Chaque mardi, Youmatter vous informe sur l’actualité RSE en brèves. Cette semaine, on se penche sur les dessous de fabrication de la marque préférée des français, Décathlon et selon l’enquête de Disclose et Cash Investigation, c’est très loin des promesses RSE du groupe, on parle aussi des suites du scandale des eaux minérales de Nestlé qui éclabousse jusqu’à l’Elysée…et du nouvel épisode du feuilleton de la révision de la CSRD. Cette fois, c’est le cœur du texte, la double matérialité, qui est visé.
👕En dormance depuis la dissolution, le projet de loi sur la fast fashion voté en 2024 à l’Assemblée nationale sera finalement examiné par le Sénat le 26 mars ! Elle sera portée par Sylvie Valente Le Hir, sénatrice de l’Oise apparentée au groupe Les Républicains.🛢️TotalEnergies a distribué 15,7 Mds $ aux actionnaires à travers des dividendes et rachats d’actions pour l’exercice 2024. En revanche, seuls 3,9 Mds ont été investis dans sa branche électricité (solaire, éolien et gaz), note Reclaim Finance. L’ONG y voit le signe que la transition est « le parent pauvre de la stratégie climat de TotalEnergies ». La production d’énergie à partir d’hydrocarbures (pétrole et gaz) continue en effet de représenter près de 97,4% de la production d’énergie globale.💰Le carbone, ça rapporte. En tout cas pour Elon Musk. Selon les derniers résultats de Tesla, la marque automobile du milliardaire a engrangé un montant record de 2,8 Mds $ de crédits carbone en 2024. Une manne issue des constructeurs automobiles, notamment européens, qui compensent ainsi le fait de ne pas avoir assez basculé leur production vers l’électrique. 📣Un ancien salarié de Véolia qui s’était fait harceler et licencié pour avoir voulu dénoncer la violation de normes environnementales mettant en danger les salariés et la population s’est vu reconnaître son statut de lanceur d’alerte et l’illégalité de son licenciement. Une « étape importante dans la protection des lanceurs et lanceuses d’alerte » selon La Maison des Lanceurs d’alerte. 🌊La France devient le deuxième pays européen (après l’Espagne) à ratifier le Traité sur la haute mer. Pour que celui-ci entre en vigueur, il faut cependant un minimum de 60 Etats…43 pays manquent encore à l’appel. 🚜Si 80% des 83 chambres d’agriculture restent aux mains de la FNSEA et des JA, la coordination rurale, qui s’est illustrée ces derniers mois dans la contestation agricole et le refus des normes environnementales, fait une percée remarquée à l’occasion des élections qui ont réuni 2,2 millions d’électeurs. Celle-ci revendique 14 chambres. La confédération paysanne n’en conserverait qu’une.

Le Medef offre au gouvernement une loi « clé en main » pour « accélérer l’économie »
C’est un projet « clé en main » et sur un plateau que livre le Medef au gouvernement. Mis en page comme un projet de loi (et donc porté par le gouvernement quand une proposition est portée par les parlementaires), il porte sur « l’accélération de l’économie française« . Objectif selon le patron du Medef, Patrick Martin : « faire réussir la France et enrayer son décrochage » en avançant » avec la même vitesse, la même agilité et la même efficacité que celles dont l’Etat a fait preuve lors de la reconstruction de Notre Dame ou l’organisation des JO ». Dévoilé par Contexte, il compte 13 mesures pour « Simplifier et accélérer les procédures; redonner un cadre prévisible, stable et efficace et attirer les projets d’investissements en France », selon le patron des patrons. Celui-ci prévoit notamment que « tout projet d’investissement privé supérieur à 100 millions d’euros soit considéré comme un projet d’intérêt national majeur » et à ce titre bénéficie de « procédures administratives accélérées, notamment en matière d’environnement et d’urbanisme »; que la réponse de l’administration ne dépasse pas 6 mois pour les autorisations environnementales et 2 mois pour l’urbanisme; de supprimer un degré de juridiction dans l’examen des recours, pour en « accélérer le traitement » ou encore d’exempter les projets ICPE du décompte de la ZAN. Sur le reporting ESG, il crée « le principe du « reportez une fois », afin de permettre aux entreprises de communiquer aux administrations les mêmes données une seule fois, notamment en matière de reporting environnemental ». Si le procédé – assumé – pose question, cela ne semble pas troubler le ministre de l’Economie, qui l’a qualifié d' »excellent » sur RTL. « Il y a au moins la moitié des propositions que nous pourrions reprendre », a assuré Eric Lombard. Sans préciser lesquelles.
Bad buzz et carton rouge pour Décathlon, une des marques préférées des Français.
