Contrairement à une idée souvent avancée par les défenseurs de l’automobile à carburant fossile, la voiture électrique ne pollue pas plus que les véhicules essence ou diesel. Explications.

Peu à peu, tout le monde commence à prendre conscience de la nécessité de transformer la façon dont nous nous déplaçons au quotidien, notamment pour lutter contre le réchauffement climatique et la pollution de l’air. Le transport est la seconde source d’émissions de gaz à effet de serre dans le monde (juste derrière la production d’énergie – électricité, gaz, chauffage) et la voiture représente la grande majorité de ces émissions. En France, les voitures particulières représentent à elles seules près de 15.6% des émissions de CO2 de l’ensemble du pays, soit plus que la totalité des industries françaises réunies, mais aussi 5 à 7 fois plus que l’aviation ou le transport maritime.

Il est donc nécessaire de changer de modèle et parmi les alternatives proposées pour réduire notre impact, il y a bien sûr la voiture électrique. Le problème, c’est qu’alors qu’elle a longtemps été décrite comme un véhicule zéro émission, la voiture électrique a depuis quelques mois acquis une mauvaise réputation : elle serait en fait plus polluante qu’un véhicule diesel ou essence.  Alors, que doit on penser de la voiture électrique : plus ou moins polluante que la voiture traditionnelle ? On vous explique.

La voiture électrique : polluante ou pas ?

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Pendant longtemps, on a eu tendance à considérer que la voiture électrique était une voiture 100% écolo, zéro émissions de CO2, zéro pollution. C’est en partie vrai, mais aussi en partie faux. C’est en partie vrai parce que lorsqu’elle roule, une voiture électrique n’émet strictement aucune pollution : rien ne sort du moteur, pas de CO2, pas de particules fines, pas de polluants toxiques.

Pour autant, cela ne veut pas dire que la voiture électrique soit zéro pollution. Comme toutes les technologies, la voiture a des impacts sur l’environnement. Il y a d’abord la pollution générée pour produire la voiture : extraire les matériaux, fabriquer le moteur, les composants, la batterie. Tout cela consomme des ressources naturelles et nécessite de l’énergie et cela émet donc des gaz à effet de serre. Ensuite, il y a la pollution générée pour produire l’électricité qui alimente la voiture. Si l’on produit cette électricité avec des sources bas carbone, alors ce n’est pas un problème. Mais si l’on produit l’électricité avec des sources très polluantes comme le charbon, le fioul ou le gaz, cela peut-être très polluant. Evidemment, il y a aussi la pollution liée à l’usure de pneus et au freinage. Enfin, il y a la pollution générée par ce qu’on appelle la « fin de vie » du véhicule : le recyclage des matériaux, notamment la batterie, la destruction des composantes non-recyclables.

La voiture électrique n’est donc pas 100% écolo. Elle pollue, elle aussi. Mais les voitures « classiques », à essence ou diesel polluent aussi à tous ces niveaux : il faut extraire les matériaux, fabriquer le moteur, et aussi en fin de vie recycler tout ça. Alors, laquelle des deux options est la moins polluante ?

La voiture électrique plus polluante que la voiture à essence ou diesel ? Pas vraiment

Pour le savoir, il faut faire ce que l’on appelle une analyse de cycle de vie pour chacun des véhicules. Le principe est simple : pour chacun des produits (la voiture électrique d’un côté et la voiture essence ou diesel de l’autre) on va regarder tous les impacts environnementaux à chaque étape du « cycle de vie » du produit. En gros, on va regarder ce qui pollue quand on fabrique le produit, quand on l’utilise et quand on le jette ou le recycle. Ensuite, on compare ces deux analyses.

