Publié le 11 septembre 2018
Digitalisation des activités, développement de l’intelligence artificielle, transformations des métiers, des organisations et des formes de l’emploi… Face aux diverses mutations qui s’opèrent et s’accélèrent, comment développer l’employabilité ? Qui en porte la responsabilité ? De quels outils dispose-t-on pour la renforcer ? RSE Lib décrypte le sujet via 3 articles à retrouver ces 3 prochaines semaines sur e-RSE.net.
Dans ce premier article, Valérie Rilos de RSE Lib décortique le sujet et nous rappelle le concept de l’employabilité et son lien avec la RSE.
Employabilité : de quoi parle-t-on ?
Un contexte de mutation rapide et profonde
Les tendances et dynamiques mondiales à horizon 2030 impactent fortement les entreprises, leurs activités et les emplois. D’ici 10 ans, un métier sur deux sera transformé (source COE 2017) et 10 à 20 % des emplois seront menacés de disparition.
L’employabilité apparaît alors comme :
- un levier de performance et de compétitivité pour les entreprises, qui en développant et en intégrant les compétences dont elles ont besoin pourront gagner ou bien se positionner dans la bataille économique mondiale ;
- une solution pour préparer les salariés aux changements d’emploi, de métier et d’entreprises auxquels ils seront inévitablement confrontés ;
- le moyen de sécuriser les parcours professionnels ;
- un outil pour ne pas aggraver les situations de vulnérabilité.
Qu’est-ce que l’employabilité ?
Il s’agit de la capacité d’un individu à se maintenir en activité, à répondre aux exigences du poste qu’il occupe dans une entreprise ou qu’il souhaite occuper s’il est à la recherche d’un emploi.
L’employabilité durable, quant à elle, désigne la capacité d’un individu, à tout moment de sa vie professionnelle, de conserver, de retrouver ou de trouver un emploi dans des délais raisonnables tenant compte de la situation économique. On introduit donc une notion d’adaptation rapide à l’évolution des métiers, des entreprises, de l’économie, pour conserver un emploi.
Employabilité : qui est concerné ?
Née avec le fordisme, l’employabilité ne concerne tout d’abord que les chômeurs et permet de gérer l’écart entre l’emploi et le non-emploi. A partir des années 1970, l’employabilité devient l’affaire de tous : les vagues de restructurations, de crises et de compétitivité touchent alors l’ensemble des salariés, même les plus qualifiés et les plus compétents car :
- L’emploi à vie est révolu ;
- Les changements d’emplois et d’entreprises constitueront désormais un parcours normal ;
- Le risque ne réside plus dans la perte d’emploi mais dans la perte d’employabilité, dans la mesure où l’entreprise ne peut plus garantir la sécurité de l’emploi.
« Nous sommes entrés dans une nouvelle ère où la part de la population active qui est agile et connaît des changements professionnels risque de devenir la norme d’ici quelques années. Dans ce contexte, la fonction RH et le management du capital humain s’avèrent plus que jamais essentiels. Les entreprises doivent anticiper et développer la mobilité de leurs talents, qu’elle soit interne ou externe, avec notre aide. », Philippe Martinez, Directeur Général Adecco France.
Employabilité et RSE
Comment l’employabilité s’inscrit-elle dans le champ de la RSE ?
Tout d’abord, le droit à l’éducation est un droit fondamental, universel et inaliénable. En avril 2015, la Campagne Mondiale pour l’éducation prône « une éducation tout au long de la vie », incluant non seulement « une formation et une montée en compétences professionnelles, l’accès à des possibilités de reconversion », mais aussi « le développement personnel des individus par toutes les formes d’éducation. »
Les entreprises contribuent à l’employabilité à travers trois objectifs de développement durable définis par l’ONU :
- En favorisant une éducation de qualité (ODD 4) : Objectif ? Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie. Dans le monde, 103 millions de jeunes n’ont pas acquis les savoirs de base et plus de 60 % d’entre eux sont des femmes.
- Travail décent et croissance économique (ODD 8) : D’ici à 2030, parvenir au plein emploi productif et garantir à toutes les femmes et à tous les hommes, y compris les jeunes et les personnes handicapées, un travail décent et un salaire égal pour un travail de valeur égal. 470 millions d’emplois par an seront nécessaires dans le monde pour les nouveaux venus sur le marché du travail entre 2016 et 2030.
