Publié le 14 mars 2017
Les résultats de l’étude « Engagement des salariés dans le durable », menée en 2016 par Des Enjeux et Des Hommes et Ekodev, en collaboration avec l’institut ViaVoice sont stupéfiants : seuls 3% des salariés interrogés sont capables en 2016 de donner une définition claire et globale de la RSE. Plus surprenant, même après des années de sensibilisation, les besoins principaux exprimés sont toujours de comprendre la RSE, son lien avec chaque métier et d’être formés plutôt que d’avoir des outils, des objectifs ou même l’implication de la Direction. Pire encore, plus de la moitié des sondés considèrent encore la démarche RSE de leur entreprise comme un exercice de communication, voire un effet de mode !
Comment est-il possible, après plus de quinze ans de sensibilisation et de mobilisation dans les entreprises, d’en être toujours au point de départ ? Réponse avec Alexandre Bader, consultant chez Des Enjeux et des Hommes.
Comprendre le sens de la RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise) n’est visiblement pas l’affaire de tous en entreprise. Depuis des années, les acteurs de la « planète RSE » répètent inlassablement les mêmes discours : « la RSE impacte le quotidien des métiers de l’entreprise et leurs pratiques », « la RSE transforme profondément le modèle économique de l’entreprise et de sa chaîne de valeur ». Or le déclic à grande échelle n’a toujours pas eu lieu. Pourtant, tous les indicateurs prouvent que la culture des entreprises est en profonde mutation – et non en crise.
Stop aux fausses croyances sur la RSE intégrée par les salariés
Certaines idées reçues reviennent régulièrement dans le discours des entreprises, quelque soit leur taille ou leur activité, au sujet de l’engagement de leurs collaborateurs :
- « Les jeunes ont ça dans leur gène, leur recrutement va nous permettre d’opérer le changement de culture RSE souhaité » ;
- « Nos collaborateurs sont suffisamment exposés au Développement Durable en dehors de l’entreprise »
- « Organiser un évènement majeur et marquant de manière ponctuelle (un hackathon) ou répétitive (la semaine du Développement Durable) impliquera pour de bon nos collaborateurs » ;
- « Les nudges (coups de pouce durables) sont les seuls à réellement changer les choses dans notre quotidien » ;
- « Si nous récompensons leurs actions durables, ils changeront leurs pratiques : on monétise leur éducation » ;
- « Il est difficile de faire plus que de mettre en place des éco-gestes » ;
- « Nos collaborateurs ne sont jamais disponibles pour être sensibilisés ou formés sur notre démarche RSE, pourquoi seraient-ils proactifs ? » ;
- « Tout le budget est consacré pour un e-learning, le digital est le plus efficace pour partager notre démarche RSE » ;
- « Nous sensibilisons nos collaborateurs avec une cause sociétale, c’est déjà beaucoup ! ».
Dire la vérité à ses collaborateurs : les causes profondes
La survie d’une entreprise est entre les mains de ses salariés. Comprendre le sens de la démarche RSE n’est plus suffisant, il faut déclencher un réel engagement des collaborateurs dans le durable. De nombreuses entreprises ont compris cet enjeu. Voici les trois vérités qu’elles avouent :
1. L’entreprise et son modèle économique ne sont plus pérennes.
En cause, le référentiel à court-terme et la vision d’une performance uniquement linéaire aveuglent l’entreprise sur sa capacité à innover, fidéliser ou être attractive. C’est pourquoi la démarche RSE n’a pas pour objectif de limiter les impacts environnementaux, sociaux ou sociétaux de l’entreprise, mais plutôt à créer de la valeur (partagée ou extensive) à soi et à toutes ses parties prenantes.
2. La responsabilité de l’entreprise dépasse les murs de l’usine
En cause, la vision de l’entreprise centrée sur elle-même. L’entreprise a un regard sur tous les acteurs directs et indirects de sa chaîne de valeurs, par exemple les fournisseurs des fournisseurs. C’est pourquoi les salariés doivent travailler sur chacun de leurs projets d’égal à égal avec les parties prenantes internes et externes de l’entreprise (les collectivités locales, le grand public, la société civile, les concurrents, les fournisseurs, les clients…) en cherchant à répondre à leurs enjeux RSE.
3. Le lien des salariés à l’entreprise est en voie de disparition
En cause, le projet d’entreprise ne répond plus aux aspirations environnementales, sociales et sociétales des collaborateurs – qui sont d’ailleurs les mêmes que celles des consommateurs ! Les grandes entreprises sont déjà atteintes par la fuite de talents qui décident de faire leur « jumping-out ». Après tout, le salariat n’existe que depuis deux siècles. La marque employeur et les marques produits doivent s’adresser dorénavant de la même manière aux consommateurs et aux collaborateurs.
Et si on passait à l’action ?
À court-terme vous pouvez intervenir, quelque soit votre place dans l’entreprise, afin d’engager une action de mobilisation dans le durable de façon durable, au plus grand nombre de collaborateurs : cherchez à réunir toute la ligne managériale de votre entreprise pour les sensibiliser et les former au sujet. Rien d’autre.
C’est ce public, entre la Direction et le terrain, qui peut intervenir pragmatiquement au sein de chaque métier. Non seulement ces managers ont une bonne connaissance de l’entreprise à l’aune de leur métier mais ils ont également rarement l’occasion de se réunir pour évoquer concrètement le sujet. En leur permettant de comprendre les enjeux de Développement Durable liés directement à l’entreprise et ses parties prenantes puis en leur fournissant des outils et des méthodes afin de développer rapidement une expertise RSE propre à leur métier, ils pourront poser les bonnes questions à la Direction et donner des premières pistes d’actions au terrain.
De quelle sensibilisation ou formation ont besoin ces managers ? Comprendre les prospectives (tendances de société et signaux faibles), l’évolution de la réglementation ainsi que la démarche RSE de leur entreprise avec finesse, avoir un benchmark inspirants du secteur (ou d’ailleurs), collecter l’ensemble des initiatives existantes au sein de l’entreprise qu’ils pourront reprendre, se doter d’outils et de méthodes à intégrer au sein de leur métier, réfléchir en intelligence collective sur des premières pistes d’action, etc. Etant donné que chaque année, les enjeux et initiatives RSE sont remis en cause ou au contraire précisés, revoir le B.A BA n’est pas impertinent. Surtout que les managers restent en moyenne 24 mois en poste.
Pour franchir un cap, vous pourrez ensuite chercher à intégrer un focus spécifique sur ces sujets (ou le revoir) dans chaque cursus d’intégration des nouveaux arrivants et même dans les modules de formation métier. Ce n’est que finalement vous concentrerez vos efforts à créer (ou revoir) une communication interne dans la durée afin de toucher régulièrement le plus grand nombre : affichage, intranet, newsletter, réseaux sociaux…
Envie d’aller plus loin ? 7 idées pour changer la donne, et plus que jamais d’actualité, le guide de la « Mobilisation des équipes pour le Développement Durable : 10 fiches pratiques du déclic à l’action » produit par Des Enjeux et Des Hommes et le Comité 21.