L’effacement énergétique : c’est quoi ? Décryptage d’une stratégie pour maintenir l’équilibre entre la production et la consommation d’électricité, essentiel pour un réseau électrique efficace.

C’est une question que l’on se pose rarement tant on est habitué à ce qu’elle soit toujours là, à la demande, dès que l’on appuie sur l’interrupteur. Comment se fait-il que l’électricité ne vienne jamais à manquer, qu’il n’y ait jamais de panne ? Est-ce qu’on produit exactement la même quantité d’électricité que ce que l’on consomme ? 

La consommation d’électricité est très variable. Pour s’en rendre compte, il suffit de se rendre sur le site Eco2mix de RTE qui suit la consommation française en temps réel. La consommation est très basse la nuit puis connaît un premier pic vers 8h alors que la population se réveille et se rend sur son lieu de travail. Il y a un deuxième pic vers 12 h et un autre vers 19h. La consommation dépend aussi beaucoup de la température. Si la température diminue de 1 degré, la consommation française va augmenter de 2400 MW en moyenne, ce qui correspond environ à la consommation de Paris intra-muros. 

À chaque instant, la production d’électricité doit impérativement être égale à la consommation, sous peine de panne ou de détérioration du réseau électrique. Maintenir cet équilibre entre consommation et production est également un enjeu important dans le cadre de la transition énergétique. En effet, les énergies renouvelables sont intermittentes, c’est-à-dire que la production peut varier fortement, entre le jour et la nuit pour les panneaux solaires par exemple. Alors, comment maintenir le réseau électrique à l’équilibre ? L’effacement peut-être une solution. Explications. 

Effacement, importations… : les différentes stratégies pour maintenir le réseau électrique à l’équilibre

En France, c’est RTE (Réseau de Transport d’Électricité) qui gère notre réseau électrique. Pour un gestionnaire de réseau électrique, confronté à un pic de demande en électricité, trois grandes solutions sont possibles (et parfois complémentaires) :

  • Faire appel aux autres pays pour importer de l’électricité. C’est ce que fait le Danemark avec la Norvège, par exemple, pour compenser l’intermittence de ses éoliennes. Cette solution dépend de la bonne entente entre les pays et du fait que les pays voisins ne sont pas eux aussi en manque d’électricité ;
  • Augmenter la production d’électricité. Cela peut être fait en France avec les centrales nucléaires, à l’échelle de plusieurs jours. On peut aussi mettre en route des moyens supplémentaires de production électrique comme des centrales au gaz, au fuel ou au charbon. C’est ce que font l’Allemagne et la Belgique par exemple ;
  • Réduire la consommation de certains acteurs via un processus automatique d’ « effacement de consommation » : c’est une solution écologique et économique, mais qui peut contraindre certains usages. 

Qu’est-ce que l’effacement de consommation ?

Derrière ce mot mystérieux qui semble sorti d’un film de science-fiction, se cache un mécanisme utile pour garder son réseau électrique à l’équilibre. L’effacement de consommation, c’est un contrat passé entre le fournisseur d’énergie et le consommateur. Celui-ci s’engage à baisser sa consommation à certains moments correspondant à des pointes de consommation. Le consommateur est rémunéré en échange et s’il ne respecte pas le contrat, il peut recevoir une pénalité. 

Le pilotage contractualisé de la charge

L’effacement peut se pratiquer dans plusieurs cas. Lorsque le contrat est passé avec un grand consommateur, on appelle cela le pilotage contractualisé de la charge. Le client autorise l’opérateur extérieur ou le fournisseur à modifier sa consommation d’électricité. Par exemple, en voyant approcher une pointe de consommation, le fournisseur peut couper l’alimentation électrique d’une usine pour un court laps de temps. Couper l’électricité une dizaine de minutes dans une aciérie, par exemple, ne laissera pas le temps aux fours de refroidir grâce à leur grande inertie. Cela n’impacte pas le fonctionnement de l’usine mais permet de lisser la courbe de consommation.

L’incitation tarifaire

L’effacement peut aussi concerner les particuliers par des mécanismes incitatifs. C’est ce que l’on appelle l’incitation tarifaire. Le fournisseur d’électricité incite ses clients à consommer à certains moments où la consommation générale est faible. C’est par exemple le tarif heure creuse/heure pleine. Bien que cette disposition soit bénéfique, c’est plutôt le pilotage contractualisé de la charge qui est garant de l’équilibre offre-demande. C’est l’industrie (notamment la métallurgie, la mécanique, la chimie et l’industrie du papier) qui a le plus grand potentiel d’effacement de consommation. 

Le rôle de l’agrégateur d’effacement

Pour organiser l’effacement à l’échelle nationale, on a besoin d’agrégateurs. Les agrégateurs d’effacement sont des acteurs spécialisés qui regroupent des capacités d’effacement auprès des consommateurs individuels (les entreprises). Ils créent une « centrale virtuelle » qu’ils contrôlent depuis un poste central. En France, c’est RTE qui s’en charge principalement. Ils ont besoin d’informations sur la production d’électricité, la consommation et le marché de l’énergie. RTE est capable de prévoir la consommation française un jour à l’avance avec une bonne précision. Face à une pointe de consommation d’électricité, l’agrégateur décide d’effacer certaines consommations pour lisser la consommation et maintenir l’équilibre offre/demande. Par exemple, il coupe l’alimentation électrique d’une sidérurgie et coupe le chauffage dans une entreprise pendant un pic de consommation. RTE a passé un contrat avec 22 industriels, parmi les plus gros consommateurs du pays. “Effacer” leur consommation permet de gagner 1500 MW, soit la puissance d’un gros réacteur nucléaire. 

En quoi l’effacement de consommation est-il écologique ?

L’effacement est d’une certaine façon un mécanisme de sobriété. En réduisant les pics de consommation, il peut permettre d’éviter la construction de nouveaux moyens de production d’énergie pilotables, souvent polluants comme les centrales à charbon. C’est aussi une réponse à la difficulté de stocker de l’énergie pour l’utiliser plus tard. En effet, cela réduit les besoins de grands parcs de batteries pour stocker les surplus d’énergie. L’effacement est donc un moyen de compenser l’intermittence de la production à partir d’énergies renouvelables (solaire, éolien, etc.). On peut imaginer que, voyant venir un jour de mauvais temps et donc de faible production solaire, l’agrégateur décidera “d’effacer” la consommation de plusieurs usines. L’effacement permet tout cela sans sacrifier le confort des ménages et la production des entreprises

Effacement, équilibre du réseau et transition énergétique

Les mécanismes comme l’effacement de consommation vont jouer un rôle de plus en plus important dans les prochaines années. Tout d’abord le changement climatique et la multiplication des évènements climatiques extrêmes vont entraîner une augmentation de la variabilité de la consommation. Ensuite, dans le cadre de la transition énergétique, l’effacement va faciliter l’intégration des énergies renouvelables en permettant de pallier leur intermittence. Il permettra aussi une diminution de la consommation d’électricité et de faire face à de nouvelles pointes de consommation dues à de nouveaux usages comme l’utilisation des véhicules électriques. 

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Photo par Matthew Henry sur Unsplash

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