Pierre angulaire des politiques de décarbonation, le secteur privé peine dans son ensemble à réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, certaines entreprises y arrivent. Une récente étude de l’Imperial College Business School à Londres tente d’expliquer pourquoi.

La COP28 s’est conclue dans la nuit du 13 décembre 2023 avec un texte considéré par certains comme “historique”, puisque les pays se sont accordés pour la première fois sur le sort des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz) et appellent à une “transition” progressive hors de cette dépendance. Aucune précision cependant sur une date de sortie des énergies fossiles, sur des objectifs chiffrés, et surtout pas d’obligation pour les pays de réaliser cette transition, in fine, c’est un petit message lancé aux marchés.

Pourtant, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en grande partie issue de l’extraction et de la combustion des énergies fossiles, est une priorité pour respecter les engagements fixés lors de l’Accord de Paris et d’éviter d’atteindre les 1,5°C, et ne surtout pas dépasser le seuil critique des 2°C en moyenne par rapport aux valeurs pré-industrielles. 

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De nombreux pays déploient déjà des ressources pour transformer les grands secteurs polluants de la mobilité, de l’agriculture ou de l’énergie. Là où l’État peut avoir une influence. On observe par exemple en France de vastes projets d’énergie renouvelables tels que les éoliennes en mer, ou des aides à l’achat de véhicules électriques. Des investissements structurels mais dont la portée reste limitée pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

La zone grise actuelle concerne avant tout les entreprises. Les politiques environnementales dans le monde sont parfois volontaires et généralement peu contraignantes pour les entreprises. La plupart des entreprises ratent encore complètement les objectifs de décarbonation. Mais pour une minorité d’entre elles, leur trajectoire de réduction des émissions de GES est en accord avec les engagements de la COP21. Une récente étude publiée par l’Imperial Business School dans la revue Nature Communications tente de comprendre les raisons de cette réussite.

Que doivent faire les entreprises pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ?

La transformation progressive des activités d’une entreprise est indispensable pour ces dernières, puisqu’elle permet de réduire les risques d’approvisionnement des matières premières, liés aux risques climatiques ou aux déséquilibres géopolitiques. 

Néanmoins, la crise écologique n’est pas encore prise au sérieux par la plupart des entreprises. Malgré certains efforts et la mise en vigueur de politiques de décarbonation de la part de ses entreprises, la grande majorité d’entre elles restent en dehors des objectifs de réduction des GES. En 2020, sur 13 600 grandes entreprises, seulement 19% d’entre elles (2500) ont une trajectoire en accord avec l’Accord de Paris. Mais alors qu’est-ce qui les différencie ? 

Car outre les efforts et les ressources déployées par les entreprises, c’est aussi la stratégie mise en place par ces dernières qui a une influence sur la réussite ou non de la décarbonation. C’est du moins la conclusion de l’étude de l’Imperial Business School. Seule une petite frange d’entre elles a une trajectoire de réduction de leurs émissions en accord avec les objectifs de la COP21.

Les chercheurs se sont concentrés sur une base de données conséquente de 26 944 actions de durabilité mises en œuvre par plus de 1900 entreprises présentes dans les secteurs polluants de l’énergie, l’industrie, des matériaux et des services.

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Les entreprises qui investissent massivement dans le développement d’innovations sociales et technologiques dans leur secteur respectif, notamment en matière de coopération, de production de nouveaux produits ou services bas carbone, dans une nouvelle forme de communication, réussissent plus facilement à réduire leurs émissions de CO2. Ces entreprises portent en outre une attention toute particulière à leur chaîne de production et au respect des normes sociales et environnementales de leurs fournisseurs. 

Au contraire, les entreprises qui ne changent pas drastiquement leur manière de fonctionner, mais qui décident plutôt de mettre en place des politiques d’adaptation de l’existant (production, gouvernance, relations) aux risques écologiques, sont loin des objectifs de réduction des GES.

Ces politiques d’atténuation permettent à court et moyen terme de réduire l’impact du changement climatique sur leurs activités. Et après ? Les entreprises ont des difficultés à réduire leurs émissions de GES, ce qui participe à aggraver la crise actuelle, ce qui aura un impact négatif plus important dans le futur sur les entreprises. Le cercle vicieux s’entretient seul. 

La fin du volontarisme pour les entreprises ?

La date limite pour atteindre la neutralité carbone arrive dangereusement. Il ne reste que 25 ans aux pays pour transformer drastiquement un système complètement dépendant aux énergies fossiles.

Le secteur privé, en tant que pierre angulaire des politiques de décarbonation des pays, est pour le moment relativement épargné par des politiques environnementales contraignantes. Car pour le moment, dans la majorité des cas rien n’oblige les entreprises à mettre en place des stratégies de réduction de GES. Les politiques volontaristes sont priorisées par les pays pour ne pas brusquer les entreprises.

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De nombreux outils (CSRD, taxonomie, bilans carbones…) sont cependant fabriqués au sein même d’institutions privées comme publiques afin de pousser les entreprises à reconnaître la pertinence des stratégies de décarbonation pour leurs activités.

Un jeu d’équilibriste pour faire cohabiter la protection de l’environnement et le maintien d’un système économique actuel pourtant lui aussi à l’origine de la crise écologique.

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