Vers une finance durable : La Banque Postale et son Indice d’Impact Global

Nicholas Vantreese - Directeur adjoint à la Direction de l’Engagement Citoyen

La Banque Postale

Nicholas Vantreese est directeur adjoint à la Direction de l’Engagement Citoyen, en charge du pôle Transformation et innovation. Il accompagne les métiers, directions et filiales de La Banque Postale dans leur stratégie de transformation citoyenne en réfléchissant aux nouvelles offres, aux nouveaux processus internes leur permettant d’internaliser les dimensions d’impact environnemental, social et sociétal.

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Depuis plusieurs années, la question du rôle des institutions financières sur la société et l’environnement est devenue centrale. Dans ce contexte, La Banque Postale a développé un outil novateur : l’Indice d’Impact Global (IIG). Cet indice, en ligne avec les exigences du règlement européen SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), vise non seulement à évaluer l’empreinte sociale, environnementale et territoriale, mais aussi à garantir plus de transparence quant à la performance extra-financière de ses activités. En intégrant ces critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), l’IIG offre une vision holistique des impacts de La Banque Postale, renforçant sa responsabilité et son engagement envers la création de valeur à long terme. Dans le cadre de notre partenariat existant depuis 2021 visant à accélérer le développement d’une finance engagée, le WWF France s’est assuré de la pertinence du modèle de l’indice.

Le concept de double matérialité

Traditionnellement, l’analyse des dossiers de prêt, de financement, de décision d’octroi, se concentre principalement sur les aspects de risque (financier et extra-financier). Il s’agit d’une matérialité simple, qui consiste à identifier l’impact d’une interaction avec un client ou avec une contrepartie externe sur la pérennité économique de La Banque Postale. A travers l’Indice d’Impact Global (IIG), La Banque Postale a cependant introduit une seconde dimension complémentaire : considérer l’ensemble des impacts environnementaux, sociaux et territoriaux des activités financées, dans une optique de double matérialité. L’IIG permet ainsi d’évaluer, en plus des externalités négatives, les externalités positives générées par un prêt, une décision d’octroi ou de financement, telles que la création d’emplois, le développement durable ou l’amélioration des infrastructures locales.

Le fonctionnement de l’Indice d’Impact Global

L’Indice d’Impact Global est composé de trois critères d’évaluation : l’impact territorial, le niveau d’inclusion sociale et l’empreinte environnementale. Chaque pilier propose différents indicateurs permettant d’établir une évaluation intermédiaire. Ces évaluations thématiques (E pour Environnement, T pour Territorial, et I pour Inclusion sociale) sont ensuite agrégées pour former une note globale. 

Les travaux qui ont permis à cet Indice d’Impact Global de voir le jour ont débuté en 2021. Initialement, l’IIG a été déployé sur des financements spécifiques : le financement d’actifs et de projets (réseaux de transport, énergie, etc.), le financement d’actifs immobiliers commerciaux et résidentiels. Le WWF France a d’ailleurs réalisé une revue critique des critères environnementaux de l’IIG appliqué à l’immobilier, en amont du lancement du Crédit Immobilier à Impact. De nouveaux secteurs tels que le secteur public local et le crédit aux grandes entreprises sont en cours d’intégration. Certains secteurs comme les PME, les ETI et le crédit à la consommation ne sont pas encore couverts, mais pourraient l’être d’ici à 2025.

Un exemple d’application de l’Indice d’Impact Global : le crédit immobilier à impact

Le déploiement de l’Indice d’Impact Global a permis la création d’une nouvelle offre en 2023 : le crédit immobilier à impact, qui remplace désormais le crédit immobilier classique. Concrètement, chaque bien immobilier faisant l’objet d’un financement est évalué selon trois critères – environnemental, territorial et inclusion sociale (ETI) – et présente une note d’impact global. Les clients bénéficient ensuite d’un taux bonifié pour l’ensemble de leur crédit immobilier, en fonction de la note d’impact obtenue. Par exemple, un bien immobilier énergétiquement performant et bien connecté aux infrastructures de transport public peut bénéficier d’un meilleur taux. Même si le bien initial a un mauvais diagnostic énergétique, le client de La Banque Postale peut améliorer sa note par l’engagement du client à  des travaux d’optimisation énergétique, ce qui entraîne une bonification du taux. Ce système incitatif récompense ainsi les choix immobiliers responsables et encourage les clients à s’engager dans la transition énergétique en réalisant ce type de travaux. Dès lors, l’outil de La Banque Postale favorise une approche plus durable et socialement responsable du financement immobilier.

