Publié le 11 décembre 2017
S’il est une catégorie d’individus que le système de santé a des difficultés à accompagner, à soutenir et qui se trouve souvent délaissée, c’est bien celle des aidants : des hommes et des femmes investis qui n’ont d’autre choix que celui d’assister leurs proches malades ou dépendants. Surexposés au stress, à la fatigue physique et psychologique, les aidants s’effacent au profit de leurs proches et doivent gérer la complexité d’une situation aussi bouleversante qu’anxiogène. Ils décuplent ainsi le risque d’être victime de maladies chroniques. Compte tenu de l’allongement de la durée de vie des Français, le nombre des aidants ne va cesser de s’accroître dans les années à venir. Il devient donc nécessaire de trouver des alternatives et des solutions concrètes pour les accompagner.
C’est pourquoi la Fondation APRIL s’engage depuis plusieurs années aux côtés des aidants à travers de nombreuses actions. Nathalie Hassel, sa directrice, vous explique comment.
Comment la notion d’aidant est-elle apparue dans le temps ?
Il y a 30 ans, l’aidant faisait généralement partie du cercle familial sans autre statut ou classification. Au fur et à mesure de l’évolution de la société, l’aidant est devenu un objet d’étude. Pourquoi ? Parce que son rôle est indispensable et soutient une fonction fondamentale qui ne peut pas être intégralement portée par les pouvoirs publics. Le vieillissement de la population amplifie le besoin et les solutions pérennes à inventer pour la société de demain.
Ce mouvement s’intensifie depuis 15 ans, la notion d’aidants devient plus visible et s’accompagne du développement d’une mosaïque d’aides et de services. Ces dernières années, la reconnaissance du statut des aidants continue de progresser grâce à la combinaison de différents facteurs. D’abord, avec l’adoption de la Loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement (ASV) en 2015, qui a contribué à médiatiser et à reconnaître ce statut particulier. Ensuite début 2016, avec la reconnaissance officielle du statut d’aidants et les 1ères mesures concrètes sur le droit au répit avec l’article L. 232-3-2. Enfin, une étape clé a eu lieu en début d’année 2017 avec le congé proche aidant. Depuis, de nouvelles perspectives apparaissent, notamment dans l’environnement professionnel avec le don de RTT au sein d’une même entreprise afin qu’un aidant puisse avoir davantage de temps pour prendre soin de son proche aidé.
Compte tenu de l’allongement de la durée de vie des Français, le nombre des aidants ne va cesser de s’accroître dans les années à venir et c’est une question qui va s’inscrire au cœur de la société. Ils sont aujourd’hui 11 millions, et trouvent un début de reconnaissance à leur situation pour être pris en considération dans la pluralité de leurs situations et de leurs besoins. Un phénomène qui touche tous les secteurs : médicaux social, l’entreprise et ses salariés, les assurances, le secteur des services à domicile, mais aussi la mobilité, moyens de transport ou encore le tourisme et l’adaptation des dispositifs. Il devient donc nécessaire de trouver des alternatives et des solutions concrètes et pertinentes pour les accompagner.
Qu’est-ce qu’un aidant dans le contexte actuel ?
Quand on parle des aidants, de qui parle-t-on ? D’eux, de vous, de nous tous…
Parce qu’être aidant ponctuellement ou durablement un proche malade, en situation de handicap ou de dépendance que ce soit un enfant, un conjoint, ou nos parents vieillissants, chacun de nous, à un moment ou à un autre de sa vie, peut être concerné par cette situation qui n’est ni figée, ni une fatalité. Aujourd’hui, 11 millions de Français sont concernés.
Pour mieux comprendre qui sont les aidants en 2017, voici leur portrait-type :
Si le baromètre des aidants de la Fondation APRIL contribue à démêler le vrai du faux d’un certain nombre d’idées reçues concernant le profil des aidants (les aidants ne sont pas forcément des femmes, à la retraite, qui accompagnent leurs parents dépendants… mais aussi des hommes et des actifs !), on observe toutefois une multitude de situations particulières.
Difficile en effet de comprendre la situation des aidants car elle est loin d’être une population homogène. Elle se caractérise plutôt par une multiplicité de situations individuelles, toutes aussi différentes les unes que les autres, avec leur lot de contraintes, de combats et de souffrances.
Ce qui est toutefois commun aux aidants, c’est sans conteste la complexité du quotidien à laquelle ils sont confrontés, le stress et la fatigue physique et psychologique auxquels ils sont exposés. C’est dans cette optique, pour mieux comprendre le quotidien des aidants mais également pour apporter un regard juste à leur situation et combattre les idées reçues, que la Fondation APRIL s’est attachée à observer l’évolution de cette communauté.