La fabrication d’une voiture électrique pollue plus que celle d’une voiture à essence

Quand on fait une analyse de cycle de vie pour une voiture électrique, on s’aperçoit qu’effectivement, la voiture électrique est relativement polluante, en tout cas plus qu’on ne le sous entend lorsqu’on dit que c’est une voiture zéro émissions. Comme les voitures électriques sont des véhicules assez techniques leur fabrication est souvent assez polluante, notamment à cause de la fabrication de la batterie. L’Union of Concerned Scientists a même publié un rapport concluant que fabriquer un véhicule électrique émet généralement entre 15 et 70% de CO2 supplémentaire par rapport à la fabrication d’une voiture diesel ou essence. Oui, fabriquer une voiture électrique pollue plus que fabriquer une voiture à carburant.

Oui, mais l’impact environnemental d’une voiture ne s’arrête pas à la fabrication du véhicule. Il faut ensuite ajouter la pollution générée par l’utilisation du véhicule au quotidien, lorsque vous roulez.

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La voiture électrique pollue beaucoup moins qu’une voiture essence ou diesel lorsqu’elle roule

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Sur ce point, la voiture électrique est généralement beaucoup moins polluante qu’une voiture diesel ou essence. C’est logique : lorsque vous roulez avec de l’électricité, vous n’émettez pas de polluant directement, alors qu’à chaque fois que vous prenez votre voiture essence ou diesel, vous émettez des particules fines ou du CO2.

Bien sûr, tout dépend en réalité de la façon dont on produit l’électricité utilisée dans les voitures électriques. Plus l’électricité est fabriquée à partir de sources non polluantes ou décarbonnées (comme les énergies renouvelables ou le nucléaire), plus le bilan écologique d’une voiture électrique est bon. Inversement, si vous produisez votre électricité à partir de charbon ou de fioul, très polluants, le bilan écologique de votre véhicule électrique se dégradera. Mais même avec des sources de production d’électricité polluantes, le véhicule électrique est généralement meilleur que le véhicule essence. Pourquoi ? Tout simplement parce que le moteur électrique est plus efficace que le moteur à combustible : il faut moins d’énergie pour faire avancer un véhicule électrique qu’un véhicule à essence ou diesel. C’est ce qu’a démontré une étude européenne : il faut en moyenne 168 megajoules d’équivalents pétrole pour faire avancer un véhicule à combustible sur 100 km et seulement 112 mégajoules d’équivalents pétrole pour faire avancer un véhicule électrique alimenté par une centrale de production électrique fossile. Cela s’explique facilement : un moteur thermique a un rendement de l’ordre 30%, la majeure partie du contenu énergétique du carburant étant dissipée sous forme de chaleur et dans une moindre mesure, par les frottements. Au contraire, avec un moteur électrique, le rendement atteint 60 à 90%, l’énergie n’étant dissipée que par les frottements.

De ce fait, lorsqu’un véhicule électrique roule avec une électricité relativement propre, c’est à dire composée en partie d’énergie renouvelable ou d’énergie décarbonée, son bilan écologique devient largement meilleur que celui d’une voiture essence ou diesel. Elle pollue beaucoup moins. Une voiture à essence polluera en moyenne à peu près 125-150 g de CO2 par km parcouru alors qu’un véhicule électrique alimenté avec une électricité nucléaire (comme c’est le cas en France) par exemple n’émettra que 2 g de CO2 par km parcouru, soit 60 à 75 fois moins. De ce fait, la pollution initiale réalisée lors de la fabrication de la voiture électrique est rapidement et largement compensée par le fait qu’elle pollue très peu pendant son utilisation. 

Le recyclage des batteries et la fin de vie des voitures électriques : ça pollue ?

Reste à examiner la dernière phase du cycle de vie : la « fin de vie » c’est-à-dire le recyclage des véhicules et leur destruction. Aujourd’hui, on sait qu’environ 90% des composants d’une voiture peuvent-être recyclés, et c’est le cas pour les voitures à essence ou diesel comme pour les voitures électriques. Sur ce point, il n’y a donc pas de différence significative entre les deux types de véhicules en termes de pollution. Le vrai problème, c’est celui de l’impact environnemental du recyclage des batteries au lithium des voitures électriques.

