Comment les restaurateurs s’engagent-ils en matière de développement durable ? Et pour quelles raisons ? Le secteur de la restauration aussi modifie ses pratiques pour prendre en compte les enjeux liés au développement durable : menus moins carnés, davantage de produits locaux et de saison, lutte contre le gaspillage alimentaire… Alors la question se pose : à quoi ressemblera la restauration de demain ?
Les raisons de l’engagement des restaurateurs dans le développement durable
Les professionnels de la restauration se sentent globalement concernés par les enjeux de développement durable, comme en témoignent les résultats de l’édition 2020 de l’étude « Mon Restaurant passe au durable » par Harris Interactive. Mais au-delà des idéaux environnementaux, les restaurateurs agissent aussi pour des motivations économiques. Prendre en compte ces enjeux et faire évoluer ses pratiques est aussi un moyen de se différencier de la concurrence, développer son chiffre d’affaires, attirer de nouveaux clients, etc.
Globalement, trois enjeux majeurs poussent les restaurateurs à prendre en compte les problématiques liées au développement durable :
1- Satisfaire les attentes des clients
34% des restaurateurs estimaient en 2020 que les nouvelles attentes des consommateurs était le sujet d’actualité qui allait le plus les impacter dans le cadre de leur activité, devant l’arrêt du plastique (32%). C’est depuis la crise sanitaire que le sujet des attentes des consommateurs a pris davantage d’ampleur.
Mais ces attentes, quelles sont-elles ? Il ressort de l’enquête Harris Interactive 4 axes majeurs :
- La recherche de produits plus responsables, c’est-à-dire bio, locaux et de saison ;
- Une plus grande transparence, donc avoir davantage d’informations sur l’origine des produits ;
- Le respect des règles d’hygiène ;
- Des prix moins élevés, en particulier dans le contexte de baisse du pouvoir d’achat des Français.
Les clients s’attendent donc à ressentir ces aspects dans l’établissement où ils se rendent.
2 – Recruter et fidéliser la main d’oeuvre
Adopter des pratiques plus vertueuses semble aussi être un moyen de recruter plus facilement et fidéliser les employés. D’autant plus qu’avec la crise sanitaire, le secteur de l’hébergement-restauration a perdu un grand nombre d’emplois. La Dares enregistre un recul de 237 000 emplois entre février 2020 et février 2021 tandis que le secteur enregistrait une croissance de 50 000 emplois par an sur les deux années précédentes. Et il peine encore à recruter. On peut alors logiquement penser que les restaurants qui mettent en oeuvre des pratiques éco-responsables attireront davantage de candidats qui partagent ces valeurs.
3- Se conformer à la loi
La réglementation en matière de tri et de valorisation des déchets, mais aussi concernant les contenants jetables ou encore le plastique sont de plus en plus strictes.
Les pailles en plastique, les couverts jetables, les touillettes, les boîtes en polystyrène utilisés dans la restauration rapide sont désormais interdits. Depuis le premier janvier 2022, ce sont les sachets de thé et de tisane en plastique non biodégradable qui ont été prohibés, entre autres. Ces nouvelles réglementation s’inscrivent dans le cadre de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (dite loi AGEC), qui a pour objectif l’abolition du plastique jetable d’ici à 2040, lutter contre le gaspillage ou encore mieux informer les consommateurs.
Votée en 2020, elle traduit une évolution de la législation, dans la continuité de la loi Garot en 2016 sur l’interdiction de rendre impropres à la consommation des denrées encore consommables, ou encore la loi EGALIM de 2018 qui a rendu le « doggy bag » obligatoire au 1er juillet 2021 (les clients doivent pouvoir emporter les aliments ou boissons non consommés, et des contenants réutilisables ou recyclables doivent être mis à leur disposition pour cela).
Les raisons pour faire évoluer ses pratiques sont donc multiples. Concrètement, quelles voies les restaurateurs empruntent-ils pour répondre à ces attentes ou se conformer à la législation ?
Comment les restaurateurs font-ils évoluer leurs pratiques vers une meilleure prise en compte des enjeux du développement durable ?
La crise du Covid-19 a bouleversé le secteur de la restauration. D’un côté, elle a conduit à la fermeture de nombreux établissements. De l’autre, elle a mis un coup d’accélérateur dans l’évolution des pratiques des restaurateurs. La vente à emporter s’est considérablement développée, les attentes des consommateurs ont évolué, notamment vers une plus grande exigence pour les produits locaux et de saison. En ce sens, la crise sanitaire peut être perçue comme une opportunité pour repenser les pratiques du secteur de la restauration.
Au-delà des barrières financières, du manque de temps ou encore d’informations évoquées par une partie des restaurateurs, ils sont nombreux à mettre en place des pratiques éco-responsables. Quelles sont-elles ?
Faire évoluer sa carte
Davantage de produits bio, locaux, de saison et moins carnés
Toujours d’après l’étude Harris Interactive, 8 restaurateurs interrogés sur 10 disent avoir une carte plus courte pour optimiser leurs achats et utiliser des produits frais. Ils sont également 86 % à affirmer utiliser des produis locaux et de saison pour réduire leur empreinte carbone.
