L’entrepreneuriat social vise à concilier viabilité économique et impact social. Un modèle qui attire l’attention du grand public comme de l’Etat. Le secteur peut-il répondre aux problèmes sociaux et environnementaux ? Faisons le point.
Toute entreprise est créatrice de valeur. Cependant, à la différence de l’entreprise commerciale classique qui est dans une logique de création et d’appropriation de la valeur monétaire, l’entreprise sociale a pour objectif de maximiser la valeur créée, au profit de la recherche d’une solution durable à un problème..
Ainsi, l’entrepreneuriat social vise à employer les méthodes et l’efficacité de l’entreprise au profit d’un objectif social. Il oriente son action dans le sens de la construction d’un monde plus inclusif et plus durable.
Sa contribution à l’économie sociale et solidaire se manifeste à travers des initiatives nombreuses liées entre autres à la production d’énergies renouvelables, à la lutte contre la précarité et les inégalités, à l’alimentation durable, aux mobilités alternatives, ou encore à l’économie circulaire.
Résoudre les problèmes sociaux et environnementaux, des enjeux de taille et pourtant urgents selon le grand public et les entrepreneurs sociaux. Le baromètre 2020 de l’entrepreneuriat social par OpinionWay, mené auprès d’un échantillon de 87 entrepreneurs sociaux et un échantillon de 1056 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, nous aide à comprendre les défis et perspectives d’avenir de ce secteur, sur lequel pèsent de nombreuses attentes.
Les entrepreneurs sociaux, des acteurs utiles mais pas uniques pour relever les défis sociaux et environnementaux
Des acteurs perçus comme pertinents face aux problèmes de société
Selon ce baromètre, 78% des sondés estiment les entrepreneurs sociaux comme utiles pour répondre aux préoccupations sociales et 69% pour les préoccupations environnementales.
Et c’est effectivement la raison d’être de ces acteurs que de parvenir ) conjuguer l’économique et le social pour pallier les défaillances de marché, autrement dit les conséquences liées à l’activité économique, dans un souci de bien commun.
Selon Filipe Santos, professeur d’entrepreneuriat social à l’INSEAD (Institut européen d’administration des affaires), l’entrepreneuriat social présente un intérêt, car il apporte des réponses à des situations où l’action du marché et celle de l’État n’est pas efficace ou alors inexistante.
En revanche, seulement 20% des Français considèrent les entreprises sociales comme les plus innovantes en matière de résolution des problèmes de société. Un chiffre en baisse de 5 points, et identique à celui obtenu par les entreprises de l’économie classique.
Les acteurs de l’entrepreneuriat social, quant à eux, s’estiment à 67% être les plus efficaces pour faire face à ces enjeux, un chiffre en hausse de 9 points par rapport à 2019.
Mais également de fortes attentes des Français envers les pouvoirs publics
Avec l’influence de la crise sanitaire, 34% des sondés estiment que les pouvoirs publics sont l’acteur le plus innovant pour résoudre les problèmes sociaux et environnementaux, soit une hausse de 10 points par rapport à l’édition 2019 du baromètre. Comment agit concrètement la force publique face à ces problématiques ?
L’Etat permet effectivement de corriger de nombreuses défaillances du marché. Concernant les externalités négatives, qui sont générées indirecetement par l’activité économique (la pollution par exemple), il a plusieurs outils à sa disposition pour les corriger.
Il peut notamment agir par la régulation (édiction de normes environnementales), la taxation (taxes sur le tabac ou les produits pétroliers) ou la création de mécanismes obligeant les acteurs économiques à internaliser les impacts négatifs de leurs activités (marchés de droits d’émission de CO2).
Par rapport aux externalités positives, l’action étatique va principalement passer par un appui financier. C’est par exemple le cas du bonus écologique, une aide financière pour acheter ou louer un véhicule électrique ou hybride rechargeable donc plus respectueux de l’environnement. Cela incite les consommateurs à réaliser ce type d’investissement, qu’ils n’auraient peut-être pas réalisé en l’absence de cette aide.
Mais parfois, par manque de ressources ou parce que les externalités positives n’ont pas été identifiées, l’Etat n’apporte pas de soutien. C’est ici, lorsque des activités produisent des externalités positives négligées, que l’entrepreneuriat social va essentiellement jouer son rôle.
Ainsi, les acteurs de l’entrepreneuriat social ne sont pas les seuls à pouvoir lutter contre ces problèmes de société. Ils agissent de concert avec les autres acteurs économiques, ce qui va les conduire à nouer des partenariats.
Entrepreneurs sociaux et autres acteurs de l’économie : une complémentarité scellée par des partenariats
85% des entrepreneurs sociaux collaborent avec des entreprises classiques et 72% travaillent avec les pouvoirs publics, un chiffre en hausse de 6 points par rapport à 2019.
Ils signent des partenariats en espérant de meilleurs débouchés pour leurs produits et services (64%), ou la possibilité de concevoir à plusieurs ceux-ci (63%). La troisième raison évoquée est celle des financements apportés par les partenaires, un frein majeur pour la majorité des entrepreneurs.
Voici un graphique représentant les attentes partenariales des entrepreneurs sociaux.