- Inégalités réduites (ODD 10) : Assurer l’égalité des chances en éliminant les lois, politiques et pratiques discriminatoires et en promouvant l’adoption de lois, politiques et mesures adéquates en la matière. Malgré les progrès réalisés, des disparités persistent dans l’accès aux services de santé et à l’éducation et à d’autres moyens de production.
Enfin, on retrouve la thématique d’employabilité également dans le champ de l’ISO 26000 au niveau des questions centrales suivantes :
- Droits de l’Homme / domaine d’action 7 : Droits économiques, sociaux et culturels. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage (article 23 – Déclaration Universelle des Droit de l’Homme).
- Relations et conditions de travail / domaine d’action 5 : Développement du capital humain. Pour favoriser le développement du capital humain, les organisations peuvent mettre à profit la politique et les initiatives sur le lieu de travail pour améliorer les capacités et l’employabilité des personnes. L’employabilité concerne l’expérience, les compétences et les qualifications qui augmentent les capacités d’une personne à obtenir et conserver un travail décent.
- Communautés et développement local / domaine d’action 3 : Implication après des communautés. L’organisation doit participer à des programmes locaux et nationaux de développement des compétences, y compris des programmes d’apprentissage, des programmes axés sur des groupes défavorisés donnés, des programmes de formation permanente et des programmes de reconnaissances et de certification des compétences.
Qui porte la responsabilité de l’employabilité ?
Les parties prenantes qui entrent en jeu dans l’employabilité sont l’État, l’entreprise, les partenaires sociaux et l’individu.
Les pouvoirs publics définissent divers dispositifs de politiques d’emploi, de compétitivité (Loi Pacte, Mission sur l’intelligence artificielle de Cédric, French Diversité, le numérique au lycée…), d’éducation et de formation professionnelle qui ont un impact sur l’employabilité. Muriel Pénicaud, Ministre du travail déclare : « Notre ambition est de construire une société de compétences. La compétence est une nécessité, un droit, une chance. Elle donne à chacun la liberté de choisir son avenir professionnel, et aux entreprises les moyens d’être plus performantes. Personne n’est inemployable : mobilisons-nous pour que chacun puisse trouver sa voie en mettant fin au gâchis humain de l’exclusion du marché du travail, mobilisons-nous pour une croissance inclusive.”
Les entreprises, quant à elles, ont la mission d’instaurer une dynamique de développement et de formation. Mais ne sont-elles pas parfois créatrices d’inemployabilité ? Que ce soit par manque d’investissement, non renouvellement des modes de production, absence de mobilité professionnelle, ou encore insuffisance de formation ? Un management défaillant n’est-il pas source de résistances au changement (faute d’une politique de communication et d’information sur l’entreprise, d’une implication des salariés dans ses résultats) ? Ne développe-t-il pas de la peur et du stress chez les salariés en raison de pratiques de mobilité mal conduites, perçues comme menaçant l’emploi ?
Les partenaires sociaux sont également des acteurs importants lors des négociations de branche menées en vue de mettre en place des dispositifs.
Enfin, l’individu porte également la responsabilité de son niveau d’employabilité. Il se doit de prendre en main son évolution, avec une posture conjuguant initiative, proactivité, résilience, ouverture aux changements. On parle alors de salarié entrepreneur ou acteur, de travailleur autonome, d’adaptitude (développement de l’adaptabilité).
Où se situent les salariés français ?
Selon le 25ème Observatoire du Travail sur l’employabilité (mené par BPI group auprès de 2 526 salariés en 2016), les salariés français situent leur employabilité à 6,5 sur une échelle de 1 à 10, les plus confiants étant les jeunes et les cadres.
- 2/3 sont conscients et seuls et 1/4 sont inquiets.
- plus de 1/3 se sentent exposés à un risque de perte d’emploi dans les 2 ou 3 années à venir.
- Près de 2/3 estiment qu’il leur serait difficile de retrouver un emploi au moins équivalent s’ils perdaient leur emploi actuel.
Dans les prochains épisodes de cette série sur l’employabilité, retrouvez notre 2ème article « Les entreprises et leurs bonnes pratiques », puis le 3ème « Quels atouts pour développer son employabilité ? ».
Crédit photo : Employabilité sur Shutterstock.