Le monde de la finance et de l’investissement est de plus en plus soumis aux injonctions de durabilité et de responsabilité. Mais alors, qu’est-ce que l’investissement responsable ? Quelles sont ses perspectives, quels sont ses enjeux ? Décryptage avec Stéphanie Chaubin Ferrieu, professionnelle de la finance responsable pour le podcast Trajectoire.
Dans le grand mouvement de transition qui s’opère pour mieux prendre en compte les enjeux environnementaux et sociaux, la finance est clairement sous pression. De nouvelles réglementations émergent (la taxonomie européenne, les règles ESG…), les attentes des parties prenantes évoluent. Désormais, la finance et l’investissement doivent être responsables.
Mais alors, l’investissement responsable, la finance durable, qu’est-ce que c’est au juste ? Quels sont ces fameux critères « ESG » ? Comment les mesurer, les définir ? Quels sont les enjeux et les perspectives de cette finance responsable qui émerge ? C’est pour mieux comprendre ce monde nouveau de l’investissement responsable que le podcast Trajectoire, créé par Birdeo, People4Impact et Youmatter, reçoit Stéphanie Chaubin Ferrieu, experte des marchés financiers et de la finance dite durable. Après une carrière d’analyste et de gérante de fonds, elle créé son cabinet de conseil ESG Evolution pour accompagner les acteurs financiers dans leur politique d’investissement durable. Elle répond au question de Caroline Renoux dans ce onzième épisode de Trajectoire, à retrouver sur Ausha, Apple Podcast, Spotify ou Deezer.
Comprendre l’investissement responsable
Depuis quelques décennies émerge la prise de conscience que le système économique et financier ne peut pas fonctionner en vase clos, enfermé sur lui même. Il doit au contraire contribuer à l’amélioration de la société, et dans un contexte de transition écologique et sociale, cela passe par la prise en compte des critères extra-financiers en plus du seul critère financier. Concrètement, cela signifie qu’à terme, la finance va devoir passer d’un modèle où sa raison d’être n’est que de produire de l’accumulation de capital financier, à un modèle qui vise l’enrichissement et la préservation des capitaux financiers, mais aussi sociaux et environnementaux au sens large.
Ce changement représente une vraie révolution dans le paradigme financier. Car désormais il est attendu du monde de l’investissement qu’il se dote de règles et de normes pour définir où l’argent investi sert l’amélioration de nos capitaux collectifs. Problème : aujourd’hui le secteur manque encore de ces normes, et il n’est pas encore très structuré.
Investissement et finance responsable, ESG : une multitude d’approches
Une multitude d’approches cohabitent donc dans ce monde qui émerge. Qu’il s’agisse d’exclure certains secteurs des porte-feuilles d’investissement (les secteurs les plus polluants ou les moins éthiques) ou de favoriser les acteurs les plus vertueux, la démarche est radicalement différente, et les impacts sociaux et environnementaux qui en découlent aussi.
Le point commun de toutes ces démarches, c’est qu’elles reposent sur l’analyse des critères dits ESG : environnementaux, sociaux et de gouvernance. Supposés aider à définir les acteurs les plus vertueux et ceux qui ont un impact positif, ils sont pourtant encore très débattus, car le manque de standardisation fait que les acteurs du secteur n’ont pas réellement de méthodologie solide pour comparer les acteurs. Peu fiables, les méthodes de mesure ESG restent floue pour la plupart des professionnels, qui admettent d’ailleurs manquer de compétence pour bien intégrer ce sujet à leurs pratiques professionnelles.
L’enjeu pour l’avenir : sortir du greenwashing, standardiser les méthodes
Aujourd’hui, il s’agit donc pour le secteur de se structurer, et de définir, cette fois clairement, des méthodologie pour identifier quels sont les investissements « durables », et « responsables » et ceux qui ne le sont pas, afin d’orienter vraiment les fonds. Indispensable pour sortir du greenwashing qui domine actuellement le secteur, cette structuration commence au niveau européen, avec les tentatives construites autour de la taxonomie verte : une typologie des activités économiques en fonction de leur impact environnemental.
Les prochaines années seront décisives au regard de la structuration du secteur de la finance et de l’investissement responsable. Il faudra être particulièrement vigilant pour que les règles qui sont en train d’être définies permettent bien d’encadrer et de réguler cette finance qui depuis trop longtemps ne sert que ses propres intérêts, sans prendre en compte ni l’intérêt général ni ses impacts sociaux et environnementaux.
Photo par Markus Winkler sur Unsplash