Le vin est l’un des symboles les plus importants du patrimoine culturel et culinaire français. Et malheureusement pour les amateurs et oenophiles, le changement climatique pourrait bien bouleverser la carte du vignoble français telle qu’on la connait aujourd’hui. Comment le changement climatique pourrait-il affecter le vin français ? Éléments de réponse.

Avec la fin de l’été, c’est la période des vendanges qui s’annonce un peu partout en France. Cette année, un été plutôt chaud annonce un millésime de qualité, comme ce fut le cas en 2003 et en 2005 par exemple. On le sait, la viticulture est extrêmement dépendante des conditions climatiques : trop peu de soleil et la qualité s’en ressent, trop peu de pluie et c’est la quantité qui risque de ne pas être au rendez-vous. Dans certains vignobles comme le Sauternais, il faut un équilibre très spécifique entre le soleil et l’humidité pour donner naissance à des vins de qualité. Or le changement climatique pourrait bien bouleverser ces conditions si particulières qui font de la France l’un des plus grands pays du monde en matière de bon vins.

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Des vendanges plus précoces et des vins plus concentrés dans le Sud

Aujourd’hui, on vendange déjà en moyenne 2 à 3 semaines plus tôt qu’il y a 30 ans d’après les chercheurs du projet Laccave de l’INRA, qui étudient les effets du changement climatique sur le vin. La raison de ce changement ? Des printemps et des étés plus chauds en moyenne avancent la floraison et la période de maturité du raisin, qu’il faut donc récolter plus tôt. Cette année, les vendanges ont déjà commencé dans certaines régions comme le Languedoc Roussillon ou l’Aude. Dans ces régions du Sud aux vendanges précoces, les vins sont aussi de plus en plus concentrés. On trouve désormais beaucoup plus de vins allant jusqu’à dépasser les 14° d’alcool : plus exposés au soleil, les raisins se concentrent en sucre et produisent plus d’alcool. La sécheresse fait également baisser les rendements puisque les vignes produisent moins de fruits dans les périodes trop sèches.

Une situation contrastée pour les vins du Sud-Ouest

Dans le Sud-Ouest, berceau des plus grands vins français, la situation est contrastée. Le changement climatique affecte la culture de la vigne de façon différente selon les vignobles : les étés plus chauds et secs fournissent en général de meilleurs millésimes en rouge dans le Bordelais. En revanche, pour les blancs liquoreux du Sauternais ou de Barsac, trop de chaleur et le manque d’humidité peuvent empêcher le botrytis (champignon indispensable au mûrissement des raisins utilisés dans ce vignoble) de se développer. Des raisins soumis à de trop fortes chaleurs y sont aussi trop sucrés, et la fraicheur et la qualité gustative du vin s’en ressent. À terme, les vins de Sauternes pourraient bien disparaître.

Les incertitudes sur le vin français et le changement climatique :

La situation est donc très complexe pour les viticulteurs face au changement climatique. En Champagne, le réchauffement semble pour l’instant une bonne chose : des raisins plus mûrs, plus sucrés et moins acides affectent positivement les vins d’après Dominique Moncomble directeur technique et environnement du comité interprofessionnel des vins de Champagne. Le GIEC quant à lui estime que d’ici 2100 des vins similaires aux Champagnes pourraient être produits en Norvège… En Alsace, la sécheresse menace les rendements alors que dans la Loire les fortes chaleur améliorent la maturité des baies et des vins, ce qui pourrait en faire l’une des futures grandes régions de production de vin de qualité en France.

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A long terme en tout cas, le changement climatique pourrait véritablement bouleverser la carte des vignobles. D’ici un siècle, si le réchauffement climatique se poursuit au même rythme, les vins du Languedoc pourraient ressembler aux vins siciliens, la Grande-Bretagne produirait des vins équivalents aux vins de Bordeaux, et surtout il se pourrait qu’une véritable culture viticole se développe en Bretagne ou en Normandie, qui ne produirait peut-être plus de cidre brut. Les cépages du Sud pourraient être utilisés en Alsace, tandis que certains vins comme ceux de la Bourgogne pourraient tout simplement disparaître, faute d’un terroir qui combine à la fois la bonne qualité de sol et le bon micro-climat.

L’augmentation des épisodes climatiques extrêmes (printemps très pluvieux, étés caniculaires, sécheresse automnale) rendrait aussi quasiment impossible la production d’un vin de qualité constante années après années. Certains grands noms comme le Château d’Yquem n’ont par exemple pas produit de vin en 1992 ou en 2012 pour cause de météo trop défavorable, ce qui pourrait être de plus en plus fréquent.

S’il fallait encore une raison de prendre conscience des effets du changement climatique, la voilà.

Ceux qui tiennent à leur apéro ont plutôt intérêt à maîtriser leurs émissions de CO2.