Ainsi, les entrepreneurs sociaux sont perçus comme pertinents par le grand public pour lutter contre les enjeux sociaux et environnementaux, mais ils ne sont pas les seuls acteurs à pouvoir le faire, et agissent par conséquent avec les autres acteurs économiques.
Comment se dessine le futur de ces acteurs ? La crise sanitaire a-t-elle un impact sur leur activité ?
Les perspectives de développement des secteurs de l’entrepreneuriat social et de l’économie sociale et solidaire (ESS)
L’ESS, un secteur attractif chez les jeunes mais encore trop peu connu du grand public
Selon une enquête d’Empow’her en 2017, l’économie sociale et solidaire dans son ensemble représente 7% des entreprises françaises. C’est également un secteur qui recrute : depuis 2000, l’emploi y a progressé de 24% (contre 4,5% dans le secteur privé hors ESS), et qui concentre 10% des employés en France.
L’attractivité du secteur reste relativement stable et s’observe particulièrement chez les jeunes, qui souhaitent donner du sens à leur travail. 45% des 18-24 ans se déclarent intéressés par l’économie sociale et solidaire pour lancer leur propre activité (+2 points), et 59% pour y travailler (+9 points).
Voici un graphique représentant les facteurs de motivation et d’attractivité pour le secteur de l’ESS.
Cependant, ce sont encore seulement 47% des Français qui déclarent avoir déjà entendu parler de l’économie sociale et solidaire, 25% pour l’entrepreneuriat social, soit le plus bas niveau enregistré depuis 2012. Des termes qui gagneraient à être davantage connus.
Des défis multiples pour développer l’entrepreneuriat social
Si ce secteur se propose de valoriser les entreprises contributives et non plus les entreprises de la prédation, les défis auxquelles il doit faire face sont légion.
Un rapport du Centre d’analyses stratégiques en partenariat avec l’OCDE (organisation de coopération et de développement économique) fait état des principaux enjeux pour permettre au secteur de se développer.
On y trouve des interrogations autour du rôle de l’Etat dans l’accompagnement de ces entreprises, mais aussi sur la question du financement de celles-ci. La problématique ici est notamment de faire en sorte que les dépenses qui sont consacrées à ce secteur soient perçues comme des investissements pour la collectivité, et non comme un coût.
C’est d’ailleurs cette même question des financements qui paralyse l’action, les entrepreneurs sociaux souffrant bien trop souvent d’un manque de moyens. Diversifier les sources de financement serait une partie de la solution.
Dans ce sens, il est nécessaire d’améliorer les mesures d’impact social qui permettent aux entrepreneurs sociaux d’apporter la preuve de leur efficacité aux investisseurs et aux pouvoirs publics.
Est également soulévée la question des instruments à développer pour rapprocher le milieu des entreprises classiques de celui de l’entrepreneuriat social, afin que les deux secteurs entrent en complémentarité et non en conflit, au-delà des partenariats.
C’est donc face à la diversité de ces enjeux que les entrepreneurs sociaux doivent se développer, une mission qui n’est pas impossible, particulièrement dans le cadre de la conjoncture actuelle.
La crise sanitaire, une opportunité pour les entrepreneurs sociaux dans la construction du « monde d’après » ?
Malgré la Covid-19, les entrepreneurs sociaux s’estiment plutôt optimistes.
Au moment de la publication du baromètre en juillet, après le premier confinement, 89% d’entre eux affirment que les perspectives de développement de l’entrepreneuriat social sont bonnes en France. 83% prévoient même de recruter, un chiffre en hausse de 14 points par rapport à l’année dernière.
Plus généralement, ce sont 6 entrepreneurs sociaux sur 10 qui voient la situation actuelle comme une opportunité pour le secteur.
Un sentiment partagé par le grand public qui estime à plus de 80% que les entrepreneurs sociaux ont un rôle à jouer dans la construction de l’économie post-crise et que leur action est indispensable pour lutter contre les conséquences de la crise avec notamment le chômage, en tête des préoccupations des Français.
L’étude souligne que ces résultats optimistes sont à mettre en perspective avec l’association faite par 68% du grand public entre entrepreneuriat social et transition écologique :
« Alors que la thématique de la transition écologique gagne du terrain dans le débat public et que la crise sanitaire est apparue pour de nombreux observateurs comme un moment unique pour construire un “monde d’après” durable et solidaire, les entrepreneurs sociaux apportent des alternatives au business as usual. »
Quelle place pour l’entrepreneuriat social en France ?
L’entrepreneuriat social vise conjuguer efficacité économique et finalité sociale. Il bénéficie de l’intérêt du grand public et particulièrement des jeunes, mais aussi de l’Etat.
En témoignent les nombreuses créations d’entreprises sociales, l’éclosion de chaires dédiées à l’entrepreneuriat social et à l’économie sociale et solidaire dans les écoles de commerce, la multiplication des incubateurs d’entreprises sociales ou encore l’organisation de conférences et séminaires portant sur l’émergence de ces secteurs.
Face à la crise que nous traversons, les entrepreneurs sociaux bénéficient d’un écho particulier. Ils entendent bien tirer profit de la situation actuelle pour s’affirmer comme les pionniers du monde de demain, plus respectueux de l’environnement et des Hommes.