire de 90% les émissions de ce secteur pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Est-ce la fin des voitures thermiques ? 

Pour cela, la Commission a décidé d’appliquer des normes très rigoureuses concernant les émissions de CO2 des nouvelles voitures. D’ici 2030, les constructeurs devront réduire de 55% les émissions des nouveaux véhicules, contre un objectif actuel de 37,5%. D’ici 2035, les émissions des nouveaux véhicules devront être réduites de 100%. Cela signifie qu’à partir de cette date, les voitures neuves ne devront plus émettre de CO2. Cela exclut automatiquement les voitures thermiques. Dans le même temps, la Commission veut garantir que tout le monde ait accès aux points de recharge pour voitures électriques, en veillant à ce qu’une station soit disponible tous les 60 km. 

Réduire l’impact des transports routiers, aériens et maritimes

La Commission compte aussi réduire l’empreinte carbone des transports en favorisant les carburants durables. L’initiative ReFuel EU Aviation  obligera les fournisseurs de carburant à intégrer davantage de carburants dits “durables” (agrocarburants et carburants de synthèse) dans les carburéacteurs. Les carburants polluants seront taxés davantage. Une initiative semblable quoique moins contraignante, Fuel EU Maritime, est proposée pour le transport maritime. 

Pour réduire l’impact des transports, la Commission propose la suppression progressive des exemptions dont bénéficie le secteur de l’aviation en matière d’échange de quotas d’émissions, et également d’intégrer le transport maritime au système. Enfin, un mécanisme séparé sera créé pour le transport routier.

La révision du système d’échange de quotas d’émissions de l’Union (SEQE-EU)

La réforme du système d’échange de quotas d’émissions (SEQE-EU) est donc au coeur du plan « Fit for 55 ». Ce système permet de fixer un prix à l’émission d’une tonne de carbone. Il concerne 10 000 installations affiliées aux industries hautement polluantes (électricité, industrie manufacturière, compagnies aériennes) et couvre environ 40 % des émissions totales de gaz à effet de serre de l’Union. Pour encourager ces secteurs à baisser de 61% leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2005, la Commission prévoit de baisser le plafond d’émissions et de diminuer progressivement le nombre de permis et de quotas gratuits. Cela devrait conduire à une augmentation significative du prix de la tonne de carbone. Le SEQE-EU permettra d’alimenter un Fonds social pour le climat destiné à aider les citoyens européens les plus touchés ou les plus menacés par la précarité énergétique ou la précarité de la mobilité. 

En complément : la taxe carbone aux frontières (CBAM)

Pour plus d’équité et pour éviter que les industries polluantes ne délocalisent hors de l’UE, la Commission propose d’instaurer un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Pour commencer, seuls certains produits au bilan carbone très lourd seront concernés comme l’acier, le fer, l’aluminium, le ciment ou encore les engrais. Le principe est que ceux qui veulent vendre des produits polluants dans l’UE paient des taxes équivalentes à celles que paient les producteurs européens sous le SEQE-EU. 

Les forêts 

En même temps que l’Union européenne réduit ses émissions, elle doit aussi augmenter ses puits de carbone, c’est-à-dire ses capacités à stocker du carbone. La Commission propose de stocker 310 millions de tonnes équivalent CO2 d’ici à 2030. Pour cela, le plan “Fit for 55 » mise largement sur les forêts. Celles-ci couvrent actuellement 45% des terres européennes. L’objectif est de planter au moins trois milliards d’arbres supplémentaires d’ici 2030. Cet objectif s’accompagne de règles encadrant la gestion des forêts pour garantir des pratiques durables.

Que faut-il attendre du plan “Fit for 55” ? 

“Fit for 55” est, sans conteste, l’ensemble de propositions climatiques de la plus grande ampleur jamais élaboré à l’échelle de l’Union européenne. Certains, à l’instar de l’eurodéputé Europe Écologie – Les Verts Marie Toussaint, ont pu regretter le manque d’ambition des propositions de la Commission, notamment en ce qui concerne les énergies renouvelables. On peut également émettre des réserves sur le choix de favoriser les agrocarburants quand on sait que leur bilan carbone est parfois plus négatif que celui des combustibles fossiles (voir Aurélien Bigo, p.280). 

Il reste beaucoup de chemin à parcourir pour ce plan avant d’être adopté par l’Union européenne. Beaucoup d’aller-retours entre le Conseil et le Parlement sont à prévoir. Certaines propositions seront difficiles à faire accepter comme celle de la taxation des combustibles fossiles. Étant de nature fiscale, elle devra obtenir l’unanimité du Conseil européen. Cela a souvent été un motif de blocage ces dernières années. 

Photo de Christian Lue sur Unsplash