Publié le 19 juin 2017
La question de la responsabilité des entreprises dans le respect des droits humains est plus que jamais d’actualité. Une préoccupation plus que légitime dans un monde où 168 millions d’enfants travaillent, et où 21 millions de personnes sont victimes de travail forcé.
Pour faire face à cette réalité, les législations en la matière se multiplient. La dernière en date est la loi sur le devoir de vigilance, promulguée début mars 2017 par le Président de la République française. Ce sujet est également en tête des préoccupations RSE de nombreuses entreprises, dont Schneider Electric, qui se montrent actives pour s’assurer du respect des droits de humains dans le cadre de leurs activités.
Schneider Electric met au cœur de sa stratégie le respect des droits humains et s’appuie sur sa nouvelle politique en la matière pour développer ses propres exigences vis-à-vis de ses filiales et de ses fournisseurs. Avec 300 usines, 144 000 collaborateurs, et environ 50 000 fournisseurs, la tâche représente un véritable challenge pour l’entreprise, qui y consacre beaucoup d’énergie et de moyens. Maxime Goualin, Business Ethics & Human Rights Manager, propose un tour d’horizon des principes d’action et des outils développés par son entreprise pour amener ses parties prenantes, qu’il s’agisse des salariés ou des fournisseurs, à la vigilance et au respect des droits humains dans leurs activités.
Droits humains : se conformer au droit local et international
Concernant la responsabilité des différents acteurs, les Nations Unies ont clarifié la situation avec les Principes Directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, publiés en 2011. Avec le cadre de référence « protéger, respecter et réparer », ces Principes définissent le rôle dévolu aux entreprises, tenues de se conformer à toutes les lois applicables et de respecter les droits de l’homme. Les États se doivent de leur côté de respecter, protéger et mettre en œuvre les droits de l’homme et les libertés fondamentales.
Le Conseil des droits de l’homme a approuvé les Principes Directeurs à l’unanimité le 16 juin 2011, reflétant ainsi une prise de conscience mondiale sur la nécessité de réguler ce sujet. Depuis, de nombreux pays ont légiféré pour aller plus loin. En Californie, au Royaume-Uni, désormais en France et demain peut-être à l’échelle des Nations Unies sous la forme d’un traité, les textes de loi se multiplient autour d’une notion essentielle, celle de la vigilance.
En tant qu’entreprise multinationale, nous nous devons bien évidemment de respecter les législations des pays dans lesquels nous sommes implantés. Cependant, nous considérons que notre responsabilité va au-delà du respect des lois, notamment sur des sujets universels comme celui des droits humains. Prenons par exemple la Bolivie, où depuis 2014 la loi autorise les enfants à travailler dès l’âge de 10 ans. Il est inenvisageable de se contenter d’être en conformité avec cette loi et d’autoriser nos filiales et fournisseurs à embaucher des enfants à partir de cet âge, car il s’agit clairement d’une violation de la convention n°138 de l’Organisation Internationale du Travail sur l’âge minimum d’admission à l’emploi et au travail (14 ans est l’âge minimum de base, voire 12 ans pour des travaux légers dans les pays en développement).
Schneider Electric définit ses propres standards en matière de droits humains
Outre le respect des grands engagements internationaux, nous avons mis en place de longue date une organisation et des outils permettant d’être vigilants quant aux pratiques mises en œuvre dans nos usines et celles de nos fournisseurs. L’entreprise travaille avec près de 50 000 fournisseurs, lesquels s’engagent à respecter notre code de conduite fournisseur lors de la contractualisation. Dans ce code sont notamment explicitement mentionnés le respect des droits humains et des conditions de travail, ainsi que la protection de l’environnement. Nous focalisions jusqu’à présent l’essentiel de notre action sur ce que nous appelons nos fournisseurs « recommandés » (environ 1 200) qui représentent la majorité de notre volume d’achats. Pour bénéficier de ce statut avantageux, les fournisseurs doivent aligner leurs pratiques sur la norme ISO26000 et faire l’objet d’une évaluation de leur démarche environnementale, sociale et de gouvernance par EcoVadis.
