L’agro-écologie propose les produits de biocontrôle, utilisant des substances naturelles, comme alternative aux pesticides. Est-ce efficace et sans danger ?

La dérogation accordée par le ministre de l’Agriculture le 6 octobre 2020 autorisant l’utilisation des néonicotinoïdes, insecticides mortels pour les abeilles afin de préserver la filière de la betterave sucrière, a de nouveau suscité le débat autour des pesticides.

C’est donc l’occasion de se pencher sur les alternatives à ces produits. Une des solutions proposées par l’agro-écologie est le biocontrôle.

Il s’agir de l’ensemble des méthodes de lutte contre les bioagresseurs des cultures (parasites, maladies…). Il est basé sur l’utilisation d’organismes vivants ou de substances naturelles.

Les solutions de biocontrôle peuvent être une alternative aux pesticides de synthèse et des chercheurs de l’INRAE viennent d’ailleurs de publier un livre à leur sujet. Elles représentent, 11 % du marché de la protection des plantes selon le baromètre IBMA France, un chiffre en progression.
Leur usage est d’ailleurs fortement encouragé par l’Etat.

Tentons d’appréhender ensemble le biocontrôle, en se penchant sur sa définition, ses applications mais aussi sur les controverses qui lui sont liées.

Qu’est-ce que le biocontrôle ?

L’article L253-6 du code rural et de la pêche maritime définit le biocontrôle comme « des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ».

Les quatre grandes catégories de produits utilisés en biocontrôle sont :

  • les macro-organismes : essentiellement des invertébrés, notamment des acariens, insectes et nématodes (vers microscopiques) ;
  • des micro-organismes : virus, bactéries et champignons ;
  • des médiateurs chimiques : phéromones et kairomones (substances émises par un animal permettant de fournir de l’information à ses congénères) ;
  • des substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale : extraits de plantes ou d’algues par exemple.

La notion de biocontrôle s’oppose à la notion d’éradication des ravageurs, souvent utilisée en agriculture conventionnelle. Il s’agit de réduire les populations de ravageurs en-dessous d’un seuil de nuisibilité.

Pourquoi s’intéresse-t-on au biocontrôle ?

Le biocontrôle est présenté comme une alternative aux pesticides de synthèse. Il présente en effet plusieurs avantages.

Tout d’abord, il permet de préserver les équilibres dans les sols et offre moins de résistances puisque les organismes vivants évoluent avec leurs proies.

Il permet une meilleure biodégradabilité, étant donné que les molécules naturelles sont déjà présentes de l’environnement, et est en ce sens plus respectueux de l’environnement.

Les solutions naturelles sont souvent plus spécifiques que les solutions chimiques. Elles viennent réguler la population d’une espèce de ravageurs par exemple, sans altérer l’écosystème du champ. A nuancer toutefois, puisqu’il s’agit d’un avantage uniquement lorsqu’il y a un seul problème à traiter.

Un autre avantage collatéral est celui de l’amélioration des conditions de travail des agriculteurs, qui ne respirent et ne manipulent plus de produits de synthèse pouvant être toxiques.

Le biocontrôle leur permet aussi de différencier leurs produits sur le marché. Il se propose comme une réponse à une attente des consommateurs qui souhaitent se nourrir plus sainement.

Des exemples d’application du biocontrôle

Les solutions de biocontrôle sont un ensemble vaste et divers. Ces solutions sont davantage appliquées dans les cultures sous serre plutôt qu’en champ. Voici quelques exemples.

L’utilisation de biopesticides d’origine végétale

Huile essentielle de basilic ou acide de géranium pour désherber, extraits de plantes utilisés comme répulsifs, huile essentielle pour repousser les parasites de l’abeille.. autant de méthodes qualifiées de biopesticides d’origine végétale.

Il existe pour l’instant peu de travaux scientifiques sur l’usage de ces produits, leur innocuité, leur efficacité… mais un rapport remis au Premier Ministre François Fillon en 2010 recommande d’étudier ces pratiques.

Le lâcher d’insectes stériles

Il s’agit de stériliser des insectes mâles et de les relâcher dans l’environnement. De cette manière, les insectes femelles de cette même espèce ont une possibilité importante de rencontrer un mâle stérile, ce qui va réduire le nombre de ravageurs.

C’est de cette manière que la population de lucilies bouchères, une espèce de mouche carnivore qui s’attaque au bétail a pu être contrôlée du Nord des Etats-Unis jusqu’au Panama depuis les années 1950.

La confusion sexuelle

Cette méthode se base sur l’utilisation de médiateurs chimiques. Ce sont des molécules qu’utilisent les insectes et les plantes pour communiquer, que l’on appelle les phéromones ou kairomones.

Elle est utilisée pour combattre l’eudémis, un parasite qui ravage les vignobles.

L’introduction de prédateurs

Ici, on peut prendre pour exemple la coccinelle asiatique qui se nourrit de pucerons. Elle a été importée vers la fin des années 1980 en Europe et aux Etats-Unis pour la lutte biologique.

Les trichogrammes, sont également répandus pour lutter contre la pyrale du maïs.