On constate aussi la tendance de nombreux restaurants à intégrer des options végétariennes, voire des menus végétariens. Certains chefs n’hésitent pas non plus à proposer des plats mettant à l’honneur les insectes. Rappelons que les produits d’origine animale sont en moyenne plus polluants que les produits d’origine végétale. Ils consomment également davantage de ressources en eau : environ 3 400 litres pour 1 kg de riz contre 15 500 litres pour 1 kg de viande de boeuf (selon la méthodologie du Waterfootprint network qui comptabilise l’eau verte, l’eau grise et l’eau bleue).
La restauration, un moteur pour la transition des systèmes agricoles
Ainsi, selon les travaux du GIEC, l’agriculture, la foresterie et l’utilisation des sols sont responsables de 24% des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale.
Une évolution de nos modes de consommation aura par conséquent un impact sur les systèmes de production agricole. Dans cette logique, le secteur de la restauration, traditionnelle ou collective, peut jouer un rôle. En offrant un débouché essentiel pour la filière agricole, il peut contribuer à promouvoir les produits bio, locaux, de saison, plus respectueux de l’environnement du point de vue des émissions de gaz à effet de serre. Les restaurateurs peuvent aussi mettre à l’honneur et encourager, lorsque cela est possible, certains modèles de production agricole comme l’agroécologie ou la biodynamie.
Gérer son établissement de manière éco-responsable
Sur la gestion des déchets
89% des restaurateurs interrogés affirment réduire, trier et recycler leurs déchets. Depuis le 1er juillet 2016, une loi oblige un grand nombre de professionnels à trier 5 types de déchets : papier/carton, métal, plastique, verre et bois dans des poubelles dédiées. C’est le tri dit « 5 flux » des déchets.
Mais les restaurateurs peuvent également aller plus loin, en proposant, avant les échéances programmées par la loi AGEC, des alternatives au plastique et à la vaisselle jetable.
De la même manière, au-delà des réglementations sur le gaspillage alimentaire, plusieurs chefs intègrent des restes de la veille, des racines et fanes de légumes par exemple aux préparations des jours suivants.
Sur la gestion de l’eau et de l’énergie
Enfin, 8 personnes sur 10 disent agir pour réduire leur consommation d’eau. Bien gérer l’utilisation des ressources et en énergie au sein de son établissement participe également à une démarche éco-responsable. Cela passe aussi par l’achat d’appareils qui ne consomment pas trop d’énergie par exemple.
Vous pouvez consulter Le guide pour devenir un restaurant éco-responsable réalisé par Metro pour creuser en détail ces sujets.
Pour aller encore plus loin
Le label européen écotable
En 2019, l’association Ecotable crée un label du même nom, afin de permettre aux consommateurs d’identifier des restaurants écoresponsables. Le label fonctionne comme les étoiles Michelin, les restaurants sont notés de 1 à 3 selon leur niveau d’engagement, en fonction de critères préétablis. 1 Ecotable correspond à un restaurant qui a entamé sa transition, 2 pour une démarche avancée et 3 pour les restaurants exemplaires. Ecotable propose également l’attribution de badges (vegan, zéro-déchet, pêche durable…)
D’autres labels, certifications et mentions existent, dans des champs spécifiques : lutte contre le gaspillage, fait maison, bio…
Plusieurs possibilités s’offrent donc aux restaurateurs soucieux de montrer leurs engagements.
Du potager à l’assiette : le retour à l’essentiel ?
Certains restaurateurs vont encore plus loin : une partie des produits servis sont directement cultivés dans les jardins autour du restaurant. C’est le cas par exemple au restaurant gastronomique l’Oustau de Baumanière dont le chef étoilé, Glenn Viel, redouble de créativité pour servir des plats variant au gré des saisons, et des récoltes du jardin potager.
Les chefs, ces ambassadeurs du goût
Travailler dans la restauration, c’est aussi être ambassadeur du goût. Dans ce cadre, quelques chefs ont choisi d’aller encore plus loin en confectionnant des menus pour la cantine scolaire, et de parler aux enfants des produits. Le chef étoilé Régis Marcon est l’un de ceux-là :
Autant on apprend à l’école à lire et à écrire, autant je pense que l’on peut rajouter le fait de bien savoir manger. Quand un enfant apprend une langue, s’il est dans le pays, ou s’il l’apprend très jeune, il connaît cette langue toute sa vie. C’est un peu pareil quand on apprend à manger
Régis Marcon, chef étoilé, dans une interview pour France 3
Ainsi, le restaurateur peut avoir un rôle à jouer dans la promotion d’une alimentation plus durable, chacun à sa manière, selon ses capacités et les moyens à sa disposition. À la fois ambassadeur de son restaurant, mais aussi du territoire dont proviennent les produits servis, il a le pouvoir d’encourager d’autres modes de production agricoles, de mettre en valeur des produits de saison, des légumes anciens oubliés, des épluchures ou fanes de légumes souvent jetées.
Car c’est aussi ça, aller au restaurant : découvrir de nouvelles saveurs et voyager gustativement…
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Photo par Jay Wennington sur Unsplash