Vous pensez qu’avoir un jardin est LE truc écolo par excellence ? Think again ! Le jardin, c’est tout sauf écologique… Mais il y a des moyens d’atténuer ça. Explications.

Pour beaucoup de citoyens à l’esprit écolo, le comble du « green » c’est d’avoir un jardin. Sur le papier c’est logique : si l’on a un jardin, on cultive des plantes qui capture le CO2, on préserve la planète, on cultive ses légumes et donc on évite la production agro-industrielle, on donne à manger aux oiseaux et aux hérissons… Bref, avoir un jardin serait LE geste écolo par excellence, le geste des amoureux de la nature. Le problème, c’est que tout cela est en partie un mythe.

Oui, ça semble difficile à comprendre… Pourtant, si l’on réfléchit, c’est logique. Pour mieux comprendre, voyons en quoi avoir un jardin n’est pas vraiment écolo… et surtout comment rendre votre jardin moins nocif pour la planète.

Ecologie : le jardin, coupable de l’urbanisation de masse

Tout le monde veut un jardin. Pour avoir des espaces verts, pouvoir se détendre sur sa chaise longue au soleil, pour que les enfants puissent jouer, pour pouvoir pratiquer le jardinage de loisir, pour avoir un chien, ou une piscine… Chacun a ses raisons de vouloir un jardin (grand, si possible). Et puisque tout le monde veut un jardin… il faut en construire ! C’est en grande partie parce que la demande de maisons individuelles équipées de jardins a augmenté depuis un siècle que les sociétés humaines ont du s’étendre et s’urbaniser. Le jardin est donc en grande partie responsable de l’urbanisation de masse, et particulièrement de la périurbanisation.

Résultat, pour satisfaire les envies des consommateurs en jardins, on construit des banlieues de plus en plus éloignées des centre-villes, on construit des routes pour accéder à ces zones, on bétonne, on artificialise les sols. Et tout ça, c’est très mauvais pour l’environnement car cela détruit des zones naturelles (on dit que cela augmente l’anthropisation du milieu naturel) et cela pollue beaucoup. Si on voulait limiter notre empreinte écologique, l’une des premières choses à faire serait d’arrêter d’occuper autant d’espace et d’empiéter autant sur les milieux naturels. Autrement dit, il faudrait se rassembler dans des zones plus denses… Donc sans jardins !

La densité d’habitants en centre ville est de 10 000 à 20 000 habitants au km2 . En banlieue ou dans les zones pavillonnaires (là où vous trouvez des jardins) elle est de 1000 à 3000 habitants au km2. Cela signifie que pour loger 100 000 habitants en centre ville, il faut 6 à 10 fois moins d’espace que pour loger 100 000 habitants en zone pavillonnaire avec chacun leur jardin. Cela peut sembler évident, mais en termes écologiques, cela a son importance puisque plus on détruit d’habitats naturels, plus on contribue à détruire la biodiversité. Mais ce n’est pas tout ! En augmentant la surface nécessaire pour loger notre population, nous augmentons aussi nos besoins en transports ! Et oui, plus on s’éloigne, plus on s’étend, plus il faut se déplacer pour travailler et faire sa vie. La périurbanisation augmente donc nos émissions de CO2, la pollution de l’air et le réchauffement climatique.

Plus nous voulons de jardins, plus nous voulons de grands jardins, de grands espaces, plus nous sommes responsables de cette périurbanisation et de l’augmentation des besoins en transport.

Le jardinage moderne est-il anti-écologique ?

Ensuite, le jardinage, en lui même n’est pas très écologique. En fait, la chose la plus écologique que l’on peut faire vis-à-vis de la nature, c’est de la laisser tranquille. Or jardiner, c’est précisément l’art d’organiser la nature : on met du gazon, on arrose, on tond, on coupe et on arrache les mauvaises herbes, on plante… Et tout cela n’est pas nécessairement bon du point de vue de l’écosystème. En effet, plusieurs études menées par un consortium de recherche sur la biodiversité dans les jardins montre que plus l’on « jardine », plus la biodiversité du milieu tend à décliner.

