Jusqu’au 29 mai, c’est la quinzaine du Commerce Équitable. L’occasion pour nous de revenir sur cette nouvelle tendance qui fait de plus en plus d’émules chez les consommateurs et chez les commerçants. Découvrez 5 choses à savoir sur le commerce équitable.

1 – De l’église aux labels : l’origine religieuse du commerce équitable

À l’origine, l’idée d’un commerce équitable a été popularisée par des religieux, notamment aux Etats-Unis. Ces courants religieux estimaient, dans les années 1940, que par solidarité et acte de charité, il fallait acheter les produits artisanaux fabriqués dans les pays pauvres (Porto Rico notamment), afin de soutenir l’économie locale. Les produits étaient alors des objets d’artisanaux locaux, généralement rudimentaires, et exclusivement vendus dans les églises.

Dans les années 1950 et 1960, l’idée se développa dans sa forme plus actuelle notamment en Europe du Nord. Les Pays-Bas furent précurseurs, avec Kerbrade, l’un des premiers magasins solidaires, puis les premiers « worldshops » dédiés au commerce équitable. L’idée était alors que le libre-échange était défavorable aux producteurs des pays du Sud, et qu’il fallait aider ces derniers en achetant un peu plus chers leurs produits. De nombreuses ONG et consommateurs adhèrent progressivement à ce concept et contribuent à le populariser.

Dans les années 1970, la fédération Artisans du Monde, et l’Abbé Pierre ouvrent la première boutique spécialisée en France. En 1988, c’est encore un religieux (Frans van der Hoff) qui co-fonde la marque de commerce équitable Max Havelaar.

2 – Le commerce équitable : un marché en forte croissanceCommerce-equitable-efficacite

Alors que le commerce équitable a longtemps été une démarche très confidentielle, réservée à des consommateurs alternatifs, la tendance semble s’élargir aujourd’hui. En 2015, le secteur a progressé de près de 17.5%. Certes, en valeur, le commerce équitable ne représente que 664 millions d’euros annuels, mais cette augmentation est significative.

En comparaison, le commerce alimentaire traditionnel ne croît que de 1.2%, et le commerce bio que de 10%. C’est donc l’un des secteurs qui se porte le mieux en termes de croissance, preuve que les consommateurs cherchent à ajouter à leurs critères d’achats la question du sens et de la justice sociale.

3 – Le commerce équitable n’est pas toujours vraiment équitable

Pour beaucoup, le commerce équitable signifie acheter un produit produit et fabriqué dans de bonnes conditions sociales et environnementales. C’est d’ailleurs l’argument « marketing » défendu par les labels du commerce équitable.

En fait, ce n’est pas forcément vrai. Par exemple, on trouve désormais des vêtements estampillés « commerce équitable » avec un important marketing autour de ce concept. S’il est vrai que le coton utilisé pour ces vêtements est issu du commerce équitable, rien ne garantit que la fabrication, elle, soit équitable. Ainsi, certains vêtements vendus « fair trade » sont en fait fabriqués dans des conditions de travail atroce (comme souvent dans l’industrie de la mode) dans des ateliers au Bangladesh ou en Asie du Sud-Est. On achète donc plus cher un produit prétendument éthique, alors que seul un maillon de la chaîne de production est réellement certifié.

Il faut donc être attentifs à l’ensemble du circuit de production si l’on souhaite acheter « équitable » et bien souvent, les labels ne le permettent pas.

4 – L’efficacité économique du commerce équitable est parfois mise en doute

commerce equitable benefices

L’idée qui a fait le succès du commerce équitable est simple : et si on payait un peu plus cher les produits fabriqués dans les pays en développement, afin que les producteurs locaux soient mieux rémunérés pour leur travail et puissent mieux vivre de leur activité ? En théorie, la solution est simple et efficace. Mais en réalité, beaucoup d’experts estiment que l’efficacité économique du commerce équitable est faible. Plusieurs arguments sont invoqués :

  • Le coût de la certification est trop élevé pour les producteurs et les standards trop contraignants, et cela est difficilement compensé par le prix de vente plus élevé.
  • Le commerce équitable renforce paradoxalement la pauvreté via la baisse des prix : par exemple, si le commerce équitable promet un revenu plus élevé aux producteurs de café, plus de producteurs vont vouloir faire du café, donc il y aura plus de café sur le marché et le prix global va donc baisser. De ce fait, les producteurs de café qui ne sont pas certifiés commerce équitable voient leurs revenus baisser.
  • L’argent n’est pas transféré de façon équitable. Par exemple si vous achetez 1 kg de bananes commerce équitable, le supplément de prix que vous payez ne va pas uniquement au producteur, mais aussi au circuit de distribution qui en profite pour élargir ses marges, et aux organismes de certification. Certains soulignent que le partage des bénéfices manque de transparence.
  • Le commerce équitable encourage les productions à faible valeur ajoutée. La plupart des produits issus du commerce équitable sont des produits alimentaires de base (café, sucre, cacao, ou encore fruits). Or certains économistes estiment que les pays en développement devraient au contraire réduire leurs productions de ces produits, afin de faire monter les prix et surtout afin d’investir dans des industries plus développées, contribuant plus fortement à la croissance.

 

Au final, si l’on regarde l’ensemble des études économiques disponibles sur le commerce équitable, il est difficile d’affirmer si oui ou non le commerce équitable améliore réellement les conditions de vie des paysans et producteurs dans les pays en développement. Néanmoins, il existe de belles « success stories » à propos du commerce équitable.

 

5 – Les bénéfices du commerce équitable sont parfois environnementaux et sociaux

Au-delà de l’aspect purement économique, les bénéfices du commerce équitable sont parfois visibles au niveau environnemental et social. La plupart des certifications commerce équitable intègrent en effet des dimensions environnementales et sociales dans leurs standards de production.

Cela signifie que pour être certifié commerce équitable, les producteurs locaux doivent respecter certains critères comme :

  • Ne pas utiliser d’OGM
  • Minimiser l’utilisation d’intrants chimiques
  • Utiliser un système d’irrigation raisonné
  • Contrôler la qualité et la vitalité des sols

 

Mais certains programmes intègrent aussi des plans d’éducation, de formation continue, d’encadrement des producteurs et de mise en place de coopératives. Cela contribue donc à renforcer le lien social et améliorer les conditions d’éducation des producteurs.

 

Le commerce équitable est donc encore un sujet délicat, pour lequel les labels sont souvent mis en cause ou mis en doute. Néanmoins, la démarche est porteuse de sens et semble intéressante dans la mesure où elle souligne la volonté des consommateurs de passer à des achats plus éthiques et responsables. Une tendance à suivre de près pour tous les consomm’acteurs.

 

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