Les fissures qui parsèment les murs des habitations ne sont pas toujours dues à un manque d’entretien ou à des défauts lors de la construction. Un autre phénomène, appelé « retrait-gonflement des sols argileux (RGA) » peut lui aussi toucher fortement les structures légères, maisons individuelles, entreprises ou réseau routier. Dans les prochaines décennies, il est attendu qu’un nombre croissant de bâtiments soient touchés par des dégradations attribuables au RGA.

Qui est concerné par le retrait-gonflement des argiles ?

Sur l’ensemble du territoire, des habitats sont aujourd’hui concernés par le retrait-gonflement des argiles. La dernière cartographie du Ministère de la Transition écologique, publiée en juin 2021, souligne l’immensité du problème. Pas moins de 48,5% des maisons individuelles seraient concernées par le phénomène. C’est plus de la moitié (54,2%) des habitats individuels qui se trouve dans une zone d’exposition moyenne ou forte, soit plus de 10 millions de logements. Parmi ces maisons impliquées, près de la moitié d’entre-elles ont été construites après les années 1976. L’étalement urbain s’est donc fait en grande partie sur des zones à risques.

Mais la répartition des structures sensibles n’est pas égale en France. Le Nord, le Centre et le Sud-Ouest de la France vont être particulièrement atteints par le phénomène du RGA. Au contraire, la Bretagne et l’Auvergne Rhône-Alpes restent relativement épargnées.

[box] Carte interactive des risques de retrait-gonflement des sols argileux 

| Géorisques – Ministère de la transition écologique (georisques.gouv.fr)[/box]

La définition du RGA

Tous les sols sont sensibles au phénomène de retrait-gonflement. Les conditions météorologiques et la teneur en eau, les précipitations comme les périodes sécheresses, vont transformer le comportement des sols. Lors des périodes de sécheresses, ces derniers vont se rétracter compte tenu de la pénurie en eau, et se craqueler via le phénomène de « succion ». Puis, lorsque les sols se réhumidifient, les pressions de succion se réduisent, ils se gonflent et reprennent progressivement leur volume initial.

La particularité des sols argileux réside dans leur forte réponse aux aléas hydrologiques. L’argile devient dur et cassant lorsqu’il est sec, et particulièrement malléable lorsqu’il est humide. En France métropolitaine, et globalement dans l’ensemble des régions tempérées, seuls les premiers mètres (1 à 2 m) sont concernés par ces variations. Mais cela suffit la plupart du temps à détériorer les structures légères, plus vulnérables à ces événements.

Et le nombre de maisons en proies au phénomène de retrait-gonflement n’est pas prêt de diminuer. Le réchauffement climatique augmente les événements climatiques extrêmes, et donc les pressions sur les ressources en eau. Les sols connaissent des périodes de sécheresse, ou de surabondance d’eau de plus en plus violentes sur l’ensemble du territoire, aggravant les répercussions du RGA. Les structures déjà sensibles deviennent plus vulnérables et les zones d’exposition s’agrandissent et touchent un nombre toujours plus important de maisons. En 2017, seul 20,9% du territoire était estimés en zone de susceptibilité moyenne ou forte à partir des données de la BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières), pour les estimations de 2021, l’exposition était estimée à 48,8%, soit plus du double.

Quelles sont les conséquences du retrait-gonflement des argiles ?

Jusqu’à présent, les assureurs indemnisaient les dégâts liés aux sécheresses. Mais il se peut que dans les prochaines années, que cette situation change. Selon l’étude de France Assureur, entre 1989 et 2019, le coût cumulé des dégâts était proche des 14 milliards. Selon les nouvelles prévisions, le coût triplera afin d’atteindre 43 milliards d’euros sur la période 2020-2050. Il est attendu que cinq départements (la Haute-Garonne (23 %), la Gironde (19 %), les Bouches-du-Rhône, le Tarn-et-Garonne et le Tarn (8 %)) connaissent une hausse significative des sinistres en lien avec les sécheresses, à tel point qu’ils représenteront deux tiers des nouveaux incidents.

Fissuration des structures, désencastrement de la charpente, rupture des canalisations, déformations, décollement des enduis, affaissement des terrasses, les retombées du retrait-gonflement sont nombreuses, et surtout dangereuses pour les Français. Bien que le phénomène soit connu dans la littérature scientifique depuis plusieurs décennies, la compréhension et la gestion des dégâts attribués au retrait-gonflement sont encore incomprises et mal maîtrisées par les municipalités et les habitants.

Le RGA n’est pas qu’un problème matériel, c’est également une pression psychologique importante pour nombre de foyers ou d’entreprises qui doivent vivre avec des structures fragilisés, ou qui doivent les quitter le temps d’y effectuer des travaux de reconsolidation.

Comment réduire les risques ?

Des méthodes de prévention décrites par la Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (Dreal) Bourgogne-Franche-Comté existent afin d’éviter les pires scénarios. D’abord, en amont des constructions, la loi ELAN impose depuis 2019 « la réalisation d’études de sol préalablement à la construction dans les zones exposées au retrait-gonflement d’argile » afin de réduire les risques du retrait-gonflement.

D’autres méthodes plus subtiles permettent également la réduction des risques pour les maisons déjà construites. Cela peut impliquer d’éloigner des arbres dont les racines pourraient déformer les sols, limiter l’évaporation des sols, mettre en place des raccordements souples, ou rigidifier la structure existante…

Le Cerema (centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) propose quant à lui une nouvelle infrastructure de résilience intitulée MACH (MAison Confortée par Humidification). Le principe de la solution consiste à maintenir l’apport en eau des sols lors des périodes de sécheresse via un humidificateur qui diffusera l’eau de pluie récoltée et évitera le phénomène de succion de l’argile.