Par exemple, tondre trop régulièrement sa pelouse, arracher les mauvaises herbes, tailler les arbres ou les haies sont des perturbations des milieux naturels qui constituent l’habitat de dizaines d’espèces sauvages (insectes, petits animaux, oiseaux …). Faire une allée dans son jardin, placer des pavés japonais, des caillebotis, ou toute autre surface « dure » est une autre façon d’artificialiser le sol, ce qui réduit la population d’insectes ou de petits rongeurs. Idem pour les piscines et autres infrastructures.

Sans compter que la plupart des jardins ne sont pas du tout adaptés à leur milieu sur le plan écologique. Beaucoup de jardiniers tentent de faire pousser un beau gazon bien régulier dans leur jardin par exemple. Or cet environnement est complètement artificiel sur la plupart des sols et sous la plupart des climats. Il ne favorise donc aucune biodiversité locale, et surtout il demande énormément d’eau et d’entretien pour un résultat écologique nul au mieux, négatif au pire. Et bien entendu, c’est encore pire quand il s’agit de gazon artificiel. Sans compter que du point de vue de la biodiversité, il est souvent plus intéressant de laisser la nature faire son oeuvre que de planter des espèces qui n’ont pas forcément leur place dans l’écosystème.

Enfin, de nombreuses pratiques de jardinage répandues sont en fait peu écologiques : le paillis peut-être nocif pour la qualité des sols ou la biodiversité s’il est mal fait, le compost émet énormément de méthane s’il est mal préparé, l’utilisation du marc de café pour nourrir les plantes serait en fait un mythe… Même faire pousser ses propres légumes n’est pas toujours une bonne idée : il faut choisir des légumes endémiques, et savoir s’en occuper correctement, sans pertes. La plupart des jardins sont moins productif qu’une petite ferme et gaspillent donc plus de terrain. Au final, on voit donc qu’avoir un jardin et avoir la main verte est rarement synonyme d’écologie.

Comment jardiner de façon écologique ?

Mais alors, comment avoir un jardin qui respecte la biodiversité et l’environnement ? Honnêtement, ce n’est pas facile car on ne pourra jamais compenser le fait d’occuper une surface naturelle plus importante que si on n’avait pas de jardin. Mais voici néanmoins quelques conseils pour au moins rendre votre jardin plus écolo et plus favorable à la biodiversité :

  • Préférez les jardins partagés / communautaires. Cela évite de devoir encore augmenter la périurbanisation et donc la destruction de terres sauvages ou arables qui sont écologiquement utiles. Bien sûr, ce n’est pas aussi glamour que d’avoir son propre jardin individuel, mais au moins, on limite ses impacts environnementaux.
  • Si vous avez absolument envie d’un jardin individuel, respectez ces quelques principes :
    • Pas de gazon artificiel, évitez les terrasses en dur et autres allées qui artificialisent les sols. Surtout pas de piscine (ou alors considérez les piscines naturelles).
    • Apprenez à connaître votre sol et votre climat pour y planter des espèces adaptées.
    • Faites en le moins possible : laissez pousser, laissez les feuilles mortes, laissez l’herbe et les mauvaises herbes pousser.
    • Privilégiez les arbres et les grands bosquets de plantes denses et touffus : ils sont un refuge pour la biodiversité. Évitez les grandes zones d’herbe vides qui sont complètement inutiles du point de vue écologique.
    • Installez un point d’eau si possible, comme un petit étang. Mais attention, évitez d’y mettre des poissons. Laissez la biodiversité naturelle s’y développer : insectes, amphibiens etc…
    • Évitez les produits industriels, des pesticides en passant par les herbicides et même les composts comme la tourbe. Privilégiez les méthodes de régulation naturelles (insectes, plantes endémiques…).
    • Apprenez vraiment à faire un jardinage efficace et de qualité (y compris pour votre potager !)

En respectant ces quelques conseils, il est possible de réduire l’impact écologique de son jardin. Mais il faut bien garder à l’esprit qu’avoir un jardin, c’est rarement le choix le plus écolo que vous pouvez faire !