Et si 2017 était l’année à partir de laquelle la catastrophe climatique avait vraiment commencé ? Retour sur 5 événements majeurs qui montrent que le climat commence à être totalement hors de contrôle.

En 2017, on a beaucoup parlé de climat. Presque plus encore qu’en 2015 lors de la COP21 et de l’Accord de Paris. Les accords climatiques ont continué à avancer, mais sans Trump, les dirigeants de la finance mondiale se sont réunis au One Planet Summit, les entreprises ont de plus en plus parlé des science based targets en alignant leurs activités sur la science du climat.

Mais si 2017 a été une année significative pour le climat, c’est sans doute plutôt parce qu’elle a été l’année de tous les records climatiques. Et peut-être même l’année où le climat est devenu vraiment hors de contrôle. Pour comprendre en quoi cette année fut significative et particulièrement inquiétante, retour sur 5 phénomènes climatiques qui montrent que 2017 est une année charnière pour le climat.

1 – L’année la plus chaude jamais enregistrée sans El Nino

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2016 était l’année la plus chaude jamais enregistrée : près d’1 degrés au dessus des normes pré-industrielles (et jusqu’à 1.5 degrés au dessus en janvier, février et mars). Oui mais voilà : 2016 était particulière. Il y avait El Nino : ce phénomène climatique particulier observé au large des côtes ouest-américaines ayant la particularité d’intensifier l’augmentation des températures.

2017 est officiellement la seconde année la plus chaude jamais enregistrée, mais c’est en revanche l’année la plus chaude jamais mesurée sans El Nino. Les scientifiques s’attendaient à une baisse des températures par rapport à 2016 compte tenu de l’absence d’El Nino, mais en fait les températures n’ont pratiquement pas baissé et 2017 a continué à battre des records de chaleur. Ce constat est extrêmement significatif : il montre que les phénomènes de chaleur observés ces dernières années ne sont pas une coïncidence ou un événement climatique ponctuel. Le climat se réchauffe de plus en plus vite, de façon exponentielle même. Les océans n’absorbent plus le surplus de CO2 et de chaleur, et les « choses sérieuses » commencent vraiment pour le climat mondial.

Cette année, certaines parties du Sud-Est asiatique et du sous-continent indien sont véritablement devenus inhabitables à cause de la montée des températures. Rien ne pousse, les rendements agricoles baissent. Cette année, des températures record ont été enregistrées partout dans le monde : à Paris, il faisait plus de 15 degrés le 31 décembre, un record historique.

Au total, 17 des 18 années les plus chaudes jamais enregistrées ont eu lieu au 21ème siècle. La seule exception est 1998, avec son El Nino extrêmement puissant.

2 – L’une des années les plus denses en phénomènes cycloniques et tempête

Le résultat de ces températures exceptionnelles, c’est que 2017 a aussi été une année record en matières de cyclones, ouragans et tempêtes. On sait que le réchauffement climatique augmente la fréquence des cyclones et 2017 l’a prouvé : il y a eu l’année dernière 54 tempêtes sévères aux Etats-Unis. 17 tempêtes sévères sur l’Atlantique (dont plusieurs ont frappé l’Europe), 10 cyclones, dont 6 cyclones sévères.

Ces chiffres font de 2017 la 5ème année la plus intense en matière de tempêtes et de cyclones en Atlantique, derrière plusieurs années fortement marquées par El Nino. Ces événements ont causé la mort de près de 800 personnes, et coûté plus de 300 milliards d’euros.

Plus les températures augmentent, plus le risque de cyclone devient élevé. Cette année marque donc peut-être une nouvelle norme : celle d’une planète de plus en plus active au niveau cyclonique.

3 – Une année record pour les sécheresses… et les inondations

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En 2017, la sécheresse a marqué presque toutes les zones du monde : en Europe, ce sont la France, l’Espagne, le Portugal et l’Italie qui ont été particulièrement touchés, en Amériques, la Californie, le Montana, le Brésil, en Asie, ce sont l’Inde et la Chine. Dans ce pays, les officiels ont même qualifié la sécheresse comme la pire du siècle. Des phénomènes de sécheresse intense ont aussi été observés au Moyen-Orient, dans la corne de l’Afrique, en Australie… Bref, partout, même dans des pays qui traditionnellement ne manquent pas d’eau.

