Publié le 14 décembre 2016
Le concept de matérialité est apparu dans les communications RSE des entreprises ces dernières années. Ce terme vient du monde de l’audit financier et n’est pas toujours compris. S’agit-il d’une dynamique ponctuelle ou d’un changement profond ? Décryptage avec Géraldine Fort, déléguée générale de l’Orse.
Suite aux demandes des référentiels de reporting (tels que les lignes directrices du GRI, ou de l’IIRC), aux attentes des agences de notation extra financière, et aussi sans doute pour donner à la RSE une patine plus « financière », les entreprises se lancent de plus en plus dans l’élaboration de matrices de matérialité tout en regardant attentivement les pratiques de ses petits voisins.
La montée de ces pratiques s’observe notamment en analysant les rapports publics des entreprises : seules deux entreprises du CAC 40 avaient une approche de matérialité avant 2010 alors qu’en 2015, on en compte plus d’une vingtaine. Au plan international, les 24 Industry Group Leaders du Dow Jones Sustainability Index 2015 évoquent une approche de matérialité.
L’objectif de la matrice de matérialité : définir ses enjeux majeurs
Ce mot est complexe, pas toujours bien compris et pourtant, il a un objectif clair qui est partagé par chacun : définir ses enjeux majeurs.
Le consensus dans les entreprises semble s’arrêter là alors même qu’il n’est pas très explicite. Le périmètre des enjeux à prendre en compte n’est lui-même pas clair : certains font figurer leurs enjeux financiers, la solidité de leur entreprise, la performance économique, tandis que d’autres se limitent aux thématiques RSE.
Un autre débat émerge : tous les sujets doivent-ils faire l’objet d’un questionnement ou existe-t-il un socle incontournable qui ne sera pas pris en compte dans l’exercice ? Là encore, on voit des entreprises qui définissent des pré-requis qui ne rentrent pas dans leur exercice de matérialité car ils sont considérés d’office comme prioritaires. Ces pré-requis sont par exemple le respect des textes réglementaires, la réduction de l’absentéisme, le respect des droits des populations autochtones.
Préparer une matrice de matérialité
La phase préparatoire de l’exercice, la méthodologie de définition des enjeux prioritaires, l’utilisation des résultats en interne et les informations communiquées à l’externe… La liste des actions est longue pour préparer une matrice de matérialité. Sans oublier un élément majeur mis en avant par les entreprises ayant vécu l’expérience : l’interaction avec l’ensemble des fonctions pour les impliquer dans la démarche.
Terminons enfin sur la communication externe : le niveau d’informations données est évidemment très différent d’une entreprise à une autre, mais ce qui peut parfois nous questionner, c’est le sens des informations transmises et leur cohérence. Un des exercices intéressant à réaliser est de comparer la liste des priorités suite à l’exercice de matérialité, la politique RSE et le sommaire du rapport RSE d’une même entreprise : on peut parfois se retrouver avec de véritables casse-têtes.
Ne parlons pas de la cohérence avec la politique économique de l’entreprise : autre sujet qui devrait rendre intelligible l’intérêt d’un exercice de matérialité pour l’ensemble de l’entreprise et pas seulement pour la direction RSE.
Lister les interrogations, étudier les possibilités explorées par les entreprises, ouvrir le dialogue avec l’ensemble des parties prenantes pour avoir leur point de vue sur le concept (organisations syndicales, fédération professionnelles, universitaires,…), c’est un chantier ouvert actuellement à l’Orse.
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