L’utilisation de micro-organismes

Ils peuvent prendre la forme de bactéries comme le Bacillus thuringiensis ou Bt. Ce traitement est notamment utilisé contre certaines espèces de chenilles ou de coléoptères, et il est l’un des biopesticides les plus utilisés à travers le monde.

Les inconvénients et limites du biocontrôle

Le biocontrôle est-il efficace et sans danger, pour l’homme et pour l’environnement ?

Tout d’abord, des résistances peuvent apparaitre, qui sont d’autant plus probables lorsque la surface traitée est grande. Certaines espèces comme la chenille femelle Adoxophyes orana peut arriver à modifier son bouquet hormonal pour contrer la confusion sexuelle.

Autre limite que l’on peut souligner : l’introduction de prédateurs peut s’avérer néfaste s’ils deviennent invasifs et/ou compétiteurs de la faune naturelle, comme la coccinelle asiatique.

Ensuite, ce n’est pas parce que le composé est naturel qu’il n’est pas toxique. La bactérie Bacillus thuringiensis est présente dans le sol, l’eau l’air… Pourtant, cette étude réalisée sur des rats a mis en évidence les modifications sur leur foie leurs reins lorsque la bactérie était contenue dans leur régime alimentaire.
Même constat pour certaines substances d’origine végétale. La nicotine est certes une substance naturelle, mais son utilisation en tant que biopesticide a été interdite il y a plus de 30 ans.

Le biocontrôle est-il une solution économique ?

Ce n’est pas parce qu’une solution est naturelle qu’elle est aussi plus économique. Ainsi, l’usage du phosphate ferrique, agent de biocontrôle pour la lutte contre les limaces, est plus cher que son équivalent de synthèse le métaldéhyde.

Cela s’explique par de plus faibles quantités produites, et la nécessité de répandre davantage de produit naturel pour obtenir des résultats similaires.

Cependant, pour quantifier précisément cet impact, il faudrait être capable de mesurer les coûts des différentes externalités de ces pratiques, par exemple leur capacité réciproque à préserver l’équilibre des sols.

Malgré ses limites, le biocontrôle reste une pratique qui intéresse les pouvoirs publics.

Le soutien de l’Etat au développement du biocontrôle

Le plan d’actions sur les pesticides

Depuis 2018, l’Etat a mis en place un plan d’actions sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides.

Le troisième volet de ce plan d’action met l’action sur la recherche d’alternatives aux pesticides. En ce sens, les pouvoirs publics souhaitent soutenir le développement du biocontrôle, via par exemple :

  • l’amélioration du processus d’homologation des produits de biocontrôle (notamment en raccourcissant les délais et en simplifiant les procédures) ;
  • la reconnaissance au niveau européen des produits de biocontrôle et de la simplification de procédures dans le cadre de la révision du règlement 1107/2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.

Le plan Ecophyto II+

Ce plan d’actions s’inscrit dans le cadre plus large du plan Ecophyto II+.
Il répond à la directive européenne 2009/128/CE instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.

Cette directive prévoit que les États membres adoptent des plans d’actions pour réduire les risques et les effets de l’utilisation des pesticides sur la santé humaine et l’environnement, et prévoit aussi « d’encourager l’élaboration et l’introduction de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et des méthodes ou des techniques de substitution en vue de réduire la dépendance à l’égard de l’utilisation des pesticides. »

Ainsi, le plan Ecophyto II+ promeut « la reconnaissance et la diffusion des produits de biocontrôle et des préparations naturelles peu préoccupantes », encourage la recherche et l’innovation, accompagne les agriculteurs dans la transition, entre autres.

Des résultats en-deçà des objectifs

Selon ce rapport de la Cour des comptes en date de février 2020, les plans Ecophyto dont le premier date de 2009 n’ont jusqu’à présent pas atteint leurs objectifs.

Malgré la mobilisation d’environ 400 millions d’euros de fonds publics en 2018, les résultats ne sont pas à la hauteur. Pire, les quantités de produits phytopharmaceutiques vendues ont augmenté de 21% entre 2017 et 2018.

Le biocontrôle pour repenser la protection des cultures

Passer à une stratégie de biocontrôle nécessite de redéfinir notre approche de l’agriculture.

On ne substitue pas facilement un produit conventionnel à un produit de biocontrôle car le mécanisme n’est pas le même. Ce dernier s’emploie davantage comme un traitement de fond, ses effets sont décuplés en tant que traitement préventif et non curatif.

Il faut donc appréhender l’exploitation agricole dans son ensemble et réfléchir à une stratégie globale pour obtenir des résultats efficaces au niveau des agents pathogènes, et, à terme, au niveau de l’équilibre des sols.

Les contextes réglementaire et sociétal concourent au développement des produits de biocontrôle dans les pratiques agricoles.

Cette dynamique est encouragée par la recherche, notamment par l’INRAE, pour développer les solutions de biocontrôle et étudier leurs impacts sur la santé et l’environnement, afin de proposer, à terme, une agriculture alliant durabilité et compétitivité.

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