Les limites planétaires, qu’est-ce que c’est ? A quoi servent-elles ? Qui est à l’origine de ce concept ? Est-il traduit dans la réglementation ? Définition.

Les limites planétaires, qu’est-ce que c’est ?

Alors que jusqu’à présent, l’humain influençait son environnement de manière régional, il est entrée dans une  phase à partir de la révolution industrielle. Celle d’être la force principale capable de transformer la Terre dans son ensemble. Dans ces conditions, l’équilibre terrestre s’est fortement détérioré en quelques siècles, au point qu’il devient complexe d’estimer les conséquences des activités humaines sur la nature. En ce sens, le concept des limites planétaires offre nouvelle approche de la crise climatique, en s’essayant à délimiter un espace de stabilité, ou plutôt, un espace de développement sûr pour l’humanité. Ces limites concernent 9 processus biophysiques qui sont représentatifs du bon fonctionnement de la planète Terre : le changement climatique, l’acidification de l’océan, l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique, la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore,l’utilisation mondiale d’eau douce, le changement d’utilisation des sols, l’érosion de la biodiversité, la pollution chimique et l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère.

Lorsque l’on dépasse ces seuils l’environnement bascule, l’entropie augmente et la Terre se transforme drastiquement, parfois de manière irréversible. Les limites planétaires sont comme des plots de signalisation, placés à une certaine distance des seuils pour avertir l’humanité et lui donner le temps de réagir.

Les neuf limites planétaires et les six limites déjà dépassées en rouge.

L’histoire du concept de limites planétaires

C’est une équipe internationale de 26 chercheurs, emmenée par Johan Rockström et Will Steffen, qui est à l’origine du concept de limites planétaires.

Un premier article en 2009

En 2009, l’équipe publie un article intitulé « Planetary Boundaries: Exploring the Safe Operating Space for Humanity » dans la revue Ecology and Society. Elle y définit d’abord 7 limites planétaires et donne pour chacun un indicateur : :

  • le changement climatique : on mesure la concentration de CO2 dans l’atmosphère, elle doit être inférieure à 350 ppm
  • l’acidification de l’océan : on mesure l’état de saturation de l’eau de mer de surface
  • l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique : on mesure la concentration en ozone (O3)
  • la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore : pour le premier, on mesure la fixation de diazote par l’industrie et l’agriculture, pour le second, on mesure le rejet de phosphore dans les océans (il ne doit pas être plus de dix fois supérieur au rejet naturel)
  • l’utilisation mondiale d’eau douce : elle doit être inférieure à 4000 km3 par an
  • le changement d’utilisation des sols : moins de 15% de la surface de terres disponibles doivent être cultivées
  • l’érosion de la biodiversité : le taux annuel d’extinctions doit être inférieur à 10 extinctions par million d’espèces
  • les nouvelles entités et les pollutions chimiques : lorsque la production et les rejets annuelles de nouvelles entités dépassent les capacités d’évaluation et de suivi de la société.
  • l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère : concentration globale de particules dans l’atmosphère, sur une base régionale.

Seule la dernière limite, l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère ne possède actuellement de seuil à ne pas dépasser.

Les chercheurs insistent sur le fait que les limites planétaires sont interdépendantes : en transgresser une peut amener à en transgresser plusieurs autres. Ils expliquent également que les limites planétaires sont un outil d’aide à la gouvernance qui définit un espace sécurisé pour l’humanité. En revanche, elles ne donnent pas d’indication sur le chemin à emprunter au sein de cet espace sécurisé.

Un deuxième article, 6 ans plus tard – Aérosols, nouvelles entités,

En février 2015, les auteurs publient une actualisation de leurs travaux dans la revue Science : « Planetary boundaries: Guiding human development on a changing planet ». Trois limites restent inchangées : le changement climatique, l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique et l’acidification de l’océan. L’érosion de la biodiversité se divise maintenant en deux sous-limites. D’une part, la diversité génétique représente la variété en gènes des organismes. D’autre part, la diversité fonctionnelle représente la variété des formes de vie dans un écosystème, et leurs interactions dans cet espace.

La limite de la pollution atmosphérique devient l’introduction d’entités nouvelles dans l’écosystème. Ces entités nouvelles désignent les nouvelles substances, les nouvelles formes de substances déjà existantes ou les formes de vie modifiées. On n’a pas encore pu quantifier cette limite. L’augmentation des aérosols dans l’atmosphère n’est toujours pas quantifiée. La limite du flux biogéochimique de l’azote est toujours dépassée à cause de régions fortement émettrices d’azote. C’est désormais la même chose pour le cycle du phosphore. La limite est dépassée à cause de certaines régions de grands apports de phosphore aux océans. Finalement, une nouvelle limite est dépassée : c’est celle du changement d’utilisation des sols. Celui-ci est, d’ailleurs, maintenant mesuré par la surface restante de forêts.

Dans cette réactualisation, les auteurs insistent sur deux limites planétaires qui leur semblent les plus importantes : le changement climatique et l’érosion de la biodiversité. En effet, elles sont liées à toutes les autres limites planétaires et les englobent à un niveau supérieur. Un grand changement de ces limites pourrait faire basculer le système Terre dans un autre état.

Liste des limites dépassées en 2023, où en sommes-nous ?

En 2023, six des neuf limites sont considérées comme dépassées.

Dès la sortie du premier article en 2009, les auteurs de l’étude alertaient sur le dépassement de trois limites, le changement climatique, l’érosion de la diversité et les perturbation des cycles biochimiques de l’azote et du phosphore. En 2015, c’est au tour de la limite sur les rejets de phosphate d’être dépassée. Ces études seront complétées en 2022 par deux nouvelles publications. La limite des nouvelles entités, après plus d’une décennie sans être quantifié, est évaluée pour la première fois en janvier 2022 dans un article publié dans la revue Environmental Science & Technology. Quelques mois plus tard, c’est le seuil de l’eau douce qui est franchi. Les résultats de l’étude publié dans Nature revoit en effet les copies précédentes. Ils ajoutent pour la première fois un indicateur majeur dans la compréhension du cycle hydrique : l’humidité des sols et de la biomasse (eau verte) et les processus de précipitations et d’évaporation.

Traduction du concept de limites planétaires dans la réglementation

S’il suscite encore des débats, le concept de limites planétaires est reconnu et adopté à plusieurs niveaux de décision.

Au niveau international

Le Secrétaire général des Nations Unies évoque le concept des limites planétaires dès l’Assemblée générale de 2011. L’année suivante, le Panel de haut niveau de l’ONU sur la viabilité du développement mondial inclut la notion de limites planétaires dans son texte de présentation.

Au niveau européen

En 2010, un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement, intitulé « Rapport sur l’État de l’environnement » hisse les limites planétaires au rang de « priorité environnementale ». Ce concept sera au cœur du septième programme d’action pour l’environnement (2013-2020) de l’Union européenne : « Bien vivre, dans les limites de notre planète ».

Au niveau français

En 2019, le rapport sur l’état de l’environnement en France consacre toutes ses deuxième et troisième parties au respect des limites planétaires par la France. Cependant, plusieurs associations voudraient aller plus loin. Elles proposent, par exemple, d’inclure le concept de limites planétaires dans le premier article de la Constitution.