Alors que l’enseigne de sport communique largement sur l’écoconception et l’importance de la responsabilité sociétale (RSE), ses conditions de fabrication sont mises en cause dans une enquête réalisée conjointement par Disclose et Cash investigation. « Salaires misérables au Bangladesh, travail d’enfants et trafic d’êtres humains en Chine (…) les principaux fournisseurs de Decathlon en Asie ont recours à plusieurs formes d’esclavage moderne. Ces conditions de production indignes sont la conséquence de la pression sur les coûts imposée par l’enseigne française à ses sous-traitants » , souligne l’enquête. Le groupe est aussi accusé se fournir auprès d’usines ou de producteurs de coton ayant recours au travail forcé de la minorité Ouïghours, opprimée par la Chine. Ce dont se défend Decathlon. Déjà en 2021, pourtant, le haut-commissariat de l’ONU aux droits humains avait écrit au groupe et à son fournisseur pour les questionner sur la présence potentielle de travail forcé dans leur chaîne d’approvisionnement. A lire ici.
Le scandale des eaux en bouteilles Nestlé camouflé par l’Etat ?
L’affaire des eaux en bouteilles de Nestlé Waters n’en finit pas de faire des remous. C’est désormais l’ex-gouvernement et jusqu’à l’Elysée, que le scandale éclabousse. Dans une enquête, Le Monde et la cellule investigation de Radio France révèlent que l’Etat a sciemment couvert les pratiques illégales du géant suisse, c’est-à-dire le traitement de plusieurs de ses eaux minérales avec des techniques de purification interdites pour ces catégories. Une commission d’enquête sénatoriale a été lancée. Pour sa vice-présidente, Antoinette Guhl (sénatrice écologiste de Paris), il s’agit d’une « affaire d’Etat dans laquelle des lobbys industriels contournent la réglementation » confie-t-elle à Libération. De son côté, Emmanuel Macron nie toute « connivence ».
Omnibus : la double matérialité sur la sellette
Le feuilleton de la bataille de la simplification/dérégulation européenne continue et c’est désormais le sort de la double matérialité qui est « à risque », selon Responsible Investors (RI). Le média spécialisé dit « comprendre » de ses entretiens avec différentes sources, que la Commission souhaiterait recentrer la CSRD sur la simple (et donc financière) matérialité, s’alignant de fait avec les normes internationales de l’ISSB. Le périmètre des entreprises concernées serait également revu et aligné sur celui de la CSDDD (devoir de vigilance), évinçant les entreprises de moins de 1000 salariés. Cela pourrait conduire à exclure 85% des entreprises initialement concernées. 11 points devraient également être revus concernant le devoir de vigilance. Les plans de transition sont particulièrement visés. La taxe carbone aux frontières devrait également être réformée via l’omnibus. Des positions relativement proches de la note française et des demandes du patronat (voir notre article ici). La présentation des premières lignes directrices pourrait également prendre du retard. Annoncées le 26 février, elles pourraient être repoussées en mars selon RI.
Omnibus (suite): nouvelle mobilisation des opposants au « choc de simplification »
Après la divulgation des intentions du patronat et des orientations de la Commission sur la compétitivité, des chercheurs, ONG mais aussi des investisseurs « responsables » se mobilisent de nouveau pour sauver les textes du Green Deal (et au-delà) qui obligent les entreprises à faire preuve de plus de responsabilité sociétale et environnementale. « Contrairement à ce que laisse entendre la rhétorique habituelle qui consiste à opposer réglementation et compétitivité, une telle dérégulation n’aidera pas l’Europe à bâtir son autonomie stratégique ni à relever les autres défis majeurs auxquels nous faisons face », soulignent les plus de 200 chercheurs réunis par le Veblen Institute dans une lettre ouverte. Au contraire si « L’Europe a pris tant de retard dans la décarbonation, par exemple, du secteur automobile, c’est au contraire parce que le cadre réglementaire était trop faible pour orienter l’industrie vers une trajectoire de transformation », estiment-ils. Une quarantaine d’ONG alertent elles sur le déni démocratique du processus de révision de ces textes. Elles alertent sur des consultations à huis clos très orientées business et un manque de consultation publique inquiétant pour un « choc de simplification » d’une telle ampleur. Quant aux investisseurs (plus de 200 réunis autour des PRI, Eurosig, IGGCC), ils disent soutenir le processus de simplification mais vouloir garder l’esprit des textes existants, « considérant l’importance de ces réglementations pour faciliter les investissements nécessaires » à « la croissance, la compétitivité et la durabilité ».
Fast fashion : Shein dans le viseur de la Commission européenne
Après Temu, c’est Shein qui est dans le viseur de la Commission européenne. Celle-ci a confirmé le lancement d’une enquête contre le géant chinois de l’ultra fast fashion. Celui-ci est soupçonné de ne pas suffisamment lutter contre la vente de produits illégaux qui ne respectent pas les normes européennes et donc de ne pas respecter le droit européen de la protection des consommateurs. Déjà, en juin dernier, la Commission européenne avait adressé une série de questions à Shein sur ce sujet. Selon Le Monde, l’entreprise « a promis de collaborer avec toutes les parties prenantes pour répondre aux préoccupations exprimées ». Si les infractions étaient avérées, ce seraient aux autorités nationales (la DGCCRF en France) de prendre des sanctions contre l’entreprise.
