Publié le 24 janvier 2022
L’alimentation est une composante centrale dans nos vies et constitue à ce titre un formidable levier de lutte contre les inégalités sociales et le changement climatique. C’est en ce sens qu’a été conçue la loi EGAlim, ou “loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous”. Promulguée en 2018, elle est entrée en application depuis le 1er janvier 2022 et prévoit plusieurs mesures afin de favoriser une alimentation saine, sûre et durable pour tous et intensifier la lutte contre le gaspillage alimentaire.
À l’heure des nouvelles évolutions réglementaires, Bonduelle Food Service accompagne plus que jamais les acteurs de la restauration collective dans la transition alimentaire. Zoom sur l’appropriation de la Loi EGAlim par les chefs de la restauration collective avec Pierre Bidault, directeur marketing et commercial Bonduelle Food Service, qui nous partage l’interview croisée de Yann Faveeuw, responsable de restauration dans le Lycée Ernest Couteaux à Saint-Amand-Les-Eaux (59), et de Lionel Sédano, conseiller culinaire chez Bonduelle depuis 6 ans.
Quelles évolutions avez-vous remarquées dans l’alimentation des Français ces dernières années ?
Yann Faveeuw : En 14 ans de poste dans un lycée je vois réellement l’évolution des demandes. D’autant que, quand ils arrivent au lycée, les enfants et adolescents commencent à se forger leur caractère alimentaire, ils ont plus de pouvoir, d’indépendance, donc ils peuvent décider de manger autrement. J’ai par exemple remarqué que beaucoup de filles décident d’arrêter les protéines animales, par effet de pairs, ou avec la famille. La question de l’habitude joue en effet un rôle important. Et ces enfants là ont dans tous les cas déjà pris des habitudes dès le primaire. De plus en plus jeunes, ils disposent d’informations et de clés sur la façon de se nourrir plus sainement et durablement.
Lionel Sédano : Pour ma part, quand je suis arrivé il y a 6 ans chez Bonduelle, la Loi EGAlim n’existait pas et les légumes étaient surtout perçus comme un accompagnement sans grand intérêt, voire un peu ennuyeux. Les chefs n’y prêtaient pas beaucoup attention. La tendance s’est complètement inversée aujourd’hui : le végétal reprend petit à petit sa juste place de cœur de l’assiette. Les chefs nous sollicitent pour de nouvelles idées et solutions qui leur permettent de sublimer leurs recettes tout en les mettant au goût du jour. Que ce soit pour des plats entièrement végétariens ou en tant qu’accompagnement, les légumes amènent de la couleur, de la gourmandise et donnent envie et ça, les chefs en ont conscience. Le visuel, on ne le répète plus, est évidemment très important dans l’expérience gustative.
Que prévoit la Loi EGAlim dans le milieu de la restauration collective ?
Lionel Sédano : La loi EGAlim prévoit plusieurs mesures très ambitieuses pour améliorer la qualité des repas servis par la restauration collective. On compte notamment les objectifs suivants : atteindre 20 % minimum, en valeur, de produits BIO dans les menus proposés, atteindre 30 %, en valeur, de produits dotés de labels qualité (par exemple : AOP, HVE, …), ainsi que la mise en place d’un menu végétarien par semaine dans les restaurants scolaires.
Quelles contraintes identifiez-vous par rapport à l’application de la Loi EGAlim ?
Lionel Sédano : Je pense que les contraintes sont beaucoup liées à l’échelle. Dans la restauration collective, les cantines scolaires, par exemple, les chefs doivent servir un nombre considérable de couverts, assurer des volumes importants en peu de temps, et les clés pour appliquer la Loi EGAlim ne sont pas toujours claires. Au-delà de son application en tant que telle, les chefs peuvent rencontrer des contraintes liées au matériel, aux produits difficiles à travailler, etc. C’est donc potentiellement compliqué à mettre en œuvre et il est nécessaire de se faire accompagner.
Mais, à mon sens, il faut accueillir cette loi dans le sens de l’opportunité et non de la contrainte. C’est une nouvelle façon de travailler qui permet aux chefs d’utiliser des produits différents, de diversifier les plats, bref de compléter leurs compétences.
Yann Faveeuw : Certains objectifs peuvent effectivement paraître difficiles à atteindre en restauration scolaire dans la mesure où il ne faut rien imposer pour ce type de sujets, surtout aux enfants et adolescents. On a eu d’ailleurs un peu de rejet par rapport aux plats sans viande par exemple. De plus, en termes de logistique, le contexte n’aide pas car, à cause du contexte sanitaire, on ne peut jamais être sûr du nombre de convives, et on manque parfois de moyens. Mais on s’adapte ! Et personnellement, depuis 2 ans, en prévision de la promulgation de cette loi, je me suis penché sur plusieurs solutions et j’ai découvert beaucoup de pistes d’opportunités.
