Réglementation. Le Parlement européen entérine sur le fil une loi majeure du Green Deal mais amenuisée par de longues tractations politiques. Le nouveau texte fixe comme objectif de restaurer au moins 20% des terres et des mers de l’UE d’ici 2030 et l’ensemble des écosystèmes ayant besoin d’être restaurés d’ici 2050.

Le Parlement européen a franchi in extremis une étape décisive dans la sauvegarde de la biodiversité en entérinant la loi sur la restauration de la nature lors d’un vote compliqué à Strasbourg. Ce texte majeur du Green Deal doit permettre de restaurer les écosystèmes dégradés dans tous les pays de l’UE, de contribuer à la réalisation des objectifs de l’UE en matière de climat et de biodiversité et d’améliorer la sécurité alimentaire. Mais dans un contexte de tensions sur les réglementations environnementales, son adoption était loin d’être acquise.  

La loi de restauration de la nature requiert en effet que chaque État membre de l’Union européenne réhabilite une portion significative de ses écosystèmes d’ici 2030, soit 20% des zones terrestres et maritimes dans l’Union européenne et, progressivement, l’ensemble des écosystèmes ayant besoin d’être restaurés, d’ici 2050. Un effort de protection qu’une partie de la droite européenne n’était pas prête à accepter, estimant qu’elle constitue une complexité administrative supplémentaire et qu’elle menace l’agriculture, la sécurité alimentaire, le développement des énergies renouvelables ainsi que le pouvoir d’achat. Mais le texte a finalement obtenu plus de voix en sa faveur que prévu avec 329 voix pour, 275 contre et 24 abstentions.

En savoir + : Le texte de la loi sur la restauration de la nature, voté en juillet 2023

Loi de restauration de la nature : une victoire en demi-teinte

Au final, pour atteindre les objectifs globaux de l’Union européenne, les Etats membres devront restaurer au moins 30% de certains habitats spécifiques dégradés d’ici 2030 (forêts, prairies, zones humides, rivières, lacs et fonds coralliens), avec une montée en puissance à 60% d’ici 2040 et 90% d’ici 2050. Une série de mesures importantes pour la protection des écosystèmes, notamment la revitalisation des terres agricoles et la réhabilitation des tourbières drainées utilisées pour l’agriculture, doivent y aider.

Pour ce faire, chaque pays de l’UE devra présenter sous deux ans des plans nationaux de restauration. Ils devront décrire en détails leur approche et rendre compte des résultats de ces politiques sur les écosystèmes. Les Etats sont incités à « accorder la priorité aux zones situées sur les sites Natura 2000 jusqu’en 2030 » et à “s’assurer qu’elle ne se détériore pas de façon conséquente” une fois qu’une zone a été remise en état.

Les terres agricoles ont été au cœur des divergences, avec des désaccords sur la meilleure approche pour préserver la biodiversité dans ces zones sensibles. Pour attester la bonne santé des espaces ruraux, les Etats devront collaborer avec les agriculteurs et progresser dans au moins deux des trois indicateurs définis par la loi : l’indice des papillons des prairies, la part des terres agricoles présentant des particularités topographiques à haute diversité et le stock de carbone organique dans les sols minéraux des terres cultivées.

Les pays membres de l’UE devront ainsi remédier au déclin des populations de pollinisateurs, planter trois milliards d’arbres supplémentaires et augmenter la superficie nationale totale d’espaces verts dans les zones urbaines. 

Écosystèmes : des obligations de moyens et plus de résultats

Pour mener à terme le texte de loi et convaincre une partie du parti populaire européen, qui constitue la principale force parlementaire, certains objectifs ont donc été revus à la baisse sur de nombreux sujets d’accroche portant essentiellement sur le terres agricoles. A la demande du Parlement, le règlement prévoit désormais un dispositif de « frein d’urgence », afin que les objectifs relatifs aux écosystèmes agricoles puissent être suspendus dans des « circonstances exceptionnelles » liées à la sécurité alimentaire; l’objectif de 10 % d’éléments à forte diversité sur les terres agricoles, proposé en novembre par la Commission, a été supprimé; les plans nationaux de restauration n’obligeront finalement pas les États membres à reprogrammer le financement de la PAC (Politique agricole commune); et les obligations de résultats ont été remplacées par des obligations de moyens.

La question des tourbières drainées a également été largement débattue. Celles-ci représentent 5 % du total des émissions de gaz à effet de serre de l’UE et sont à ce titre « l’un des moyens les plus rentables de réduire les émissions dans le secteur agricole », selon le Parlement. Les pays devront s’engager à restaurer au moins 30 % des superficies de tourbières d’ici 2030, dont au moins un quart sont remises en eau, 40 % d’ici 2040 avec au moins un tiers sont remises en eau, et 50 % d’ici 2050 dont au moins un tiers sont remises en eau. Mais « la remise en eau restera facultative pour les agriculteurs et les propriétaires fonciers privés », souligne le communiqué du Parlement.

L’Europe, première à se conformer à l’accord Kunming-Montréal ?

L’adoption du règlement sur la restauration de la nature par le Parlement est cependant « un progrès historique » et  « un bond en avant majeur » pour l’eurodéputé socialiste espagnol César Luena, également rapporteur de la loi qui a exprimé son soulagement le 27 février 2024 lors d’une conférence de presse après des mois de négociations et une opposition marquée des groupes de droite et d’extrêmes européens contre la proposition de loi. 

Lancé par la Commission européenne en juin 2022, le texte a fait l’objet de débats animés au Parlement, avant de subir une série d’amendements en juillet 2023. Finalement, un consensus a été trouvé en novembre de la même année entre les négociateurs du Parlement et les États membres mais le texte s’en est trouvé amenuisé. Et la droite a appelé jusqu’au bout à rejeter le texte.

Si la loi est adoptée par la Conseil européen, en avril ou mai, l’UE deviendrait la première région du monde à acter son engagement à se conformer à l’accord de Kunming-Montréal sur la biodiversité, la COP15, qui s’est tenue en décembre 2022.

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