Commerce international : l’UE fait la chasse aux petits colis pour lutter contre les plateformes chinois ultra low cost
Alors que les colis des plateformes de commerce en ligne low cost, essentiellement chinoises, déferlent sur l’Europe, celle-ci veut mettre en place des « frais de traitement » pour les petits colis de peu de valeur, intensifier les contrôles et obliger les entreprises . Chaque jour, plus de 12 millions de colis entrent dans l’UE dont 91 % proviennent de plateformes chinoises comme Shein, Temu et AliExpress. C’est le double de 2023. D’une valeur de moins de 150 euros, ils étaient jusque-là exonérés de taxe douanières. Or de trop nombreux produits sont non conformes à la législation européenne voire dangereux, alerte la Commission. Avec des risques pour les consommateurs, des coûts croissants pour les douanes, un impact environnemental élevé sachant que beaucoup de ces colis sont acheminés par avion, et une concurrence déloyale pour les entreprises européennes. Outre Atlantique, les services postaux américains (USPS) ont aussi bloqué « jusqu’à nouvel ordre » les colis en provenance de Chine continentale et de Hong Kong.
Une contribution publique « massive » à la consultation citoyenne pour le plan national d’adaptation
La consultation publique sur le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC) a mobilisé une large participation citoyenne sur la plateforme, qui durant les deux mois de consultation, a été visitée 50 123 fois et a recueilli 5 965 réponses au questionnaire et 175 cahiers d’acteurs. Les contributions saluent les orientations du PNACC, mais appellent à aller plus loin, notamment en intégrant la trajectoire de réchauffement de référence (TRACC) dans l’ordre juridique français pour garantir la mise en œuvre effective des mesures. Les participants ont insisté sur la nécessité de protéger les populations vulnérables et de préserver la nature, tout en évitant les risques de mal-adaptation. Ils demandent également un soutien accru aux entreprises pour qu’elles identifient et préparent leurs stratégies face aux risques climatiques. Mais difficile de réaliser une telle transformation sans financements conséquents. C’est l’une des principales critiques que font les citoyens interrogés. « La quasi-totalité des contributions reçues s’inquiètent de l’absence de budget affiché pour les actions du PNACC et alertent sur la nécessité de renforcer le fonds vert et le fonds Barnier », explique le document de synthèse du Ministère de la Transition écologique. Ils demandent en outre la création d’un fonds spécial pour l’adaptation des zones littorales et la prévention des risques liés au retrait-gonflement des argiles. Les contributeurs réclament également une meilleure transparence sur le calendrier de mise en œuvre du PNACC, sur les décisions d’investissement, ainsi que des indicateurs précis pour suivre les progrès. Enfin, la synthèse pointe l’absence de mesures liées au genre, à l’habitat informel, ou à la justice climatique. Les enjeux de précarité alimentaire, de qualité de l’eau et des sols, ainsi que les impacts internationaux du changement climatique, doivent également être approfondis.
En savoir + : Que prévoit le plan national d’adaptation pour les entreprises ?
Malgré les lois, le handicap est toujours un frein à l’emploi
En 2005 la loi handicap, bouleversait l’approche du handicap en sortant des réponses spécifiques et silotées pour une approche de droit commun et d’inclusion dans le milieu « ordinaire ». 20 ans plus tard, les résultats sont pourtant plus que mitigés selon les CESE. « Si des progrès notables ont été réalisés, force est de constater que des carences persistent : fortes inégalités territoriales, recul d’ambition en matière d’accessibilité, manque de moyens, traduisant un effritement de la vision initiale » souligne un avis à paraître ce 11 février. Du côté de l’emploi, les associations spécialisées (Collectif handicap, Handicap France, Unapei) attendent encore des décrets comme celui permettant l’accessibilité des lieux de travail existants, jamais paru depuis 2005. La question des transports, notamment dans les milieux ruraux, reste également un impensé. La fusion entre Cap Emploi et France travail inquiète aussi les associations quant à l’accompagnement des personnes en situation de handicap tant les moyens semblent insuffisants. Aujourd’hui encore, 40 ans après la loi de 1987 fixant un objectif de 6% de personnes en situation de handicap dans les entreprises privées, la moyenne se situe à 3,6%. Et le handicap est toujours le premier facteur de discrimination dans l’emploi porté devant la Défenseure des droits.
Prospective : un site pour mieux comprendre les trajectoires Net Zero et leurs implications concrètes
Savoir anticiper, c’est essentiel. Mais pas toujours facile de comprendre les scénarii de transition énergétique proposés par les différentes institutions, leurs différences et leurs implications concrètes. Pour ce faire, le Shift Projet a imaginé un site ultra pédagogique avec l’Ademe et l’Association Negawatt. Il permet de synthétiser et de naviguer facilement à travers des questions et mots clés dans les Futurs énergétiques 2050 de RTE, le scénario NégaWatt 2022, les scénarii de Transition(s) 2050 de l’ADEME, le Plan de transformation de l’économie française du Shift Project et de la Stratégie nationale bas carbone 2. A consulter sans modération sur comprendre2050.fr .
Illustration: Canva