Si la visibilité des personnes LGBT+ s’améliore dans le monde professionnel, les discriminations et agressions restent élevées envers ces personnes, plus particulièrement envers celles se définissant comme non-binaire ou transgenre, souligne la dernière édition du baromètre de L’Autre Cercle. La question LGBT+ reste de fait la grande absente des politiques RSE des entreprises selon une autre étude publiée par Vendredi. Alors quelles mesures peut-on prendre pour améliorer les choses ? Voici quelques pistes d’actions.
Sensibiliser et former
Aujourd’hui seulement 16% des entreprises sensibilisent leurs équipes à la question LGBT+, selon le baromètre RSE 2024. Pourtant, près de 3 personnes LGBT+ sur 10 déclarent avoir fait l’objet d’une agression LGBTphobe au travail, 10% disent avoir subi des actes de violence physique et environ 15% déclarent avoir été concerné par des discriminations dans la rémunération ou le recrutement restent toujours élevées, selon le baromètre 2024 de L’Autre Cercle réalisé par l’Ifop.
« Les actions de sensibilisation sont importantes. Elles permettent souvent de comprendre en quoi les questions d’orientations affectives ont une place dans le milieu professionnel et de lever un certain nombre de freins ou d’incompréhension », souligne Julien Hamy, porte-parole de L’Autre Cercle, organisme de référence pour l’inclusion des personnes LGBT+ au travail. Il préconise ainsi de les diffuser auprès de l’ensemble des collaborateurs, tout au long de l’année et pas seulement le 17 mai, journée mondiale contre les LGBTphobies, comme c’est trop souvent le cas.
Au-delà de la sensibilisation, il est également essentiel de former, en particulier les managers qui ont un devoir d’exemplarité. Dans beaucoup de grandes entreprises, une formation diversité, intégrant les questions LGBT est obligatoire pour tous les collaborateurs et des formations spécifiques sont destinées aux RH ou aux managers.
Assurer un cadre de travail inclusif
Sensibiliser c’est bien mais l’important est d’assurer un cadre de travail où les personnes peuvent s’épanouir dans le respect de leur identité. C’est notamment ce qui va permettre aux personnes LGBT+ qui le souhaite de se présenter comme telles dans leur quotidien professionnel. C’est de plus en plus le cas puisque 6 personnes LGBT+ sur 10 se disent aujourd’hui visibles au travail, « une hausse historique de 10 points en 6 ans », souligne L’Autre cercle. Mais c’est moins le cas pour les personnes se définissant comme non-binaires ou transgenres. Et c’est globalement encore souvent plus compliqué de faire son coming-out auprès de sa hiérarchie que de ses collègues.
Pour favoriser l’inclusion de ces collaborateurs et collaboratrices, on peut par exemple utiliser les pronoms de genre neutre comme « iel », faciliter le changement de prénom sur les adresses mails, les visioconférences, organigrammes, cartes de visite, badges, etc. Cela peut paraître secondaire mais pour Em qui se définit comme non-binaire et qui travaille dans l’enseignement supérieur, c’est une « charge mentale en moins » et c’est sécurisant. « Mon adresse mail indique toujours mon ancien prénom donc les personnes qui m’écrivent et ne me connaissent pas vont forcément m’identifier et me parler en fonction du genre qui m’a été assigné à la naissance. Parfois je corrige parfois non, souvent en fonction de ce que je ressens car je crains qu’ils ne me prennent plus au sérieux. C’est angoissant et surtout une perte d’énergie inutile pour mon boulot ». Pour des personnes transgenres, cela peut être « très violent » alors que la mise en place de bons process sécurise à la fois les personnes concernées et les RH, souligne Em, très investi.e dans L’Autre Cercle.
Pour Caroline Courtin, Responsable Diversité et Inclusion de BNP Paribas, ces modifications sont tout à fait envisageables sur tous les documents et outils internes. « C’est plus compliqué sur les éléments administratifs comme les bulletins de paye », reconnaît-elle. Pour aider les personnes transgenres, les RH et les alliés, le groupe bancaire a ainsi déployé un guide pour « accompagner les transitions ». Une remise à jour du guide sur les transidentités en entreprise est aussi en cours chez L’Autre cercle et devrait être disponible fin 2024. Ces mesures ont encore besoin d’être expliquées car elles sont comprises comme des actes « militants », souligne L’Autre cercle.
Assurer l’égalité de traitement
C’est la base mais l’égalité de traitement n’est encore pas assurée dans beaucoup d’entreprises sur les questions LGBT+. Près de 35% des personnes concernées déclarent avoir constaté des « traitements inégaux du fait de leur orientation sexuelle ou de leur identité ou expression de genre, notamment dans le déroulement de leur carrière ». Cela est notamment visible sur les enjeux de parentalité. Même si 9 employé.es sur 10 se disent favorables à l’accès aux droits parentaux pour leurs collègues ayant eu un enfant via une GPA, même lorsqu’ils/elles/iels n’en sont pas le parent biologique.