Le recyclage des batteries des voitures électrique est encore un marché naissant et c’est assez logique : la plupart des voitures électriques sont récentes et n’ont pas encore atteint leur fin de vie. Il y a donc assez peu d’entreprises qui recyclent les batteries au lithium des voitures électriques, mais elles existent malgré tout. Certaines déclarent recycler jusqu’à 90% d’une batterie de véhicule électrique.

Mais même en prenant en compte un taux de recyclage égal à zéro sur les véhicules électriques, l’étude de l’UCS montre que les voitures électriques restent largement moins polluantes que les voitures à moteur à explosion. Si les techniques de recyclage et l’industrie se développe sur le même rythme qu’actuellement, cela pourrait par contre contribuer à diminuer largement l’impact environnemental des véhicules électriques et les rendre encore plus écologiques, sachant que la batterie représente entre un tiers et la moitié des impacts environnementaux d’un véhicule électrique.

En résumé, si l’on regarde les différentes études, toutes admettent qu’une voiture électrique produira moins de gaz à effet de serre et moins de particules fines qu’une voiture à essence ou une voiture diesel. Selon l’ADEME, en France, « une berline électrique émet en moyenne 2 fois moins (44% de moins) qu’un véhicule diesel de la même gamme (26 t CO2–eq. et 46 t CO2–eq.), une citadine électrique émet en moyenne 3 fois moins (-63%) de gaz à effet de serre qu’une citadine essence (12 t CO2–eq. contre 33 t CO2–eq.). » L’étude de l’UCS arrive aux mêmes conclusions, montrant qu’une voiture électrique pollue en moyenne deux fois moins qu’un véhicule essence comparable. Mieux : même avec une électricité très polluante, à base de charbon (autour de 900 g de CO2/kWh) la voiture électrique fait tout de même 20% mieux que la voiture thermique en termes de CO2. Une étude menée par le groupe Ricardo arrive elle aussi à des chiffres similaires : un véhicule électrique polluerait entre 40 et 60% de moins qu’un véhicule à carburant et démontre que cela pourrait encore être amélioré grâce à des batteries adaptées (plus petites).

Véhicules électrique contre véhicule à carburant : des pollutions différentes

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Si les véhicules électriques polluent donc bien moins (largement moins) que les véhicules à carburant, il faut aussi avoir conscience que l’on parle de pollutions très différentes dans les deux cas.

Une voiture à carburant génère essentiellement deux types de pollutions : d’abord, des gaz à effet de serre qui ont principalement un effet de pollution globale (le réchauffement climatique) et ensuite des particules fines, qui constituent une pollution de l’air locale. Le réchauffement climatique est une priorité écologique ce qui incite à vouloir diminuer progressivement l’usage des carburants et donc de la voiture à essence ou diesel. Quant à la pollution locale, c’est simple : une voiture à essence ou diesel pollue là où elle roule. Ainsi, dans les grandes villes avec beaucoup de trafic, on se retrouve avec des pics de pollution, un air saturé en particules fines, et cela a des conséquences sur la santé, notamment celle des enfants ou des personnes fragiles.

La voiture électrique, elle, pollue différemment : elle pollue d’abord au niveau des lieux de production des composantes comme les batteries (on pense alors à l’extraction des matériaux ou à la fabrication), et au niveau des centrales de production de l’électricité. Cette différence est importante car elle implique des conséquences et des méthodes de gestion très différentes dans les deux cas.

