Quels fruits et légumes contiennent le plus de résidus de pesticides ? Est-ce dangereux ? Tentons de comprendre.
Selon la première étude des éthiques alimentaires, menée par l’Observatoire société et consommation (Obsoco) en 2017, 82 % des Français ont le sentiment d’être plus attentifs à leur alimentation au cours des 3 dernières années.
Manger sain est donc aujourd’hui une préoccupation majeure des Français. Mais cela nécessite un meilleur accès et une meilleure transparence de l’information concernant les aliments dans leur assiette.
C’est en ce sens que l’ONG Générations futures, promoteur de l’agriculture bio a élaboré ce rapport sur la présence de résidus de pesticides dans les fruits et légumes vendus et consommés en France. Objectif ? Savoir quels fruits et légumes contiennent le plus de résidus de pesticides sur le marché français. Un pesticide désigne toute substance utilisée dans la lutte contre les organismes considérés comme nuisibles : champignons, insectes, mauvaises herbes, etc. S’ils sont utiles pour améliorer les rendements agricoles, leurs effets peuvent être néfastes pour notre santé et pour l’environnement. D’où l’importance de savoir dans quelle mesure les pesticides sont présents dans nos assiettes, et de comprendre quel danger éventuel cela représente.
Que dit le rapport de Générations Futures ? Les fruits et légumes commercialisés en France contiennent-ils beaucoup de pesticides ? Dépassent-ils les seuils réglementaires ? Tentons de comprendre.
Voir aussi : Pesticides : définition, exemples, risques
Résidus de pesticides : quels sont les fruits et légumes qui en contiennent le plus ? Quels sont ceux qui dépassent la limite maximale de résidus ?
En France, la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) effectue régulièrement des contrôles sur les produits alimentaires pour mesurer les résidus de pesticides qu’ils contiennent et vérifier qu’ils ne dépassent pas certains seuils réglementaires. C’est sur les données récoltées pendant 6 ans par la DGCCRF que se base Générations Futures pour établir son rapport.
La quantification des résidus de pesticides dans les fruits et légumes
Il faut comprendre que les résidus de pesticides sont quantifiables dans les fruit et légumes à partir d’un certain seuil. En-deçà de celui-ci, des résidus peuvent être détectés, mais ils sont présents en quantités trop faibles et trop peu significatives pour pouvoir être quantifiées. Mais ce n’est pas parce que des résidus de pesticides sont détectés dans un échantillon que cela signifie que ces résidus dépassent les seuils sanitaires.
Selon les données de la DGCCRF, en 2017, 62,9% des échantillons de fruits et 43,1 % des légumes contenaient des résidus de pesticides quantifiables. Sur 6 ans, de 2012 à 2017, le pourcentage moyen de résidus de pesticides quantifiés dans les fruits est de 71,1% et de 41,3% dans les légumes. Mais seuls 2,3% des échantillons examinés dépassaient les limites sanitaires en 2017, avec une moyenne à 3,4% entre 2012 et 2017.
En gros : on détecte des résidus de pesticide dans de nombreux fruits et légumes, mais très peu dépassent les seuils sanitaires en vigueur. Mais alors, quels sont les fruits et légumes dépassant ces limites ? Et comment ces limites sont-elles fixées ?
Fruits et légumes : quels sont ceux qui dépassent la limite maximale de résidus (LMR) ?
Selon les données scientifiques actuelles, synthétisées par l’EFSA (l’autorité européenne de la sécurité des aliments, qui est en charge de préserver la sécurité de l’alimentation.) l’exposition des consommateurs à des doses faibles et sur une courte durée à certains pesticides ne présenterait a priori pas de danger sanitaire particulier. Néanmoins par principe de précaution, les autorités sanitaires ont défini des limites maximales de résidus de pesticides à ne pas dépasser dans l’alimentation : c’est la Limite Maximale de Résidus (LMR).
Ce sont des instances scientifiques qui établissent ces seuils limites en-deçà desquels un aliment est normalement sans danger pour la consommation. Puis, des instances de contrôle comme la DGCCRF surveillent chaque année la conformité des denrées alimentaires aux réglementations en vigueur, harmonisées à l’échelle européenne avec notamment le règlement 396/2005 en vigueur depuis 2008.
La LMR ou Limite Maximale de Résidus désigne un seuil réglementaire de concentration en résidus de pesticides, en-dessous duquel les denrées alimentaires sont légalement autorisées à être commercialisées. Ce calcul, d’après le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, s’effectue de la manière suivante :
- L’hypothèse maximaliste
Si un fruit ou légume est concerné par l’utilisation d’un pesticide autorisé sur le marché, on va considérer que le fruit ou légume en question contient la teneur maximale autorisée en résidu de pesticide. - La somme des résidus potentiels
On additionne ensuite ces résidus potentiels en prenant en compte le régime alimentaire de toutes les catégories de populations y compris sensibles comme les bébés et les enfants. La quantité de pesticide théorique ingérée est alors comparée à la dose journalière admissible (DJA) qui correspond à la dose sans effet (ne provoquant pas de maladie), obtenue après études de toxicité. - Des précautions supplémentaires
Enfin, on vient prendre en compte les variations de comportement possibles entre les divers groupes de population.
