En ce 8 juin 2023 se tient la journée mondiale de l’océan. L’occasion de décrire en 5 faits l’état préoccupant des océans dans le monde.
Centre névralgique de la vie sur Terre, l’océan représente un immense écosystème s’étalant sur près de 71% de la surface terrestre. Mais les océans sont en mauvaise santé. L’action combinée des activités humaines et du changement climatique participe autant à dérégler à grande vitesse les cycles physico-chimiques marins qu’à faire dépérir une biodiversité unique et indispensable aux sociétés humaines.
Plus d’un tiers des personnes dans le monde seraient directement touchées par la détérioration des milieux marins et côtiers, et par la raréfaction des ressources marines.f
90 millions de tonnes, c’est le nombre d’animaux aquatiques pêchés chaque année
Selon les données fournies par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la production mondiale d’animaux aquatiques est estimée en 2020 à 178 millions de tonnes. Un peu plus de la moitié de cette production, 90 millions de tonnes, provient de la pêche de capture, 88 millions de tonnes de l’aquaculture.
La grande majorité des animaux aquatiques sont aujourd’hui destinés à la consommation humaine (157 millions de tonnes), soit sur une année, plus de 20 kg par personne. C’est plus du double que la moyenne estimée en 1960 qui était de 9,9 kg par habitant.
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La production halieutique et aquacole représente un composant important de nombreuses économies dans le monde. Elle est un bassin d’emplois majeur, 600 millions d’individus dépendent des industries de la pêche et de l’aquaculture. Elle a généré plus de 150 milliards de dollars américains en 2020 malgré la crise de la Covid-19.
Mais cette industrie a en échange un coût environnemental important. En 45 ans, la part des stocks halieutiques exploités de manière « biologiquement durable », c’est-à-dire permettant un maintien des populations de poissons pêchés, est passé de 90% en 1974 à 64,6% en 2019. L’exploitation des espèces marines dépasse dans de nombreux espaces maritimes mondiaux les limites acceptables, notamment en Asie.
Cette surpêche, ou cette surexploitation dans les fermes aquacoles ne sont pas nocives que pour les espèces marines, qui souffrent de conditions d’exploitation souvent désastreuses. C’est bien l’ensemble des écosystèmes qui en subissent les conséquences.
D’abord, car la surpêche déséquilibre fortement la chaîne alimentaire. Le déclin massif de certaines espèces de poissons a des répercussions sur les espèces prédatrices, ce qui entraîne leur déclin et ainsi de suite. La pêche industrielle, et notamment certaines méthodes de pêche comme le chalutage de fond, participe en outre à la destruction des écosystèmes présent dans les fonds marins. À cela s’ajoutent également les pêches fantômes, lorsque des animaux sont capturés et tués par des engins de pêche perdus ou abandonnés.
« En 2021, près de 60 % de la surface des océans a connu au moins une période de vagues de chaleur océaniques »
C’est l’un des phénomènes les plus symboliques de la crise environnementale. Les océans se réchauffent à une grande vitesse, ce qui bouleverse l’ensemble des écosystèmes de la planète. Véritable poumon de la planète, les océans sont de gigantesque puits de carbone. Ils permettent de réduire fortement les effets du réchauffement climatique anthropique. Cet article publié sur le site des Nations Unies souligne ainsi que 90% de la chaleur générée par la hausse des émissions de gaz à effet de serre a été absorbée par les océans. Mais ce mécanisme primordial à l’atténuation du réchauffement climatique est menacé.
Si la fonte des glaciers et la hausse du niveau de la mer sont des phénomènes bien connus du réchauffement climatique, le processus de dissolution du CO2 atmosphérique est un autre élément tout aussi préoccupant. La dissolution du CO2 atmosphérique est en effet favorisée lorsque l’eau est à basse température. Le carbone dissous dans les eaux peu profondes rejoint ensuite les fonds marins grâce aux courants. Logiquement, plus l’eau sera chaude en surface, moins ce processus de dissolution pourra fonctionner.
Même chose pour le deuxième mécanisme biologique à l’œuvre dans l’absorption du dioxyde de carbone. Grâce à la photosynthèse, les phytoplanctons absorbent une quantité de CO2 atmosphérique importante. À leur mort, ces organismes rejoignent les fonds marins où le dioxyde de carbone est emprisonné durablement. Le souci étant qu’avec la hausse des températures de l’eau, les courants marins ont tendance à ralentir. Or, les éléments nutritifs des phytoplanctons, présents principalement dans les fonds marins, pourraient devenir dans le futur nettement moins disponibles, puisque les courants ne permettraient qu’un brassage réduit des nutriments.
En outre, le réchauffement climatique met en péril de nombreux écosystèmes marins, à l’image des récifs coralliens, qui s’adaptent difficilement à ces nouvelles conditions climatiques. Les scientifiques observent depuis quelques décennies un appauvrissement de la biodiversité marine. Le rapport des Nations Unies sur le déclin des espèces évoque ainsi qu’avec une hausse actuelle de température de 1,1 °C, près de 60% des écosystèmes marins de la planète seraient déjà dégradés.