Comment est-ce que vous vous adaptez à ces nouvelles contraintes ?
Yann Faveeuw : Nous avons par exemple commencé par limiter les déchets, un des volets de la Loi EGAlim, par le biais d’initiatives pédagogiques quotidiennes. Nous avons ainsi organisé des campagnes de pesée des déchets suite au débarrassage des plateaux et plus spécifiquement nous avons installé une barre à déchets de pain pour montrer aux enfants les quantités jetées par jour. À l’issue de ces observations, avec une association, les élèves ont créé un tunnel de compost dans lequel ils mettent une partie des déchets afin de fournir du compost pour les jardins dans lesquels nous faisons pousser légumes et aromates. Nous avons également éliminé totalement l’apport de bouteilles en plastique. Les élèves se servent avec leur gourde à la fontaine d’eau à la place.
Et c’est cet ensemble de mesures qui nous permet non seulement de répondre à une partie des obligations de la Loi EGAlim mais également de faire des économies et d’éduquer les enfants sur ces sujets, un gros plus pour nous en tant que chefs. À ce titre, pour moi, au-delà de ces obligations, il nous incombe de fournir les informations nécessaires aux enfants. La communication est ici la clé. Nous publions l’ensemble des actions menées sur le portail de notre établissement, dans le journal local, et nous disposons des affiches et ardoises chaque jour pour expliquer la provenance et la composition des produits. Il m’arrive par exemple de disposer des légumes bruts atypiques à l’entrée du self pour leur montrer de quoi il s’agit. L’objectif : éveiller leur curiosité.
De quels outils les chefs disposent-ils ? Comment sont-ils accompagnés ?
Lionel Sédano : Pour faciliter la transition des chefs de la restauration collective, Bonduelle Food Service les accompagne sur les trois volets évoqués plus tôt. Ainsi, pour leur permettre de respecter l’utilisation de produits labellisés à hauteur de 30 %, nous proposons 70 produits certifiés CE2, soit une certification environnementale française basée sur 4 thématiques (biodiversité, irrigation, fertilisation, protection des cultures). Concernant la quantité de produits bio, nous proposons déjà quinze produits bio au format surgelé permettant de répondre à ces attentes, et la gamme est vouée à s’étendre rapidement. Enfin, sur la mise en place d’un repas végétarien par semaine en restaurants scolaires, nous accompagnons les chefs grâce à Greenology, autrement dit, un accompagnement sur l’art et la manière de passer au végétal.
Avec notre outil en ligne Greenology, nous souhaitons ouvrir l’univers du végétal encore méconnu de nombreux chefs grâce à quatre piliers clés :
- Les tendances végétales : nous communiquons sur ce qui se fait en ce moment en matière de cuisine végétale.
- Les convives : nous permettons aux chefs de bien cerner les personnes à servir, se demander à qui on s’adresse, ce qui existe en termes de typologies de régimes.
- La nutrition : nous donnons les clés pour créer un plat complet végétarien, respectant les recommandations journalières.
- Les recettes : nous fournissons des idées et conseils culinaires, notamment dans les associations de légumes, pour leur donner envie de s’approprier ces produits.
Et pour cela, nous proposons des master class ainsi que des ateliers plus spécifiques permettant de faire venir des chefs de cuisine, des greenologues, pour cuisiner avec eux, servir un menu végétal aux enfants et leur montrer que l’on peut faire du joli, du gourmand, du sain, équilibré, et ce avec des protéines végétales.
Comment l’accompagnement Greenology est-il perçu ? Qu’est ce que cela apporte ?
Yann Faveeuw : Je travaille depuis 12 ans avec Bonduelle, bien avant le développement de l’outil Greenology, pour faire des tests produits, des élaborations de recettes, des formations. Cet accompagnement nous a apporté énormément de choses. Nous avons progressivement découvert qu’on pouvait très bien concevoir un plat élaboré, sophistiqué, évolué, gourmand, intéressant dans les textures, équilibré dans l’apport des légumes secs, des céréales, etc. et ce, avec des légumes.
Aujourd’hui, grâce aux formations Greenology et à la venue des démonstrateurs culinaires, nous développons une vision différente de la cuisine végétale ainsi que des produits surgelés. Nous apprenons à diversifier nos menus.
Je n’aurai par exemple jamais imaginé faire des desserts à base de légumes : éclairs au potiron, gâteau à la banane et aux haricots rouges, cappuccino de potiron. D’autant que les élèves adhèrent complètement !