Jusqu’alors peu présentes dans les grands événements sportifs, les entreprises de l’ESS ont activement participé à la construction des Jeux Olympiques de Paris 2024. C’est le cas de l’entreprise Le Pavé, qui a produit 11 000 sièges en plastique recyclé pour deux enceintes olympiques.
Aux portes d’Aubervilliers, près de Paris, dans l’usine du Pavé, on trouve du plastique sous toutes ses formes autour de machines rose pâle. Des piles de plaques colorées à gauche, quelques éléments d’ameublement à droite, et au fond une dizaine de sacs de paillettes de plastique soigneusement rangées par couleur.
Ces plaques sont issues de plastique recyclé. Elles deviendront des « plans de travail, tables, éléments d’ameublement, revêtement de sol et de mur », énumère Lucas Philipponneau, directeur des équipes de l’entreprise Le Pavé. Mais la grande fierté de cette entreprise de 36 personnes de l’économie sociale et solidaire se situe ailleurs, dans les gradins de plusieurs sites des jeux olympiques, comme le Centre aquatique olympique de Saint-Denis ou de l’Arena Porte de la Chapelle à Paris.
Entreprise Le Pavé et ses réalisations.
Du plastique usagé aux gradins des jeux olympiques
D’ici quelques jours, les spectateurs pourront s’asseoir sur les 11 000 sièges en plastique recyclés et recyclables réalisés par Le Pavé. Et les athlètes se verront couronnés sur 68 podiums de la même matière. Avec ce projet, « nous avons prouvé que les entreprises de l’économie sociale et solidaire sont capables de contribuer à des grands projets comme les Jeux Olympiques », se réjouit Lucas Philipponneau.
Fondée en 2008 par Marius Hamelot et Jim Pasquet, l’entreprise a pris une nouvelle dimension avec les JO 2024. « Nous avons co-investi sur une ligne de production et un moule dans le sud de Paris pour vendre une assise et un dossier, livrés directement sur les sites de l’Arena et du Centre aquatique Olympique, continue le directeur des équipes, 3 000 sièges dans la piscine et 8000 dans l’Arena Porte de la Chapelle qui sont composés à 100% des déchets des franciliens ». Avec les podiums, ce sont 100 tonnes de matière plastique, du polyéthylène (PEHD) provenant notamment des bouteilles de shampoing et des bouchons de bouteilles, qui ont été recyclées par l’entreprise.
Un réseau d’entreprises de l’ESS
Pour s’approvisionner dans une telle quantité, Le Pavé s’est associé à une autre entreprise de l’ESS, Lemon Tri. Cet acteur spécialisé dans le recyclage et le réemploi a collecté près d’1,5 million de bouchons, soit plus de tonnes, auprès des franciliens. Plus de 50 points de collecte ont été déployés dans des lieux de vie et de passages, les médiathèques, les tiers-lieu, mais également dans les établissements scolaires du territoire d’Est Ensemble, composé de neuf villes du nord-est de la capitale. « Nous avons sensibilisé plus de 4 300 élèves, du CP au CM2, au geste du tri, raconte Anika Verlaan, chargée de projet JO 2024 pour Lemon Tri. Nous leur avons expliqué qu’en ramenant les bouchons dans la poubelle qu’ils allaient avoir dans leurs classe, ils allaient participer à la création des sièges de la piscine des jeux olympiques sur lesquels des athlètes allaient s’asseoir ». Un argument qui n’a pas été sans influence sur les plus jeunes.
Une fois ramenés dans les usines de Lemon Tri, les bouchons ont été triés par couleur, puis broyés. Les confettis de plastique colorés ont finalement rejoint les locaux de Le Pavé pour enfin prendre leur forme finale. Ils donnent cette « touche colorée et l’aspect terrazzo aux sièges des JO », explique Augustin Jaclin, Co-fondateur et Président de Lemon Tri.
Lemon Tri, entreprise de recyclage de plastique et ses machines de consignes.
JO 2024 : plus de 500 entreprises de l’ESS mobilisées
Voir des entreprises de l’ESS sur des chantiers aussi importants que ceux des Jeux Olympiques est un changement de paradigme notable. D’ordinaire, les appels d’offres pour ces grands événements sont dans la grande majorité des cas gagnés par les grandes entreprises, plus à même de supporter le poids de tels projets.
Mais pour les Jeux Olympiques de Paris, ce sont 505 entreprises de l’ESS qui se sont mobilisées. Des entreprises d’insertion de personnes éloignées de l’emploi, à l’instar de Le Pavé et Lemon Tri, des organismes liés au handicap, des coopératives… issus de « tous les secteurs d’activité, blanchisserie, restauration, conseil, ameublement, etc. », souligne Nicolas Peyronnet, directeur de la plateforme ESS 2024, et employé de l’association Les Canaux, mandatée par Paris 2024 pour accompagner les entreprises de l’ESS dans le projet olympique.
Un progrès possible en grande partie grâce à la Charte sociale de Paris 2024 qui a engagé le comité d’organisation des JO à faciliter l’accès aux marchés des Jeux à toutes les entreprises, même les plus modestes. Un quart minimum de la valeur des marchés des travaux de la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques) a été réservé à des TPE, PME et structure de l’ESS. Finalement, ces structures comptent pour plus de 75% des fournisseurs de Paris 2024 et 36% de la valeur des marchés des travaux de la Solideo.
Mais pour Le Pavé et Lemon Tri, l’objectif est dorénavant de se projeter après les fêtes olympiques et de pérenniser leurs activités commerciales sans les Jeux. « Nous sommes confiants pour l’avenir », assure Lucas Philipponneau. Le Pavé a pour ambition de développer de nouveaux sites industriels dans de nouvelles régions, et de « créer d’autres types de matériaux issus non plus des PEHD, ou de polystyrène, mais d’autres types de plastique ».
Coca-cola, un sponsor embarrassant
Lemon Tri est également partenaire pour les JO 2024 du géant américain Coca-cola, qui a obtenu l’exclusivité de la distribution et la vente de boissons pendant les jeux. L’objectif de l’entreprise de recyclage est de parvenir à collecter directement à la source les bouteilles en plastique vendues et distribuées pendant l’événement grâce à des machines de consignes, pour ensuite les acheminer jusqu’à leur usine de recyclage. Un partenariat qui peut faire grincer des dents car le fabricant de soda est aussi connu pour être le « champion du monde » de la pollution plastique…
« Sur la prévision de distribution et de vente de 18 millions de boissons distribuées par Coca Cola lors des jeux, plus de 10 millions proviendront de bouteilles en plastique », alerte France Nature Environnement qui s’est procuré un document confidentiel du Comité des Jeux Olympiques. Une pollution plastique injustifiée qui contrevient à l’engagement initial de « zéro déchet et zéro plastique à usage unique pendant l’événement » prise par les organisateurs et pourtant inscrite dans la charte de Paris 2024, regrette l’ONG dans un communiqué. D’autant que Coca-Cola a obtenu une dérogation pour la distribution gratuite de 4 millions de bouteilles en plastique aux Athlètes, souligne l’ONG. Distributeur exclusif des boissons pendant les jeux, l’embouteilleur communique lui davantage sur l’installation de 700 fontaines à boissons, la distribution d’éco-cups et de bouteilles en verre pour limiter les déchets…
Crédit photo : Nicolas Grosmond – CAO – Saint-Denis