Les comités économique et social (CSE) des entreprises ont désormais des compétences en matière de durabilité. À ce titre, les nouvelles réglementations comme la CSRD et le devoir de vigilance peuvent être des outils intéressants à disposition des instances de représentations du personnel pour challenger les politiques de RSE et de transformation des entreprises. À condition d’être formé, ce qui est loin d’être toujours le cas.  

Depuis quatre ans et la loi Climat et Résilience, les sujets environnementaux font partie des nouvelles attributions du comité économique et social des entreprises (CSE). Mais depuis le 1er janvier 2025, les compétences du CSE en la matière se sont encore renforcées, dans un premier temps pour les grandes entreprises. Le comité doit désormais être informé et consulté sur des informations en matière de durabilité au moment des consultations récurrentes ainsi que sur les moyens de les obtenir et de les vérifier. 

Les directions peuvent donc être appelées à transmettre ces informations lors des réunions d’orientations stratégiques, de consultation sur la politique sociale ou sur la situation économique et financière. Cela doit donner lieu « à un dialogue et un échange de vues », précise l’ordonnance. À charge donc aux instances de représentation du personnel de mieux pointer des écarts entre les données et les réalités observées sur le terrain, notamment pour des cas d’absentéisme, d’arrêt maladie liés à des pollutions ou d’accidents du travail importants qui ne seraient pas reconnus comme des dysfonctionnements par l’entreprise. 

La CSRD, un outil à disposition des CSE pour challenger la direction sur la stratégie de durabilité

Dans cette perspective, le nouveau reporting de durabilité européen – la CSRD – représente un outil essentiel à prendre en main par les représentants syndicaux et du personnel. D’autant que la transposition de la CSRD dans la loi française implique que les CSE soient consultés et informés régulièrement sur la durabilité des activités de l’entreprise. Leur premier rôle sera donc de s’assurer que les entreprises concernées le produisent bien. Un point qui peut paraître anecdotique mais à l’heure où la directive européenne est remise en cause, c’est un levier important. Et rappelons que beaucoup d’entreprises ne respectent déjà pas leur obligation d’établir un bilan d’émission de gaz à effet de serre (BEGES), alors qu’elle s’applique aux entreprises de plus de 500 salariés…

Les textes ne précisent pas les consultations dans lesquelles la CSRD doit être évoquée mais elles peuvent être nombreuses. « Ce peut être la consultation sur les orientations stratégiques car cela engage l’avenir, la consultation sur la politique sociale car il y a un élément de gestion prévisionnelle des emplois et des parcours professionnels, la consultation sur la situation économique et financière, car le rapport sur la durabilité est compris dans le rapport de gestion de l’entreprise », souligne Christian Pellet, le président de Sextant Expertises. Et selon lui, les élus CSE ont « toute légitimité à se saisir des enjeux de durabilité de leur entreprise et faire entendre leur voix » pour mettre la pression sur l’entreprise.

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La CSRD, un nouvel outil de dialogue social

Une fois produit, reste à décortiquer les informations d’un reporting de durabilité encore largement perçu comme obscure et contraignant. Mais pour Damien Gaudichon, responsable durabilité de Sextant Expertise, un cabinet d’expert-comptable et de formation pour les représentants du personnel, c’est au contraire « une réelle opportunité ». Les premiers rapports commencent d’ailleurs à être publiés. Les premiers « ne seront pas parfaits mais ils vont s’améliorer à terme », souligne Damien Gaudichon. Mais le document, officiel et bourré d’informations sur la durabilité, permet de challenger l’entreprise sur « sa stratégie, son modèle d’affaires, sa capacité à être durable dans le temps », assure-t-il. 

Un avis partagé par le cabinet Syndex, qui accompagne également  les représentants des salariés. La « CSRD va constituer un enjeu majeur pour les entreprises qui devra logiquement s’inviter dans le dialogue social », souligne le cabinet sur son site. Les informations sur la double matérialité seront à cet égard essentielles car elles devraient « permettre aux élus d’obtenir un autre regard sur les opportunités et les risques environnementaux pour l’entreprise à moyen et long terme, ainsi que sur leur pilotage »

Pour autant, pas toujours évident pour les représentants du personnel de s’approprier ces enjeux et ces documents. D’autant plus que seulement 15% sont formés aux questions environnementales selon le 7ème baromètre Syndex/Ifop sur l’état du dialogue social

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Des outils à disposition des CSE
La transposition de la directive CSRD en France par l’Ordonnance 2023-1142 du 6 décembre 2023 élargit les droits à la consultation des CSE et permet d’inclure la dimension ESG à l’occasion des trois consultations obligatoires : sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière et la politique sociale, les conditions de travail et de l’emploi prévus par l’article L. 2312-17 du Code du travail. Pour mieux se saisir de ces nouveaux leviers et outils, la CFDT Cadres a réalisé une brochure et une série de webinaires à consulter ici.

Illustration : Canva