La trottinette électrique est-elle écologique ? Quel est son impact environnemental comparé à d’autres moyens de transport ? Peut-elle faire partie d’un système de transport durable ? Voici ce que disent les études récentes.

Depuis quelques mois, les trottinettes électriques en libre service ont fleuri un peu partout dans nos villes. En théorie, elles offrent un moyen de transport pratique, à la demande, accessible à tous, pour se déplacer grâce à l’électricité qui, on le sait, est normalement moins polluante que l’essence ou les autres carburants fossiles.

Oui mais ce n’est pas si simple ! Comme toujours en matière d’impact environnemental, avant d’affirmer qu’une technologie est plus écologique qu’une autre il faut se poser plusieurs questions. Quelles sont les pollutions cachées que cette technologie engendre (par exemple durant sa fabrication, ou pour la production de l’énergie qui l’alimente) ? Quels sont les usages réels qu’elle permet par rapport aux technologies existantes ? Quelle est sa durée de vie ? Comment est-elle recyclée en fin de vie ? Et au final, tout ça mis bout à bout, est-ce vraiment écologique, ou en tout cas plus écologique que ce qui existe déjà ?

Les trottinettes électriques : un impact écologique encore méconnu

Ce débat, cela fait des années qu’on l’a sur la voiture électrique. Certains l’accusent d’être en fait plus polluante que la voiture thermique, notamment à cause de la production des batteries, l’extraction des métaux rares ou encore de la production de l’électricité. D’autres disent qu’elle est plus écologique car elle réduit les émissions pendant la phase d’usage, surtout si elle est couplée à une énergie décarbonnée. Aujourd’hui, avec la multiplication des études scientifiques sur ce sujet (de l’ADEME en passant par l’UCS ou de grandes université internationales) on est à peu près certain que oui, la voiture électrique est plus écologique que le diesel ou l’essence, dans pratiquement tous les cas.

Mais pour la trottinette électrique, c’est plus compliqué. En effet, le phénomène est récent et on a donc peu de recul sur tout ça. Peu d’études se sont penchées sur la question, mais cela commence. Plusieurs études scientifiques ont tenté d’évaluer les impacts des trottinettes électriques, notamment en libre service. Voici ce que l’on peut dire aujourd’hui, en l’état de nos connaissances sur le sujet.

Les enjeux de l’impact environnemental des trottinettes électriques

Comme pour tous les moyens de transport, si l’on veut calculer l’impact environnemental des trottinettes électriques, il faut analyser les 4 grandes phases de son cycle de vie : la phase de fabrication du véhicule (quand on fabrique le véhicule, son moteur, ses composants), la phase de production de l’énergie du véhicule (comment est fabriquée l’énergie qui permet au véhicule de rouler), la phase d’usage du véhicule (quand on roule avec) et la phase de maintenance et de fin de vie du véhicule (comment on l’entretient et on le recycle ou le détruit quand il ne fonctionne plus). À chacune de ces phases, on a des impacts environnementaux différents.

Pour les trottinettes électriques, c’est un peu la même chose que pour les véhicules électriques.

Sur la phase de production, il faut prendre en compte toute l’énergie consommée pour extraire des matières premières, les transformer, les assembler… Pour tous les appareils électriques cette phase est importante car c’est là que l’on produit notamment la batterie de l’engin qui ont de lourds impacts écologiques (voir à ce sujet : L’impact environnemental des batteries électriques).

Concernant la phase liée à la production de l’énergie, là encore, les trottinettes ont des enjeux proches des voitures électriques. Si l’électricité est produite de façon écologique (énergies renouvelables ou décarbonnées), alors l’impact environnemental de cette phase sera faible, alors que si elle est produite à partir d’énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), l’impact écologique et notamment les gaz à effet de serre augmentent.

La phase d’usage quant à elle est cruciale pour les trottinettes électriques et les véhicules électriques en général, car c’est là qu’ils ont un vrai avantage. En effet, en phase d’usage, les véhicules électriques (y compris les trottinettes) ne polluent pas. Pas d’émissions de CO2, pas de rejets polluants, seulement les particules liées au freinage. Cela veut dire que plus on utilise sa trottinette électrique (ou sa voiture électrique) longtemps, plus on rentabilise son avantage écologique : certes on a pollué en fabricant le véhicule et en produisant l’électricité, mais ensuite, on ne pollue plus à l’usage. Il faut toutefois comptabiliser aussi la manière dont on recharge les véhicules : dans les cas des trottinettes, il faut par exemple les amener à une borne de recharge et ce transport peut avoir un impact significatif.

Et enfin, le recyclage est également important car les trottinettes électriques contiennent des matériaux rares, et potentiellement polluants. Il faut donc prendre en charge les batteries et cela permet de réduire l’impact environnemental global.