Dans ce cadre, un congé d’accueil de l’enfant de 30 jours et rémunéré à 100% a été mis en place chez BNP Paribas. « Il estdestiné à prendre en compte la parentalité au sens large, quelle que soit la configuration de la famille. Cela a été très bien accueilli en interne et il est pris par les personnes concernées », assure Caroline Courtin. A date, peu d’entreprises proposent cependant un tel congé.
Soutenir et sanctionner
Assurer un cadre de travail inclusif, c’est sanctionner les comportements problématiques (moqueries, agressions verbales ou physiques, discrimination…) mais aussi parfois assurer une médiation. Les réseaux LGBT+ et référents peuvent en cela s’avérer de bons alliés. La plupart des grandes entreprises en comptent. « Notre réseau interne, Pride, a 32 antennes dans 30 pays. Nous co-organisons plusieurs de nos programmes de sensibilisation, comme une conférence sur le sexisme cette année, précise Caroline Courtin. C’est aussi un appui et une ressource pour les parents. Par exemple, le réseau a organisé une conférence sur le thème : mon ado change de genre, mon entreprise m’accompagne ».
Ces réseaux, qui doivent être impulsés par les collaborateurs et collaboratrices eux-mêmes permettent « d’avoir des rôles modèles » mais aussi un appui quand une personne souhaite se confier ou désamorcer un conflit sans en référer pour autant aux RH, souligne Julien Hamy. Cela ne remplace cependant pas les dispositifs d’alerte en cas de problématiques graves ni de dispositifs de sanction.
S’engager et le faire savoir
Enfin, l’engagement officiel des entreprises dans une démarche d’inclusion LGBT, à travers la signature de la Charte de L’Autre Cercle par exemple, est « un levier efficace » de renforcement de cette inclusivité. Selon le baromètre, les personnes LGBT+ y sont plus visibles (+7 points) et moins victimes d’agressions verbales ou physiques (- 7 points) que dans les entreprises non signataires. Depuis 2022, la signature n’est d’ailleurs plus illimitée dans le temps et doit être re-signée tous les 3 ans, plan d’action à l’appui. « Un moyen d’éviter le rainbow washing et de ne pas faire retomber le soufflet, notamment en cas de turn over », souligne Julien Hamy.
A date peu des 290 signataires ont été évincés mais L’Autre Cercle dit rester vigilant au regard des implications pour les personnes concernées. « Beaucoup de personnes LGBT+, notamment non-binaires ou transgenres, consultent la liste des signataires quand elles candidatent dans une organisation », explique ainsi Em. Cependant, s’afficher LGBT+ friendly n’a pas toujours été évident pour les entreprises. « Lorsque nous avons signé la charte en 2015, nous avons reçu des mails hostiles dont certains LGBTphobes, des menaces de fermeture de comptes bancaires… Mais la direction a porté cet engagement et a tenu bon, se rappelle Caroline Courtin. Aujourd’hui, plus personne ne le questionne, c’est même un plus en termes d’attractivité! « .
La question LGBT+, encore la grande absente des politiques RSE
« Le climat au travail autour des sujets liés à l’orientation sexuelle ou l’identité de genre n’a jamais été aussi progressiste qu’aujourd’hui », se réjouit L’Autre Cercle au regard des résultats de son dernier baromètre réalisé par l’Ifop. Il montre une plus grande visibilité des personnes LGBT+ dans le monde du travail mais aussi une plus grande ouverture d’esprit de la part de l’ensemble des collaborateurs interrogés. « Cela doit cependant être nuancé par un niveau de discrimination et d’agression très élevé », avec un management loin d’être exemplaire, souligne Julien Hamy, porte-parole de L’autre Cercle, pour qui « l’inclusion des personnes LGBT+ au travail reste un enjeu majeur ». C’est d’autant plus vrai pour les personnes non-binaires et transgenre : un tiers de ces dernières disent avoir été agressées sur leur lieu de travail, soit 9 points de plus que l’ensemble des salariés LGBT+.
Les résultats du baromètre résonnent avec d’autres chiffres mis en exergue dans le baromètre RSE 2024 réalisé par Kantar pour Vendredi. On y découvre que 80 % des entreprises françaises interrogées ne mettent pas en place d’actions d’inclusion pour les personnes LGBT+ et que seulement 16% des entreprises sensibilisent leurs équipes à ce sujet.
Illustration : Canva