L’accès à l’emploi est un axe majeur des politiques publiques françaises en matière d’intégration des personnes en situation de handicap. Mais malgré la mise en place de mécanismes de réglementation et de quotas pour faciliter cet accès, le handicap représente encore l’un des premiers facteurs de discrimination à l’embauche.

Même s’il reste compliqué d’estimer la part exacte de la population en situation de handicap en France, faute de données unifiées entre les différents services de reconnaissance des handicaps, selon l’Insee et son enquête Emploi 2020, pas moins de 5,6 millions de personnes en activité (au chômage ou employées), entre 15 et 64 ans, déclarent être en situation de handicap, ou avoir une maladie ou un problème de santé les impactant dans leur vie quotidienne. Et sur ces 5,6 millions de Français, un peu moins de la moitié (2,7 millions) est reconnue administrativement pour un handicap ou une perte d’autonomie.

Mais pour les personnes en situation de handicap, le monde du travail reste encore souvent difficile d’accès. Les discriminations à l’embauche restent très importantes.

Le handicap et la discrimination à l’embauche

Parmi les personnes disposant d’une reconnaissance administrative, seules 42% d’entre elles sont considérées comme en activité, contre 71 % pour le reste de la population. Et malgré des efforts concrets de l’État français pour faciliter l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap, le handicap reste un facteur de surexposition au chômage (14% contre 8% pour le reste de la population), au temps partiel et à la précarité.

L’une des raisons expliquant cette différence notable du taux d’activité est la discrimination à l’embauche. La discrimination pour handicap est, d’une année à l’autre avec l’origine ethnique, la première ou la seconde raison de saisine du Défenseur des droits, l’autorité constitutionnelle indépendante chargée de défendre les droits des citoyens. Lors de l’année 2021, la discrimination aura été le deuxième motif (24%) de saisine du Défenseur des droits, juste derrière l’origine (25%). Et pourtant, paradoxalement, la discrimination pour un handicap est l’un des critères les moins étudiés par les chercheurs.

Une situation que quatre scientifiques de l’Université Gustave Eiffel, de l’école d’économie de Paris et de l’Université de Nantes ont modestement participé à inverser en 2021 par la publication d’un rapport de recherche sur la discrimination dans l’accès à l’emploi pour les personnes en situation de handicap en la comparant à trois autres critères de discrimination, à savoir l’origine, le sexe et le lieu de résidence.

Pour ce faire, les scientifiques ont envoyé 2315 candidatures pour 463 offres d’emploi publiées en Île-de-France. Ils ne se sont intéressés qu’à une seule forme de handicap, la déficience auditive – car les répercussions sur la productivité peuvent être contrôlées – dans les secteurs bien précis des responsables administratifs de catégorie A et les aides-soignantes de catégorie C.

Les données récoltées au terme de l’expérience ont démontré que le handicap et l’origine étaient les critères de discrimination les plus répandus. Des résultats en phase avec les saisines du Défenseur des droits. Même si le rapport de recherche se limite à un seul type de handicap et des secteurs d’activité précis, il démontre une tendance, quoiqu’à la baisse, mais toujours très présente de discrimination à l’embauche.

Un travail de fond afin de faciliter l’accès à l’emploi aux personnes en situation de handicap

Près de 20 ans après la mise en place de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et de chances pour les personnes en situation de handicap, le bilan escompté pour l’intégration des personnes en situation de handicap en matière d’emploi, reste donc en demi-teinte.

L’objectif de cette loi était d’assurer aux personnes en situation de handicap « l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens » pour l’ensemble des activités de la vie quotidienne, en termes de soins, de loisirs, d’éducation, de protection juridique… Elle ajoute une définition précise du handicap qui englobe les quatre familles de handicaps : moteur, sensoriel, cognitif, psychique, tout en prenant en considération la mobilité réduite. Car le handicap est en effet pluriel. Il prend différentes formes, a différentes intensités, est visible ou invisible, s’installe temporairement ou définitivement, peut évoluer dans le temps, s’aggraver ou non…

Cette pluralité rend donc le handicap complexe à appréhender, en particulier lorsque l’on parle d’emploi, d’insertion dans le monde du travail, de recrutement, d’adaptation des emplois aux handicaps… D’autant plus qu’à la différence d’autres critères de discrimination (origine, sexe, âge, classe sociale), le handicap peut dans certains cas avoir des répercussions sur la productivité. Dans un contexte salarial où cette productivité est l’un des critères essentiels du recrutement, un handicap peut ainsi être perçu comme une charge, et ce, même s’il ne nécessite pas d’adaptation majeure lors de la création de poste.

Des outils institutionnels ont donc été développés à partir de la mise en vigueur de la loi du 11 février 2005 afin de court-circuiter et réduire toutes formes de discrimination à l’embauche.