Les trottinettes électriques : pas si écologiques que ça

Aujourd’hui, la principale étude ayant étudié ces différentes phases pour la trottinette électrique est l’étude publiée par la North Carolina State University. Selon les scientifiques qui ont réalisé cette étude, les trottinettes électriques ne sont pas vraiment un moyen de transport écologique aujourd’hui. En effet, sur le bilan carbone par exemple, les trottinettes émettraient environ 202 g de CO2 par km et par passager sur l’ensemble de son cycle de vie. C’est à peu près autant qu’une voiture thermique et 3.5 fois plus qu’une voiture électrique.

Pourquoi ce résultat ? D’abord, parce que la phase de fabrication est assez lourde : il faut construire une batterie pour chaque trottinette, alors que ce mode de transport ne permet généralement de transporter qu’une personne (au maximum deux). 50% de l’impact carbone est ainsi lié à la production du véhicule. Le deuxième gros problème est lié à la recharge des véhicules. En effet, il faut les collecter et les déplacer pour les recharger, et pour cela on utilise des camions qui émettent du CO2. Cela alourdit grandement le bilan : 43% des émissions de gaz à effet de serre seraient liés à la recharge. La production de l’énergie représenterait quant-elle un peu moins de 5% du bilan GES des trottinettes électriques.

Mais le principal problème de ces véhicules c’est finalement la façon dont ils sont utilisés. En effet, pour obtenir ce résultat, les scientifiques ont pris comme hypothèse que les trottinettes avaient une durée de vie d’environ 1 an. Cette courte durée de vie alourdit considérablement le bilan écologique de ces véhicules puisqu’on produit une batterie pour seulement un an d’usage, soit à peine quelques dizaines ou centaines de kilomètres. À l’inverse, lorsqu’on produit une voiture, elle est utilisée des années et généralement autour de 200 000 km au minimum.

Les chercheurs constatent ainsi que le principal levier pour réduire l’impact environnemental des trottinettes est d’allonger leur durée de vie. Ainsi, en utilisant ces trottinettes 2 ans, on passerait à 141 g de CO2 par km et par passager (ce qui est toujours 2 fois plus élevé que de rouler en voiture électrique). Or, selon les premières données accessibles, actuellement en conditions réelles les trottinettes électriques ont une durée de vie inférieure à 1 mois : cassées, jetées dans les rivières, mal entretenues, elles ne tiennent pas longtemps.

Les trottinettes électriques : quelle place dans un système de mobilité et de transport durable ?

Tout cela invite alors à se questionner sur la pertinence de ce type de véhicules. À quoi servent-ils vraiment ? Quel est leur usage réel ? C’est cela qui détermine réellement la pertinence écologique d’un moyen de transport. En effet, un véhicule ou un moyen de transport n’est jamais écologique en soi. Il n’est écologique que quand il permet de répondre à un besoin de mobilité d’une façon plus écologique que les moyens de transport dont nous disposons déjà (la marche, le vélo, les transports en commun ou les véhicules particuliers).

Or dans le cas des trottinettes, la question de l’usage est encore floue. Dans la majorité des cas, l’usage d’une trottinette électrique ne remplace pas un usage plus polluant. Vraisemblablement, ceux qui se déplacent généralement en voiture n’abandonnent pas leur véhicule pour le remplacer par des trottinettes électriques : il existe déjà depuis longtemps des alternatives plus confortables et plus simples d’utilisation pour cela (le vélo, les transports en commun). La plupart du temps, la trottinette électrique remplace donc des usages qui étaient déjà écologiques : le vélo, la marche, le bus ou le métro. Et comme elle émet plus de CO2 que ces différents modes de transport, la trottinette électrique tend plutôt aujourd’hui à alourdir le bilan carbone de nos déplacements.

En résumé, la trottinette électrique n’est pertinente sur le plan écologique que lorsqu’elle remplace des modes de transport très polluants comme la voiture. Un cas de figure qui est probablement assez peu fréquent. Si l’on veut que les trottinettes électriques s’insèrent de façon pertinente dans un système de mobilité et de transport durable il faut donc avant tout :

  • Allonger leur durée de vie, les conserver longtemps
  • Les utiliser pour remplacer des trajets que l’on aurait autrement fait en voiture thermique
  • Améliorer l’infrastructure de recharge (pour éviter d’utiliser des véhicules thermiques pour les recharger)
  • Ne pas les utiliser pour remplacer des déplacements déjà décarbonnés comme les transports en commun, la marche ou le vélo

Pas évident ! Il y a sans doute quelques usages où c’est possible, notamment sur la question de la multimodalité mais ce n’est probablement pas le cas de la majorité des usages actuels.