Ainsi, la DGCCRF analyse chaque année environ 5 000 échantillons de produits d’origine végétale pour identifier plus de 400 substances. Lorsqu’un produit analysé dépasse la LMR, il est déclaré non-conforme, retiré du marché, et les producteurs sont sanctionnés. Par ailleurs, même si elles respectent les LMR, des denrées alimentaires produites en France peuvent être considérées comme non conformes si elles présentent des résidus impliquant un traitement par un produit non autorisé.
Comme on l’a vu, le taux de non-conformité des échantillons français était très faible dans les rapports de la DGCCRF : 2,3% en 2017, avec une moyenne à 3,4% entre 2012 et 2017. Mais certains fruits et légumes étaient plus concernés que d’autres par les dépassements des limites sanitaires.
Top 5 des fruits contenant le plus de résidus de pesticides supérieurs à la LMR
Ainsi, l’ananas arrive en tête du top des fruits contenant le plus de résidus de pesticides dépassant les limites sanitaires, avec 9,6% d’échantillons dépassant la LMR.
La cerise arrive en deuxième position, avec 5.7% des échantillons dépassant les seuils. Viennent ensuite les kiwis ex aequo avec les pamplemousses/pomelos à 4,2%, et enfin les clémentines/mandarines.
Top 5 des légumes contenant le plus de résidus de pesticides supérieurs à la LMR
Du côté des légumes, ce sont les herbes fraîches qui se placent tout en haut du classement avec 21,5% d’échantillons contaminés supérieurs à la LMR.
Le céleri branche arrive en seconde position avec 15,7%, suivi par le céleri rave (10,8%), et enfin le navet et les haricots non écossés qui se font une place parmi ce top 5.
Des résidus dans presque tous les fruits et légumes
D’autre part, on constate que la majorité des fruits et légumes contiennent des résidus de pesticides, sous les limites sanitaires. Mais de la même façon, on ne retrouve pas ces résidus aussi fréquemment dans tous les fruits et légumes.
Top 5 des fruits pour lesquels on retrouve le plus souvent des résidus de pesticides
Ce sont les cerises cerises qui contiennent le plus souvent des résidus de pesticides : 89% des échantillons contiennent des résidus quantifiables.
Viennent ensuite les clémentines/mandarines, 4e fruit le plus consommé en France (88% des échantillons contiennent des résidus quantifiables).
87,3% de nos raisins contiennent des résidus de pesticides.
En quatrième position, se place le pamplemousse/pomelo, dont la France est le 5e pays producteur en Europe.
Enfin, on retrouve les pêches/nectarines avec 83% des échantillons contenant des résidus quantifiables.
Avocats et kiwis sont ceux qui contiennent le moins souvent des résidus quantifiables (autour de 25% des échantillons).
Top 5 des légumes contenant le plus de résidus de pesticides
Du côté des légumes, c’est le céleri branche, dont la France produit environ 15 000 tonnes par an, qui arrive en tête (89% des échantillons en contiennent).
Vient en seconde position le céleri rave. 20% des ménages en achètent au moins une fois dans l’année.
Avec 69,3% d’échantillons contaminés, les herbes fraîches contiennent des résidus de pesticides quantifiables.
Elles sont suivies par l’endive, 6e légume le plus consommé en France.
En dernière position de ce classement, on retrouve les laitues et salades.
Maïs et asperges sont quant à eux très peu concernés par la présence de résidus quantifiables.
Les raisons de cette inégale contamination des fruits et légumes
On constate donc que les légumes et fruits qui dépassent les seuils ne sont pas forcément les mêmes que ceux dans lesquels on retrouve fréquemment des résidus quantifiables.
« Les agrumes passent dans des bains de fongicides avant d’être transportées par bateaux. Forcément, ils vont avoir des résidus. Et puis il y a des cultures qui sont plus sensibles que d’autres. Le raisin est plus sensible aux maladies que le kiwi », explique François Veillerette, président de l’association Générations futures.
L’usage de pesticides, un enjeu de santé publique
Réduire l’usage de pesticides quand c’est possible est un défi collectif, à la fois pour la protection de l’environnement et la préservation de la santé.
Il faut aussi approfondir les études sur le sujet, notamment au regard des « effets cocktails » des pesticides, dont on connait mal les impacts sur la santé. En 2016, les chiffres de la DGCCRF montrent que 37,7% des échantillons de fruits et légumes examinés contenaient au moins deux résidus de pesticides différents.
Encourager les contrôles, encadrer encore davantage l’utilisation des pesticides… Cela semble essentiel pour se tourner vers une agriculture plus respectueuse de la planète et des hommes. En attendant, les consommateurs peuvent se tourner vers le label « zéro résidu de pesticides » qui garantit moins de 0,01 milligramme de pesticides par kilogramme de fruits et légumes, c’est-à-dire la plus petite valeur quantifiable par les scientifiques.