L’égalité de traitement entre les hommes et les femmes sur le marché du travail est consacrée par la loi française, mais aussi européenne (directive 2006/54/CE). Aucun salarié ou agent public ne peut être discriminé au travail en matière d’embauche, de formation, de salaire… Néanmoins, la loi autorise des différences de traitement sous certaines conditions.
En France, les femmes gagnent en moyenne 24,4% de moins que les hommes. Si une grande partie de cet écart s’explique par quelques variables bien documentées, le travail à temps partiel, le niveau de responsabilité du poste occupé ou encore le secteur choisi, il subsiste un écart de 4,3% qui reste inexpliqué selon l’Insee. Doit-on y voir une mesure de la discrimination salariale entre hommes et femmes ?
Les nombreux chiffres communiqués autour des inégalités salariales peuvent porter à confusion. Cette étude de l’Insee parue en 2023 à partir de chiffres de 2021, portant sur les salariés du secteur privé en France métropolitaine, apporte un éclairage.
Les écarts salariaux expliqués et inexpliqués
24,4% d’écart de salaire : l’effet du temps de travail
C’est la différence de salaire entre un homme et une femme du secteur privé, en 2021, quel que soit le volume horaire, le secteur ou le poste occupé.
On peut notamment l’expliquer par le temps de travail : les femmes sont plus souvent à temps partiel, et moins souvent en emploi dans l’année. En France, en 2022, plus d’une femme sur quatre travaille à temps partiel (26,7 %) contre moins d’un homme sur dix (7,5 %) selon la Dares.
Voir aussi : Temps partiel et inégalités hommes/femmes : quels liens ?
14,8% d’écart de salaire : l’effet du poste occupé
Pour un temps de travail égal (on parle d’EQTP pour équivalent temps plein), les femmes gagnent 14,8% de moins que les hommes, toujours dans le secteur privé.
Cela signifie notamment que les femmes exercent des métiers moins bien rémunérés que les hommes. Les métiers d’agent d’entretien, d’enseignant et d’aide-soignant emploient à eux seuls un cinquième des femmes salariées. De plus, elles évoluent moins dans la hiérarchie, ce qui leur offrirait pourtant de meilleurs salaires.
Voir aussi : Comprendre les inégalités hommes-femmes au travail : salaires, stéréotypes, responsabilités…
4,3% d’écart de salaire : les autres variables
C’est l’écart de salaire pour un même temps de travail et à poste comparable, c’est-à-dire la même profession chez le même employeur.
Cet écart « toutes choses égales par ailleurs » reste inexpliqué par l’Insee. C’est le chiffre qui se rapproche le plus d’une mesure de discrimination salariale en raison du sexe. Pour autant, il ne peut réellement s’interpréter comme tel car il n’est pas corrigé de différences de caractéristiques comme l’expérience, l’ancienneté dans l’entreprise ou encore le diplôme, susceptibles de biaiser à la hausse comme à la baisse l’estimation de l’écart de salaire moyen à poste égal.
On parle de discrimination salariale fondée sur le sexe lorsqu’un homme et une femme ne touchent pas le même salaire pour un travail de valeur égale. Mais justement, qu’est-ce que cela signifie ?
Qu’est-ce qu’un travail de valeur égale ?
Dans la loi (article L3221-4 du Code du Travail), des travaux sont considérés comme ayant une valeur égale s’ils exigent un ensemble comparable de connaissances et de compétences professionnelles. Les diplômes, les pratiques professionnelles, l’expérience acquise, le niveau de responsabilité ou encore le degré de charge physique ou nerveuse lié au poste de travail sont pris en compte. La notion de « valeur égale » ne se limite donc pas à des activités professionnelles similaires, mais peut s’étendre à des métiers totalement différents.
Ainsi, un travail égal suppose des conditions d’exercice strictement identiques, mais c’est rarement le cas en raison de la multiplicité des critères qui entrent en compte. Le principe d’égalité de traitement n’interdit donc pas toute différenciation entre salariés effectuant un même travail ou placés dans une même situation. Certaines différences de traitement sont possibles « lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée » (article L1133-1 du code du travail).
L’employeur a donc la possibilité d’appliquer des rémunérations différentes à des salariés ayant le même intitulé de poste, du moment qu’elles sont fondées sur des « critères objectifs ». Ces critères peuvent être fixes (la correspondance du poste avec un coefficient prévu par une grille de classification interne par exemple) ou variables (les missions effectuées en réalité, l’importance des responsabilités, la différence de diplôme, l’ancienneté dans l’entreprise…).
L’absence de justification objective : la discrimination salariale pure
On peut parler de discrimination salariale à partir du moment où la différence de traitement entre deux salariés effectuant un même travail ou placés dans une même situation au sein d’une même entreprise ne se base plus sur des critères objectifs, mais sur des motifs personnels et illégitimes. Ils sont précisés dans le code du travail (articles L1132-1, L1132-2 et L1132-3). Il peut s’agir de l’origine, du sexe, de l’âge, de la situation de famille, d’une situation de grossesse, de l’appartenance vraie ou supposée à une religion ou à des opinions politiques par exemple.
En principe, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal », de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération. Il doit notamment prouver que le travail exercé par les deux personnes est tout à fait égal. La complexité réside donc dans la preuve. Le juge apprécie la réalité des éléments invoqués, et leur pertinence.
Les obligations de l’employeur en matière d’égalité hommes/femmes
La loi du 5 septembre 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel s’attèle notamment aux inégalités salariales entre les hommes et les femmes. Elle stipule que l’employeur doit prendre en compte un objectif de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Concrètement, dans les entreprises qui comptent au moins 50 salariés, l’employeur doit publier chaque année des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer : c’est l’index de l’égalité professionnelle.
Un décret d’application datant du 8 janvier 2019, portant application des dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise précise les modalités de calcul et d’évaluation des indicateurs. En fonction du niveau de cet index, il doit mettre en place des mesures correctives, et, le cas échéant, un plan de rattrapage salarial. À défaut, il peut se voir appliquer une pénalité financière.
Espérons que cet index atteigne ses objectifs et contribue réellement à lutter contre les inégalités salariales entre hommes et femmes.
Photo de Mathieu Stern sur Unsplash