Dans le cadre du crédit immobilier à impact, nous travaillons également avec deux fintechs : namR et Economie d’Energie. La première permet aux clients et prospects de La Banque Postale, en entrant simplement l’adresse de leur bien immobilier, d’avoir accès à différents scenarii de rénovation énergétique adaptés à chaque budget et chaque objectif de gain énergétique grâce aux recommandations de travaux et à l’estimation des aides nationales. Cette solution les aide à prendre des décisions éclairées pour améliorer la performance énergétique de leur bien.

La deuxième fintech, filiale du Groupe La Poste, va encore plus loin en offrant un accompagnement complet aux clients souhaitant améliorer la performance énergétique de leur logement : qualification plus approfondie du bien immobilier, détail et chiffrage des travaux à réaliser, évaluation de la lettre DPE après travaux, mise en relation avec des artisans RGE, vérification complète des devis, évaluation et accompagnement à l’obtention des aides nationales et locales. Cette approche complète garantit que les clients disposent des ressources et du soutien nécessaires pour effectuer des améliorations significatives sur leurs biens immobiliers.

La collaboration avec le WWF France : un partenariat stratégique pour La Banque Postale

La Banque Postale et le WWF France sont en partenariat depuis 2021 dans le but d’accélérer le développement d’une finance engagée dans les efforts d’atténuation du changement climatique, de préservation de la nature et d’adaptation des modes de vie. 

En travaillant avec le monde de l’entreprise, le WWF s’efforce de faire changer les pratiques et d’obtenir des résultats concrets. L’approche que le WWF a choisie pour travailler avec les entreprises est axée sur la recherche de solutions. Elle est à la fois collaborative et ambitieuse dans ses objectifs.

La coopération avec La Banque Postale est ainsi basée sur une compréhension partagée des problématiques, une mise en place d’objectifs ambitieux, ainsi qu’une volonté de communiquer publiquement sur notre travail commun. 

Différentes approches complémentaires ont été mises en place pour travailler avec La Banque Postale : (1) Accompagner La Banque Postale vers des pratiques et des solutions plus durables, (2) Mobiliser et sensibiliser les différentes parties prenantes, (3) Mettre en place un mécénat environnemental

Plus particulièrement, le partenariat actuel a pour vocation d’accompagner la Banque Postale dans : 

  • La conception d’offres plus responsables, dans le cadre d’une démarche globale d’accélération du financement de la transition écologique, avec :
    • Un accompagnement sur l’Indice d’Impact Global (IIG) via une contribution à la mise à jour de la checklist ESG, un outil interne permettant d’éco-concevoir des offres en fonction de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, ainsi qu’en s’assurant de la pertinence du modèle de l’indice.
    • Un accompagnement dans la transformation de la conception d’offres tests, avec une revue critique de l’IIG appliqué à l’immobilier sur le pilier Environnement, en amont du lancement du Crédit Immobilier à Impact.
  • L’alignement des portefeuilles de La Banque Postale avec les objectifs climatiques et sociaux, avec notamment une co-construction du plan de transition permettant d’atteindre les objectifs Near Term et Net Zéro.
  • L’identification et la définition des priorités sur le sujet Biodiversité, avec en premier lieu des travaux visant à la construction de politiques ambitieuses.
  • La sensibilisation des collaborateurs et favoriser l’engagement interne.

Sur le plan philanthropique, et dans une approche de contribution volontaire additionnelle via des projets de terrain, La Banque Postale a rejoint, en tant que membre fondateur, l’initiative Nature Impact lancée en mai 2023 par le WWF France – le premier fonds dédié basé sur la logique des Paiements de pratiques bénéficiant aux Services Écosystémiques (PSE) qui combine protection de la biodiversité et séquestration de carbone.