En conséquence, les productions agricoles ont baissé : en Italie, la production d’olives a baissé de 60% selon les premières observations de l’International Olive Council, pour les amandes, c’est 25%. En France, la production de vin a baissé de près de 20% à cause du réchauffement climatique et de la sécheresse, en Espagne, ce sont les citrons qui ont produit 30% de moins que d’habitude. Aux Etats-Unis, en décembre l’USDA estimait que 11% des cultures céréalières étaient affectées par la sécheresse. Bref, le manque d’eau affecte toutes les cultures.

Mais paradoxalement, ce manque d’eau n’existe pas partout. Certaines régions ont au contraire subi des pluies intenses et donc des inondations. C’est le cas notamment de l’Asie du Sud-Est, marquées par des inondations record qui ont affecté plusieurs millions de personnes au Bengladesh, au Pakistan. En Afrique c’est la Sierra Leone qui a été frappée, tout comme le Québec au printemps. En France, on observe de façon significative que les précipitations ont été intenses dans certaines zones (dans l’Ouest, le Nord, l’Ile de France) et très faibles dans certaines zones (Sud et Sud-Est). Résultat, certaines zones sont en sécheresse tandis que d’autres sont inondées. Et les inondations ne signifient pas forcément que le sol est nourri en eau : l’artificialisation des sols entraîne un ruissellement des eaux en surface. L’eau coule, se déverse, mais n’est pas absorbée. Résultat : en Aquitaine malgré de pluies près de 6% au dessus des normales saisonnières cet été, on observait des phénomènes de sécheresses un peu partout.

4 – Une année record pour les incendies

2017, c’était aussi l’année des incendies : les incendies du Portugal qui ont fait d’énormes dégâts, ainsi qu’en Californie, en Australie, en Corse… Des forêts de plus en plus sèches, des vents de plus en plus forts et secs à cause de températures plus élevées, des pluies faibles : voilà la recette parfaite pour une multiplication des risques d’incendies.

En Californie, la saison des feux de forêt a vu son intensité doubler par rapport à la moyenne. Il est encore difficile de mesurer les dégâts de ces phénomènes intenses et dangereux. Au Portugal, les incendies ont été si intenses que des groupes d’écoliers ont lancé une initiative pour intenter un procès aux Etats européens pour leur inaction face au réchauffement climatique.

5 – Des océans de plus en plus chauds et de plus en plus acides

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Enfin, dernier constat : en 2017 l’océan a atteint des taux d’oxygènes les plus bas jamais enregistrés. La température moyenne des eaux océaniques (en surface mais aussi en profondeur) a continué à augmenter, les taux de CO2 dans l’eau sont en augmentation et en conséquence, les eaux deviennent de plus en plus acides. Ce sont les résultats d’une étude publiée il y a quelques jour dans la revue Science.

Or tous ces facteurs conjugués constituent une menace extrême pour nos écosystèmes. La plupart des organismes marins ne sont pas adaptés à des conditions de température ou de Ph trop extrêmes. Le manque d’oxygène créé déjà des zones « mortes » dans les océans, ou plus aucune vie n’est possible.

De plus, en s’acidifiant et en se réchauffant, l’océan perd son pouvoir de tampon en matière de réchauffement climatique. Jusqu’ici une bonne partie du CO2 et de la chaleur en surplus sur terre était absorbée par les océans. Mais plus ces derniers se réchauffent et se chargent en CO2, moins ils absorbent : ils saturent. Lorsque certains seuils seront atteints, le CO2 et les températures atmosphériques augmenteront encore plus vite.

Au final, tous ces constats montrent que 2017 est sans doute une année charnière à partir de laquelle le climat va devenir vraiment instable. On voit que certains seuils commencent à être dépassés. La catastrophe commence, lentement, mais elle va s’accélérer. Une bien mauvaise nouvelle pour commencer 2018, mais peut-être un coup de semonce salutaire pour pousser tous les acteurs à agir vraiment, dans l’urgence. Problème : les mesures extrêmes à mettre en place pour amortir le choc sont désormais quasiment hors d’atteinte.