Pour renforcer notre position et soutenir la mobilisation de nos collaborateurs sur ces sujets, le Groupe a formalisé au début de l’année 2017 sa Politique Droits Humains. Elle définit la vision du Groupe en la matière et précise ses attentes vis-à-vis de ses parties prenantes.
En respect de la loi sur le devoir de vigilance, cette politique a été élaborée en association avec les parties prenantes de l’entreprise, avec la contribution de toutes les entités du Groupe les plus directement concernées : la Direction du Développement Durable bien sûr, mais également les équipes Achats, Environnement, Santé et Sécurité, les Ressources Humaines, et la Direction Juridique.
Préparation du Plan de Vigilance de Schneider Electric
Est concernée par la mise en place d’un plan de vigilance toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins 5 000 salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins 10 000 salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l’étranger.
Ce plan de vigilance devra comporter les mesures suivantes :
- une cartographie des risques (identification, analyse et hiérarchisation) ;
- des procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs au regard de la cartographie des risques ;
- des actions de prévention des atteintes aux droits humains ou à l’environnement et des actions d’atténuation ;
- un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements défini en collaboration avec les organisations syndicales représentatives du personnel ;
- un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre et d’évaluation de leur efficacité.
Afin d’élaborer ce plan de vigilance, nous avons mis en place un groupe de travail, au sein de Schneider Electric, constitué d’experts des départements Développement Durable, Achats et Environnement. La difficulté principale résidant dans l’absence de référentiel précis, nous optons pour une approche la plus objective possible afin de rendre compte au mieux des risques que l’activité de l’organisation fait porter sur les droits humains. Notre objectif est de construire un plan « pilote » mis en œuvre sur le second semestre 2017, qui sera ensuite amélioré à partir des retours de nos parties prenantes, en particulier les fournisseurs.
Notre cartographie des risques est réalisée à partir d’une double approche : par commodité d’achat et par pays. Nous demandons ainsi aux professionnels des Achats d’évaluer sur une échelle de 1 à 5 le niveau de risques de chacune des 70 catégories d’achat au regard des cinq domaines suivants : travail des enfants, travail forcé, environnement, santé et sécurité, ainsi que corruption. Le risque pays est évalué à partir d’une combinaison d’indicateurs internes (chiffre d’affaires achats réalisé dans le pays, nombre de salariés Schneider Electric, etc.) et d’indicateurs externes (à partir des travaux publiés par les ONG Transparency International et Freedom House). De cette double approche sort une liste de fournisseurs sur lesquels nous concentrerons nos actions de prévention et de contrôle.
Ainsi sur le second semestre 2017, le Groupe prévoit de lancer une opération pilote avec un petit nombre de fournisseurs et de sous-traitants identifiés comme à risque. Un travail collaboratif sera animé avec ces fournisseurs afin de tester les mesures de prévention pressenties : sensibilisation, formations, recommandations d’amélioration, suivi des plans d’actions correctives, etc. Des audits de contrôles pourront intervenir en cas d’absence de retour positif de la part du sous-traitant. Un déploiement élargi est prévu pour 2018.
Enfin, Schneider Electric développe, à destination des parties prenantes externes (fournisseurs, sous-traitants, distributeurs, agents, etc.), un outil de gestion des alertes complémentaire à l’outil de whistle-blowing interne utilisable par les collaborateurs. Les alertes reçues seront gérées avec la même méthodologie que celle utilisée pour les alertes internes. La mise en service de ce système d’alerte est prévue pour la fin du troisième trimestre 2017.
Que l’on ne s’y trompe pas. Ces nouvelles exigences impliquent que les entreprises évaluent les risques que leurs activités font prendre au regard des droits humains ; pas ceux qu’elles encourent pour elles-mêmes. C’est une vision des risques totalement différente de celle pratiquée habituellement par les entreprises.
Au-delà du plan de vigilance et des exigences de la loi française, Schneider Electric s’engage à mettre en œuvre les Principes Directeurs des Nations Unies dont le champ d’application est plus large puisqu’il s’agit de s’assurer du respect des droits humains dans l’intégralité de la chaîne de valeur.
Voir aussi : Devoir de vigilance : quel impact juridique sur la responsabilité des entreprises ?
Crédit photo : Droits humains sur Shutterstock