Le déploiement de l’Indice d’Impact Global auprès des différents métiers de La Banque Postale

Pour déployer cet indice, la Direction de l’engagement citoyen de La Banque Postale travaille en étroite collaboration avec les différentes divisions métier : des groupes de travail réfléchissent aux indicateurs pertinents, sur la base des trois piliers ETI de l’indice qui sont ensuite présentés aux métiers afin de recueillir leurs retours et les défis spécifiques de leur marché. De cette manière, une soixantaine d’indicateurs sont discutés, mais seuls une quinzaine sont retenus en moyenne. Cette démarche permet ainsi d’adapter les indicateurs à la réalité de chaque métier. La participation des métiers à l’élaboration de ces indicateurs favorise leur acceptation et leur intégration dans les processus opérationnels et dans les systèmes d’information de la banque. 

Pour garantir que l’Indice d’Impact Global soit pleinement intégré dans les opérations quotidiennes, La Banque Postale a confié aux commerciaux la tâche de remplir les grilles IIG en autonomie. Ainsi, les interactions entre les commerciaux et les clients incluent potentiellement la discussion de ce type de données. Des processus de vérification ont été mis en place en collaboration avec la Direction des risques pour s’assurer que les commerciaux remplissent correctement ces grilles. 

Le financement de projets et l’Indice d’Impact Global

La Banque Postale a récemment ajusté son processus de validation des dossiers de financement d’actifs et de projets et de financement de biens immobiliers commerciaux pour les projets IIG. Concrètement, cela signifie qu’un dossier de financement présentant un score IIG trop faible doit désormais être approuvé à un niveau de décision supérieur, impliquant une instance de direction plus élevée au sein de l’organisation. Ce changement dans le schéma délégataire crée un effet de dissuasion et incite les équipes à rechercher et à construire des projets de financement à fort impact avec leurs clients. En conséquence, plus les dossiers présentent une mauvaise évaluation IIG, moins ils sont susceptibles d’être soumis pour validation.

Les défis de l’Indice d’Impact Global

Le principal défi de l’Indice d’Impact Global réside dans l’accès à la donnée, soit parce qu’elle n’existe pas, soit parce qu’elle est difficile à capter et à remonter dans les systèmes d’information. Cela peut entraîner un dilemme entre l’exigence de demandes d’informations claires auprès des clients et le risque qu’ils se tournent vers d’autres banques, lassés par la quantité d’informations demandées. Pour relever ce défi, il faut trouver un équilibre entre ce qui est essentiel à recueillir et ce qui peut être obtenu sans solliciter directement le client. Nous nous basons ainsi sur la donnée que nous avons déjà dans nos systèmes, mais nous travaillons également avec des agences pour obtenir des bases de données qui viendront nourrir des moteurs de calcul. Pour les entreprises, nous utilisons les données brutes fournies par deux agences de notation extra-financières. Nous pouvons également recourir à des estimations sectorielles. L’enjeu consiste donc à qualifier, homogénéiser et garantir la qualité des données en entrée, pour obtenir des résultats de scoring de qualité, en sortie. En ce sens, l’arrivée prochaine de la directive européenne CSRD qui élargit le périmètre des entreprises concernées par le reporting extra-financier obligatoire devrait grandement nous aider.

Malgré ces défis, nous avons réussi à transformer notre concept d’Indice d’Impact Global en une réalité concrète et en une nouvelle offre de crédit immobilier à impact. Cette initiative est désormais devenue la norme pour les crédits immobiliers de La Banque Postale, ce qui nous distingue de nos concurrents. L’Indice d’Impact Global représente ainsi une avancée majeure dans le secteur bancaire, ouvrant la voie à une finance plus durable et éthique. En intégrant les dimensions environnementales, sociales et territoriales dans ses décisions financières, La Banque Postale assoit sa position d’acteur clé de la transition vers un modèle économique plus durable et responsable. 

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