C’est déjà en cours : la 5G est déployée en France. Une 5G qui respecte les budgets carbone et énergie du numérique, est-ce possible ? Voici quelques pistes de réflexions.
Après s’être partagé les bandes de fréquences en septembre 2020, les opérateurs téléphoniques ont commencé, en 2021, le déploiement de la 5G. La 5G, pour “5ème génération de téléphonie mobile », offre un meilleur débit et un temps de latence bien inférieur à ceux de la 4G. Son déploiement est justifié par le risque de saturation qui guette les réseaux téléphoniques, face à l’augmentation des usages.
Le numérique, un secteur en pleine croissance
Le numérique est un secteur en pleine croissance et la 5G constitue un bon cas pratique. Selon une étude publiée par le Shift Project, le secteur du numérique croît de 6% par an. Cette croissance mènerait à un doublement de la consommation d’énergie d’ici à 2030. La 5G aura un rôle prépondérant dans cette croissance. En effet, le passage à la 5G demandera le renouvellement de tout le parc des smartphones. On attend un milliard de smartphones supplémentaires en 2025 par rapport à aujourd’hui.
La 5G va développer de nouveaux usages comme celui des objets connectés. On estime qu’il y a 10 milliards d’objets connectés aujourd’hui et qu’il y en aura 30 milliards d’ici 2030. La fabrication, l’utilisation et le recyclage de ces objets a un fort bilan carbone et énergétique. L’essor de ces objets connectés, ainsi que l’augmentation des usages mobiles et la consommation croissante de vidéos vont également provoquer une forte augmentation du trafic de données. Selon les estimations, le trafic de données pourrait augmenter de 30 à 59% d’ici 2026. Cela va entraîner une consommation accrue d’énergie.
Pourtant, si on veut espérer limiter le réchauffement climatique à 2°C d’ici 2100, il faut que chaque secteur diminue ses émissions de 5% par an et le numérique n’échappe pas à la règle ! Un déploiement de la 5G qui respecte les engagements climatiques est-il possible ? Construire une gouvernance numérique adaptée et efficace est-ce envisageable ? Le gouvernement français a décidé de déployer cette technologie sans appliquer de moratoire ou d’études préalables sur les impacts environnementaux de la 5G. Pourtant, il n’est pas trop tard pour un déploiement raisonné de la 5G. Nous vous donnons plus de précisions.
Évaluer la pertinence de la 5G et de certains usages
Comme l’expliquent les auteurs de l’étude du Shift Project, il s’agit d’évaluer la pertinence d’une nouvelle technologie comme la 5G et des nouveaux usages qu’elle permet. Dans un contexte de budget carbone serré, on ne peut pas se permettre de développer de nouvelles technologies juste parce qu’on en est capables. Les nouvelles technologies déployées doivent nous être nécessaires.
Pour évaluer la pertinence d’une technologie, on peut s’imaginer une balance avec du côté du négatif, les coûts environnementaux et du côté du positif, les avantages sociétaux et les opportunités pour la transition énergétique. L’avantage sociétal s’évalue en se demandant si la technologie est réaliste et où l’infrastructure sera nécessaire. Si on prend l’exemple de la télé-chirurgie qui a beaucoup été cité dans le débat sur la 5G, on peut se demander si c’est réaliste aujourd’hui de se faire opérer chez soi, de quel robot chirurgien on aura besoin et où ces robots devront-ils être déployés. Une fois que l’on a complété la balance, on regarde l’impact net. Pour décider de déployer une technologie, il faut que cet impact net soit positif. Il faudrait réaliser cette évaluation systématiquement, pour chaque technologie.
Des solutions pour une gouvernance raisonnée de la 5G
Compter sur l’augmentation de l’efficacité énergétique, est-ce suffisant ?
L’efficacité énergétique c’est parvenir à consommer moins d’énergie tout en réalisant la même action. On pourrait se dire qu’augmenter cette efficacité énergétique pourrait suffire à diminuer le bilan carbone de la 5G. Les équipements sont de plus en plus performants. Cela permettrait-il au numérique de respecter les engagements climatiques de la France ? L’efficacité énergétique augmente effectivement : entre la 4G standard et la 4G d’aujourd’hui, les gains énergétiques ont été multipliés par 2 et ils sont multipliés par 10 lorsque l’on change de génération.
Mais il ne faut pas confondre le gain énergétique sur un équipement et le gain énergétique sur le réseau. Un équipement fonctionne de façon optimale lorsqu’il est à saturation. Or, les équipements téléphoniques fonctionnent à 15-20% de leur capacité. Cela réduit les gains énergétiques. A cela s’ajoute que plus on augmente la fréquence des ondes et plus la puissance diminue, la portée est moins grande. Il va donc falloir densifier le réseau avec la 5G, multiplier les équipements. Si les équipements consomment moins mais qu’ils sont en plus grand nombre, on n’observe pas de gain énergétique. Les auteurs de l’étude du Shift Project concluent en effet que l’efficacité énergétique des équipements téléphoniques progresse vite. Mais elle progresse à un rythme insuffisant pour contrebalancer l’augmentation du trafic de données.
3 grands axes pour une 5G raisonnée
Les auteurs de l’étude du Shift Project font trois constats quant à la gouvernance actuelle de la 5G. Ils proposent, ensuite, 3 solutions pour y remédier.
Le premier constat est qu’il existe un débat politique mais qu’il est polarisé. Pour y répondre, il faudrait mettre en place une gouvernance concertée impliquant les pouvoirs publics, les régulateurs, les acteurs économiques et la société civile. Au niveau des territoires, il faudrait donner aux élus la possibilité d’organiser la concertation du public pour identifier les besoins. Ensemble, les différents acteurs de la collectivité pourront s’accorder sur un déploiement. Au niveau européen, il faudrait développer des organes de gouvernance cohérents à l’échelle de l’Union Européenne.
Le deuxième constat est que les trajectoires de déploiement ont besoin d’une vision opérationnelle. En réponse, il faut créer des modèles opérationnels, technologiques et économiques soutenables. Cela passe, par exemple, par l’allongement de la durée de vie des appareils, la valorisation de la seconde main, éviter les vidéos automatiques ou le streaming en continu, baisser la qualité des vidéos. Concernant ce dernier point, l’Arcep (l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes française) avait demandé à certaines plateformes de streaming de diminuer la qualité des vidéos pour faire face à l’augmentation de trafic due au premier confinement. Cette baisse de qualité n’avait entraîné aucune plainte des utilisateurs et avait permis de soulager le réseau.
Le dernier constat est un besoin de réfléchir quantitativement. Il faudrait développer les outils et méthodologies d’un pilotage du numérique. Tout d’abord, il faut fixer des objectifs pour le numérique en accord avec la trajectoire des 2°C. Puis, il faut développer des outils d’évaluation de l’impact carbone et énergétique du numérique. Finalement, il faut mettre au point des outils de suivi qui permettent de mesurer l’efficacité d’une gouvernance du numérique et de l’ajuster pour atteindre les objectifs.
Voir aussi :
Quel est l’impact environnemental de la 5G ?
Photo de James Yarema sur Unsplash