Le 9 février, les Suisses se prononceront sur l’initiative populaire « Pour une économie respectant les limites planétaires », portée par les Jeunes Vert·e·x·s. Alors que le texte vise à accélérer la transition écologique, le Conseil fédéral et le Parlement appellent à voter « Non », jugeant l’initiative trop « radicale » et « risquée ».

Les Suisses voteront ce dimanche 9 février pour l’initiative populaire « Pour une économie respectant les limites planétaires« . Pour la confédération, ces initiatives populaires ont une importance toute particulière, puisqu’elles permettent aux citoyens de proposer un texte soumis à un référendum, à condition de récolter 100 000 signatures en 18 mois. 

Cette initiative populaire pour la responsabilité environnementale, lancée en août 2021 par le parti des Jeunes Vert·e·x·s, a atteint 105 940 signatures, et devient donc éligible au vote. Elle vise à renforcer les mesures de protection du climat et à accélérer la transition écologique. 

Un référendum pour une Suisse responsable et respectueuse des limites planétaires

L’initiative des Jeunes Vertes propose une série de mesures ambitieuses pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), protéger la biodiversité et promouvoir une économie durable dans les limites biophysiques du territoire, comme théorisées depuis 2019 par de nombreux laboratoires de recherche dans le monde. Si le « Oui » gagne, « la Confédération et les cantons veille[ra] à ce que, au plus tard 10 ans après l’acceptation de l’art. 94a par le peuple et les cantons, l’impact environnemental découlant de la consommation en Suisse ne dépasse plus les limites planétaires, rapportées à la population de la Suisse. », indique le texte examiné

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La proposition d’initiative populaire appelle à définir des limites à l’économie afin de réduire à la fois la surconsommation des ressources naturelles et les émissions de polluants dans l’environnement. « La présente disposition s’applique notamment au changement climatique, à la perte de la diversité biologique, à la consommation d’eau, à l’utilisation du sol et aux apports d’azote et de phosphore », précise l’article. 

Une remise en cause du système économique actuel

Ce référendum est un véritable coup de pied dans la fourmilière de la part des jeunes verts et des défenseurs du texte, qui se sont exprimés dans un communiqué de presse en faveur d’une « alternative juste écologiquement et socialement » au système économique actuel. Ils appellent à ce que les personnes fortunées et les grandes entreprises se responsabilisent face aux crises environnementales/ Mais aussi qu’elles prennent en charge la transition de l’économie suisse. 

Le texte reste cependant peu explicite sur la méthode à mettre en œuvre pour y parvenir, alors même qu’il engage une refonte profonde de l’économie helvétique, tant sur le plan de l’énergie que de l’agriculture ou de la consommation des biens et des services. 

Avant même le résultat du réferendum, pour le Conseil fédéral et du Parlement suisse, le choix est déjà fait. Les deux institutions appellent à rejeter l’initiative populaire qu’elles jugent trop radicale et difficile à appliquer socialement. 

Pour le Conseil fédéral et le Parlement, c’est un « Non »

Bien que reconnaissant l’importance de préserver les ressources naturelles, les autorités estiment que cette initiative irait trop loin, imposant des restrictions sévères sur la consommation, le logement, les déplacements et les loisirs, ce qui affecterait profondément le mode de vie des citoyens. 

Elles soulignent également les risques pour l’économie suisse, notamment un affaiblissement de la compétitivité, des pertes d’emplois et un renchérissement des produits, pénalisant particulièrement les ménages à bas revenus. Enfin, le délai de mise en œuvre de dix ans est considéré comme trop court pour élaborer des solutions équilibrées. 

Elles proposent à la place de suivre la constitution actuelle qui « contient déjà des dispositions équilibrées pour encourager le développement durable » et de continuer à s’engager « dans le cadre d’accords internationaux en faveur d’une action coordonnée au niveau mondial pour la protection de l’environnement et du climat », comme l’expliquent le Conseil fédéral et le Parlement dans une publication de la Chancellerie fédérale de fin 2024. Une voie qu’ils considèrent viable pour mener à bien la transition écologique.

La Suisse, une nation encore loin d’une empreinte environnementale « neutre »

Et pourtant, le contexte actuel n’incite pas vraiment à un tel optimisme. La hausse constante des émissions de GES, le retrait du nouveau Président des États-Unis Donald Trump des accords de Paris, les événements climatiques extrêmes qui se multiplient, et les crises de la diplomatie climatique, comme lors de la COP29 à Bakou (Azerbaïdjan), sont des obstacles majeurs à cette transition. 

Cette réalité est visible jusque sur le territoire national helvétique. En avril 2024, la Cour européenne des droits de l’Homme avait d’ailleurs condamné la Suisse pour son inaction climatique. Si ses émissions de CO2 intérieures ont diminué de presque d’un quart en 2022 par rapport aux niveaux de 1990, comme l’indique un communiqué du Conseil, avec des efforts notables dans le bâtiment (- 44%), l’industrie (-27%) et dans le transport (-7%), ses émissions demeurent bien supérieures à celles du reste du monde. 

Réduire l’impact carbone de la consommation suisse de 90%

Avec ses 9 millions d’habitants, la Suisse serait responsable de 2 à 3 % des émissions de CO2 mondiales, selon une étude de 2022, ce qui la place à des niveaux similaires à l’Indonésie, le Japon et le Brésil, des pays de plus de 120 millions d’habitants. Ce sont près de 14 tonnes de CO2 qui sont émises par un Suisse chaque année, contre 6 pour un habitant moyen dans le monde. Le bilan carbone de la Suisse est plombé par sa consommation intérieure. La baisse de ses émissions internes compense bien peu toutes les émissions de GES importées par le pays. Et c’est sans compter les pollutions de l’eau, des sols, de l’air qui perturbent la santé humaine et celle des écosystèmes.

D’après une note du comité d’initiative, afin de rester dans les limites planétaires, il faudrait que la Suisse réduise « l’impact environnemental de la consommation dû aux émissions de gaz à effet de serre de plus de 90 %, la perte de la biodiversité d’environ trois quarts et les atteintes à l’environnement dues à l’azote de près de la moitié ». Dès la semaine prochaine, les Suisses sauront s’ils doivent engager pour les 10 prochaines années ce vaste chantier de transformation durable. Mais pour l’heure, les différents sondages menées auprès des citoyens suisses semblent montrer un rejet de l’initiative populaire

Illustration : Drapeau suisse de Genève, Carandoom, Flickr.