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Les Aires Marines Protégées (AMP) recouvrent moins de 8% de l’océan à ce jour, et moins de 3% de l’océan bénéficie d’une protection forte ou intégrale.
Pendant longtemps, on a pensé que les océans étaient relativement épargnés par les pollutions humaines. Il n’en est rien. À ce jour, les océans et sa biodiversité sont en première ligne face à l’action combinée des activités humaines (pêche, fermes aquacoles, pollutions (chimiques, sonores, lumineuses), tourisme…) et le changement climatique.
Les Aires Marines Protégées font partie intégrante de l’éventail d’outils des pays pour la protection des espaces marins. Ces Aires Marines protégées (AMP) consistent à définir des espaces maritimes où les activités humaines sont réduites et adaptées afin de réduire au maximum l’action de l’Homme sur ces écosystèmes. Mais à ce jour, cette protection demeure très marginale. Seulement 8% des océans sont protégés contre les activités humaines, et moins de 3% des espaces maritimes sont intégralement ou hautement protégés. Cela reste donc bien insuffisant alors même que les AMP font partie des leviers de protection les plus efficaces pour le maintien des écosystèmes.
Pour faire face à ces menaces et ainsi préserver ces écosystèmes marins, de nombreux pays, dont la France, se sont engagés à protéger 30% des terres mondiales et 30% des océans d’ici 2030. Dans sa stratégie nationale aires protégées, la France s’est en outre imposée de protéger au moins 10% de son territoire maritime intégralement et/ou hautement.
La France s’est déjà félicitée d’avoir atteint ses objectifs de 30% d’AMP sur son territoire. 524 AMP sont répertoriées sur la plus grande zone économique exclusive (ZEE) du monde, l’espace maritime détenue par la France. Elles représentent 33% des quelques 11 691 000km² qui forment la ZEE Française.
Mais dans les faits, la protection de ces zones ne sont pas à la hauteur, « la France est loin des 10% de couverture en AMP intégralement et/ou hautement protégées sur l’ensemble de ses façades maritimes, tient à rappeler la Plateforme Océan et Climat dans une note de 2020, Aujourd’hui, moins de 2% de la ZEE française est recouverte d’AMP intégralement ou hautement protégées ».
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170 000 milliards, c’est le nombre de morceaux de plastique à la surface des océans.
Une étude publiée le 8 mars 2023 estimait que 170 000 milliards morceaux de plastique, essentiellement de petites tailles (moins de 5 millimètres) flottent à la surface des océans, soit 2,3 millions de tonnes de plastique. Les chercheurs se sont appuyés sur les données offertes par près de 12 000 stations marines dispersées dans le monde entre 1979 et 2019. Et le constat est inquiétant, la concentration de microplastiques dans les océans s’est accrue depuis 2005.
Les estimations, quoiqu’encore imprécises, révèlent tout de même l’ampleur de la pollution plastique dans les océans. La formation de véritables continents de plastique – 7 sont aujourd’hui répertoriés dans le monde – est l’illustration de la consommation démesurée de plastique dans les sociétés humaines.
Les conséquences de la pollution plastique sont multiples. Les déchets peuvent causer des blessures et/ou tuer les espèces marines. Ils sont parfois ingérés par les animaux marins, ce qui entraîne des intoxications et des suffocations. Les plastiques flottants à la surface des océans servent en outre de radeaux à différentes espèces invasives, maladies et polluants pouvant dériver sur des kilomètres et contaminer d’autres espaces marins.
Entre le 29 mai et le 2 juin se tenait la seconde phase des négociations à Paris pour l’élaboration d’un traité international contraignant d’ici 2024 censé endiguer la pollution plastique dans le monde. Mais accoucher d’un traité de ce genre va impliquer de vives négociations entre les parties prenantes. Le risque est d’arriver à terme avec un traité peu ambitieux pour lutter contre la pollution plastique.
Tous les milieux sont concernés par les pollutions phytopharmaceutiques, même les pôles et les grands fonds marins.
Les produits phytopharmaceutiques, ou plus communément appelés pesticides font partie des éléments de notre quotidien. Principalement utilisés pour protéger les cultures et pour l’entretien des espaces verts et des infrastructures, les substances chimiques impactent logiquement les écosystèmes où ils sont majoritairement utilisés, comme dans les champs pour la protection des cultures. Depuis plusieurs décennies, les scientifiques observent des contaminations dans les sols, les cours d’eau, l’air, les animaux qui deviennent eux mêmes des vecteurs de diffusion.
Une vaste étude menée conjointement par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) démontrent ainsi l’ampleur des contaminations aux pesticides. Il s’avère que loin de se cantonner aux milieux d’épendage initiaux, les produits phytopharmaceutiques, dont certains pourtant interdits depuis des décennies à cause de leur toxicité, ont été retrouvés à des doses plus ou moins importantes dans des espaces très éloignés comme les pôles et les grands fonds marins.
Des substances toxiques pour de nombreux organismes et microorganismes qui participent inévitablement au déclin de certaines espèces animales ou végétales, et qui entraîne à terme un déséquilibre des écosystèmes.
Photo de Josh Sorenson, Pexels.