Dans le cas de la voiture électrique, il s’agit de pollution en théorie plus faciles à gérer. Pourquoi ? D’abord parce que l’on peut théoriquement réduire ces pollutions en utilisant des sources d’énergie plus écologiques ou décarbonées (chose que l’on ne peut pas faire avec les voitures à carburant). Si les usines de fabrication des batteries sont alimentées avec une énergie propre, leur pollution diminue. Même chose, si l’électricité qui alimente les voitures électriques est propre, la pollution globale diminue. D’autre part, cette pollution est plus facile à maîtriser car elle est centralisée : une centrale à charbon qui produirait de l’électricité alimentant les voitures électriques pollue à un seul endroit, souvent loin des villes. On peut donc plus facilement « capter » cette pollution en sortie d’usine, grâce à des techniques de stockage du carbone. Et même si on ne la capte pas, elle n’est pas concentrée proche des lieux de vie, ce qui évite les dangers sanitaires liés à la pollution proche des habitats.

Voiture électrique et pollution : des questions en suspend

Bref, la voiture électrique est, sans aucun doute, moins polluante que la voiture à essence ou diesel. La pollution qu’elle génère est aussi d’une nature différente : plus modulable, plus facile à maîtriser, moins dangereuse.

Toutefois, certaines questions restent en suspend concernant l’impact environnemental de la voiture électrique. Parmi ces questions, il y a notamment celle du mix électrique. Il est évident que pour que les voitures électriques soient les plus écologiques possibles elles devront être alimentées par une électricité d’origine renouvelable ou décarbonée. En France, on dispose d’une électricité quasiment décarbonée ce qui donne encore un avantage au véhicule électrique. Mais dans les autres pays, la transition vers le véhicule électrique devra s’accompagner d’une politique de transition énergétique, notamment là où l’électricité est très polluante (Chine, Etats-Unis, Inde, Pologne…).

Une autre question est celle de la transformation de nos usages de mobilité. La voiture électrique c’est bien, mais ça ne suffira pas à réduire suffisamment notre impact sur le climat ou la pollution si nous ne changeons pas nos habitudes de déplacement. Par exemple, si l’on doit tous se doter de gros véhicules électriques avec des batteries d’une tonne capables de parcourir des centaines de kilomètres sans s’arrêter, cela aura toujours un impact environnemental considérable (même s’il sera moindre qu’en restant aux voitures essence ou diesel). La transition vers le véhicule électrique doit aussi être la transition vers la mobilité sobre, de plus petits véhicules et moins de déplacements : cela permettra de multiplier les bénéfices écologiques du véhicule électrique.

Enfin, d’autres questions existent aujourd’hui : aura-t-on assez de lithium pour fabriquer suffisamment de batteries ? Ou passera-t-on à d’autres technologies de batteries (sodium par exemple) ? Comment gérer et réduire les impacts environnementaux et sociaux du minage des ressources naturelles (lithium, matériaux rares) dans les pays étrangers ?

La voiture électrique est donc bien moins polluante que les voitures actuelles, mais pour rendre notre mobilité vraiment écologiques, elles ne sont qu’une partie de la solution. Plus de transports en commun, plus de mobilité active, une vraie transition énergétique, une gestion plus circulaire des ressources seront aussi une partie de la solution. Et cela ne veut pas dire qu’il faut bannir définitivement les véhicules à énergie fossile : il est aussi possible de rendre ces derniers plus écologiques, en passant à des modèles plus petits, moins gourmands en carburant. En résumé : oui la voiture électrique est plus écologique, mais ce n’est pas le seul aspect du problème.

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Sources :

– Edwards R. et al, Well-to-wheels Analysis of Future Automotive Fuels and Powertrains in the European Context, European Commission Joint Research Centre, Institute for Energy, JRC scientific and technical reports, 2011

– Nealer R. et al, Cleaner Cars from Cradle to Grave – How Electric Cars Beat Gasoline Cars on Lifetime Global Warming Emissions, Union of Concerned Scientists, 2015

– Patterson, J. Understanding the life cycle GHG emissions for different vehicle types and powertrain technologies, Ricardo for LowCVP and Project Steering Group, 2018

– Schuller A. et al, Quelle contribution du véhicule électrique à la transition écologique en France ?, FNE, European Climate Foundation, Carbone 4, ADEME, 2017