Par son Baromètre des aidants tout d’abord, qu’elle réalise depuis 3 ans en partenariat avec l’Institut BVA et qui lui permet de disposer de précieuses données quantitatives. Ce baromètre vise à anticiper les changements au sein de la communauté des aidants pour mieux appréhender leurs attentes, illustrer la diversité des situations et confronter la perception des non-aidants au vécu des aidants. Des sujets d’autant plus majeurs que si les aidants sont aujourd’hui au nombre de 11 millions en France, ils seront 17 millions en 2020 compte tenu de l’allongement de la durée de vie. En 2060, un tiers des Français aura plus de 60 ans et les + de 85 ans seront près de 5 millions contre 1,4 millions aujourd’hui.
Forte de ces données quantitatives, la Fondation APRIL a franchi une nouvelle étape dans l’investigation de la thématique des aidants, en développant son 1er Observatoire Connecté sur la vie des aidants. Lancé en 2016, cet Observatoire s’est révélé être un précieux outil pour mieux comprendre le quotidien des aidants. La Fondation APRIL s’est en effet immergée à leurs côtés pendant une année, collectant ainsi des informations qualitatives venant compléter les données quantitatives de son baromètre. Les 1ers résultats de 2016 ont notamment permis de confirmer la nécessité de proposer des alternatives de répit aux aidants. En 2017, cet Observatoire est désormais réalisé en collaboration avec la Fondation France répit et le Centre Léon Bérard. Une expérience unique sur le territoire AURA pour apporter des éléments de réponse concrets aux questions liées à : la reconnaissance de l’aidant, l’épuisement, les manques et les besoins, les services dédiés aux aidants et surtout au projet Métropole aidante de Lyon.
Comment être utile et accompagner au mieux les aidants ?
Après avoir observé les difficultés auxquelles sont confrontés les aidants, la Fondation APRIL a souhaité y apporter des solutions concrètes. Dans cette optique, elle s’engage sur le terrain et apporte son soutien à deux initiatives territoriales.
La 1ère initiative, c’est HIZY.org, une plateforme digitale créée par l’ONG Handicap International, qui a mis tout son savoir-faire et son historique au service des publics à besoins particuliers pour faciliter leur quotidien et la vie de leur entourage aidant. Hizy, c’est un projet innovant, qui propose un très grand nombre de réponses aux besoins particuliers, réunies dans un même endroit : des informations gratuites, personnalisées et accessibles « 3 clics » ; des services de téléassistance (assistance administrative et juridique, conciergerie médicale, aide au retour à l’emploi) et d’autres propositions commerciales adaptées. Enfin, des blogs et des forums existent pour que les membres des communautés concernées (handicap, maladie, grand âge…) partagent et s’entraident. De cette manière, Hizy permet aux personnes avec des besoins particuliers et à leurs aidants de gagner une des choses qui leur manque le plus, d’après notre Baromètre des aidants : du temps !
La 2eme initiative accompagnée sur le territoire lyonnais est la maison de répit, portée par la Fondation France Répit, qui expérimente sur le territoire l’ouverture d’un lieu d’accueil physique offrant un ensemble de services pour accompagner les aidants ainsi leurs proches aidés. La pose de la 1ère pierre de ce lieu de ressources et de répit a eu lieu le 6 octobre 2017 à l’occasion de la Journée Nationale des Aidants, en présence de Sophie Cluzel, Secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre, chargée des Personnes handicapées et de nombreuses autres personnalités, qui s’intéressent de près à cette alternative « tout soin ».
Comment intégrer les aidants au cœur de la responsabilité de l’entreprise ?
Les entreprises, en tant qu’employeurs responsables, ont aussi un devoir d’action auprès de leurs salariés aidants pour faciliter leur quotidien. La carte « APRIL for me » du Groupe APRIL a ainsi été imaginée il y a 3 ans dans cette optique, par et pour les salariés en interne. Via un numéro unique et confidentiel à la disposition de tous les salariés, un service médico-social en ligne peut apporter un panel d’aides et de conseils à distance, et intervenir à domicile le cas échéant. Concrètement, les salariés peuvent bénéficier gratuitement de trois niveaux de soutien :
- Une aide aux démarches administratives contraignantes, avec l’aide d’une assistante sociale dédiée, qui prend en charge l’intégralité des dossiers contraignants d’aides, d’inscriptions et demande de financements (MDPH, droits aux allocations et aides des pouvoirs publics).
- Un service également d’orientation et de mise en relation dans la multiplicité des services et du monde associatif dédié.
- Une assistance humaine en cas d’immobilisation suite à un accident, prend le relais au domicile, en assistance de la vie quotidienne.
- Un soutien si besoin par une cellule psychologique, dans le cadre d‘événements traumatisants.
Pour conclure, la connaissance du statut d’aidant progresse et gagne en visibilité d’année en année et c’est une très bonne chose que d’observer cette tendance au regard de cette situation qui a de nombreuses répercutions au quotidien. Multiplier les initiatives, conjuguer les efforts et les actions pour faire valoir ce statut particulier reste primordial pour que notre société puisse s’organiser, légiférer et proposer des solutions concrètes aux 11 millions de Français concernés.