L’OETH, un outil anti-discrimination perfectible

Dans le monde, deux types d’actions sont mises en œuvre par les gouvernements afin de répondre à ces discriminations, « D’une part, un ensemble d’obligations légales empêchent les discriminations en les qualifiant pénalement et règlementent les conditions de recrutement et de travail des personnes handicapées avec des obligations d’aménagement des postes de travail », décrit le rapport de recherche des scientifiques français. D’autre part, « des mesures incitatives sont mises en place avec un système de quotas et/ou de pénalités financières versées par les employeurs qui ne saturent pas le quota ». La France, à l’instar de nombreux pays européens, combine ces deux mécanismes.

En France, le quota est introduit par l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH), outil majeur de l’attirail français dans la lutte contre les discriminations. Renforcée suite à la loi de 2005, elle oblige depuis 1987 toutes les entreprises (publiques comme privées) de 20 salariés et plus à employer au minimum 6% de travailleurs handicapés. Dans le non-respect de cette contrainte, une pénalité financière est appliquée, et l’entreprise est tenue de verser une contribution à un organisme d’aide à l’intégration des travailleurs handicapés. Que la personne ait une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), une pension d’invalidité (PI), une carte d’invalidité, une allocation aux adultes handicapés (AAH), elle peut à chaque fois bénéficier de l’OETH.

Mais dans les faits, et comme le rappellent les auteurs du rapport, les preuves empiriques de l’efficacité de ce genre de politiques publiques restent relativement limitées. Il s’avère même que « les personnes en situation de handicap administrativement reconnues ne bénéficient pas d’un meilleur accès à l’emploi que celles qui n’ont pas cette reconnaissance », dans le cadre de l’étude menée. En d’autres termes, la reconnaissance du handicap ne réduit pas les discriminations, du moins en Île-de-France, et ce malgré les aides offertes par l’état aux organismes.

Les données du rapport démontrent au contraire que dans le cadre très restreint de l’étude « les travailleurs en situation reconnue de handicap ont des taux de succès plus faibles que ceux qui ne bénéficient pas de la reconnaissance administrative ». Un constat partagé dans le rapport du Défenseur des droits dans son rapport sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH). L’autorité constitutionnelle indépendante considère que le système de quotas participe à la création de mécanismes discriminatoires. Selon les saisines recueillies, la reconnaissance d’un handicap aurait été défavorable pour de nombreux individus. Pour ceux qui sont déjà en poste, parce qu’ils sont poussés en interne à se faire reconnaître afin de combler les quotas. Et pour ceux qui dépassent la phase de recrutement, parce qu’ils sont relégués à des emplois restreints, le plus souvent sous-qualifiés.

Les chercheurs en concluent que c’est le montant des pénalités pour non-respect des 6% de postes destinés aux personnes en situation de handicap qui n’est pas assez lourd pour que les décideurs hiérarchiques ajustent leurs recrutements. L’OETH est donc imparfait en l’état.

GUIDE – POUR UN RECRUTEMENT SANS DISCRIMINATION – Le Défenseur des droits

Combler les faiblesses des outils en vigueur

Le Défenseur des droits rappelle ainsi que, malgré les nombreux bénéfices offerts par l’OETH dans l’accès à l’emploi, il ne peut se suffire à lui-même. La création d’outils de recensement statistiques, dont le but serait d’offrir des données fiables et régulièrement actualisées sur l’activité des travailleurs handicapés, doit permettre de constituer une carte précise du taux d’emploi et de chômage des personnes en situation de handicap.

Le déploiement de campagnes nationales d’information et de sensibilisation des services et directions en charge des recrutements doit en outre permettre de réduire les biais actuels d’accès à l’emploi défavorables pour les personnes en situation de handicap. Et cela passe notamment par la prise en considération des enjeux liés au genre, à la sexualité, au racisme, et toutes les formes de discriminations croisées pesant sur le parcours professionnel et personnel des individus.

Lindsay, S., Cagliostro, E., Albarico, M., Mortaji, N., & Karon, L. (2018). A Systematic Review of the Benefits of Hiring People with Disabilities. Journal of Occupational Rehabilitation.

L’Horty, Y., Mahmoudi, N., Petit, P., & Wolff, F.-C. (2021). Discriminations dans le recrutement des personnes en situation de handicap : Un test multi-critere.

Examen par les Nations Unies de la mise en œuvre de la CIDPH par la France : Le Défenseur des droits pointe le manque d’effectivité des droits des personnes handicapées. (2021, août 17). Défenseur des Droits.

Bessière, S. (2015). L’accès à l’emploi des personnes handicapées. In Accessibilité et handicap (p. 133‑153). Presses universitaires de Grenoble.

Travail, santé et handicap − Emploi, chômage, revenus du travail | Insee. (2021).

Image par Grégory ROOSE de Pixabay

[box]

Se former aux enjeux de la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) :

Organisme de formation certifié Qualiopi au titre de la catégorie d’action suivante : actions de formation, Youmatter for Organizations accompagne les organisations à la sensibilisation et formation de leurs collaborateurs sur la Responsabilité sociétale des entreprises.

En 3 heures, la formation « Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) » permet d’acquérir les connaissances globales pour pouvoir comprendre pourquoi et comment mettre en place une stratégie RSE dans votre entreprise.

Pour plus d’informations, consultez notre catalogue de formations.

[/box]