Comment engager les jeunes dans l’écologie ? Le 18 septembre 2024, une dizaine de jeunes suivis par la Mission Locale Sud-Essonne ont participé à une journée d’ateliers animée par l’association Makesense sur la « transition juste ». Objectif : sensibiliser ces jeunes, souvent éloignés des enjeux environnementaux, aux défis climatiques tout en leur présentant des opportunités d’emploi liées à la transition écologique.
L’ambiance est plutôt détendue en cette matinée du 18 septembre 2024. Les premiers arrivants entrent dans l’une des salles de la Mission Locale Sud-Essonne de la ville d’Étampes (Île-de-France), et prennent place autour des tables disposées en carré pour l’occasion. Certains discutent entre eux pour ceux qui se connaissent, d’autres plus silencieux, s’effacent un peu.
« On attend une dizaine de personnes inscrites pour aujourd’hui, mais on ne sait jamais combien de personnes vont venir. Ça peut arriver au compte-gouttes tout au long la journée », explique Irène Colonna d’Istria, directrice du programme « Pour une transition juste, par et pour tous les jeunes » de l’association Makesense, active depuis 2010 pour motiver l’engagement citoyen.
Une journée d’ateliers pour une « transition juste »
Ils sont finalement dix à être là. Trois filles, sept garçons, toutes et tous aux alentours de la vingtaine et suivis par la Mission Sociale. Certains viennent de l’École de la 2e chance (E2C), engagée dans la lutte contre le décrochage scolaire, d’autres encore sont en Contrat d’Engagement Jeune (CEJ). « On ne savait pas trop à quoi s’attendre quand nous sommes arrivés. On connaissait le nom de l’atelier, ‘transition juste’, mais on ne savait pas à quoi ça faisait référence », avoue Maelynn, arrivée à la Mission Locale en juillet 2024 avec un BTS informatique en poche.
Une « transition juste », le mot a effectivement de quoi être flou. C’est pourtant tout l’enjeu de ce programme : « permettre aux jeunes des milieux populaires de prendre la parole et d’agir ensemble pour l’écologie », comme l’indique une des maquettes du programme. La journée s’organise autour de deux ateliers de trois heures chacun. Le matin est dédié au changement climatique, à sa réalité sociale et économique et ses conséquences sur la vie des jeunes des milieux populaires. L’après-midi, plus en lien avec les missions de la Mission Locale, consiste à présenter de nouveaux horizons d’emploi offerts par la transition écologique et sociale.
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Pour mener à bien ce programme, Makesense s’est appuyée sur une étude menée en 2022 en partenariat avec GHETT’UP, une association qui travaille en faveur de la justice sociale pour les jeunes des quartiers populaires. L’étude pointe notamment le manque de représentation des jeunes dans les mouvements écologistes, et surtout, leur incapacité à faire porter leur voix dans les débats publics sur la transition écologique et sociale. Pourtant, et les données sont nombreuses sur ce sujet, ce sont ces mêmes personnes qui sont les premières touchées par les crises sociales et environnementales.
Pollutions, précarité énergétique des logements, vulnérabilités face aux épisodes climatiques extrêmes, inégalités d’accès aux aménités environnementales ou aux services publics, les risques environnementaux et sociaux se superposent.
Rapprocher l’écologie des jeunes des milieux populaires
Et pourtant en cette matinée, malgré un engouement certain, les visages semblent un peu perplexes face aux premières « slides » présentées par Ann-Laure Gaspardo, bénévoles pour Makesense et Inès El Houari, alternante chargée du déploiement et des partenariats pour le programme « transition juste ».
« Pour vous, c’est quoi le réchauffement climatique ? ». Premier tour de table. Les réponses à cette question sont un peu timides. Pour la grande majorité des personnes présentes, l’écologie est loin d’être un sujet quotidien. « Qu’est-ce qui a changé dans votre quotidien, ou celui de votre famille ? ». Nouveau tour de table encore difficile, mais la parole s’ouvre au fil des discussions, sur le climat qui se réchauffe, la canicule, la pollution, l’étalement urbain, et la rénovation du quartier Guinette à Étampes, la plus vieille cité de la ville créée en 1963 et aujourd’hui composée de nombreuses infrastructures et logements délabrés.
Un des jeunes, Clément, surnommé le « petit écolo » pour la journée, s’occupe de répondre aux premières questions plus « techniques ». « La nature a les mêmes besoins que nous, de l’eau, de la nourriture… Mais lors des périodes de sécheresse, la nature manque d’eau, et donc les animaux et les plantes disparaissent », explique cet adepte de promenades en campagne et de pêche à l’aimant.
On parle aussi de sujets d’actualité, des doutes sur la pertinence des mobilisations pour le climat, « les manifs ça change rien », estime Alexandre*, des questions de sociétés, ou bien des expériences de discriminations, de racisme et de sexisme, que les uns ou les autres ont pu vivre. Une slide retient particulièrement l’attention de Milan* : « 10% des personnes les plus riches sont responsables de 50% des émissions de gaz à effet de serre », une donnée issue du rapport sur les inégalités mondiales 2022. « Donc ça veut dire qu’il y une personne parmi nous qui tire tout le monde vers le bas ? », s’étonne-t-il.
Finalement, si l’écologie est bien le sujet de la journée, elle apparaît en filigrane dans les conversations. Les formatrices préfèrent plutôt développer une attention nouvelle à l’environnement, en se basant non pas sur les injonctions habituelles aux éco-gestes perçues comme injustes et décourageantes par les jeunes des milieux populaires, mais sur leurs expériences et leurs centres d’intérêts. « On ne s’attarde pas tellement sur la ‘théorie’ du changement climatique et on ne les corrige pas forcément pour éviter ce côté ‘moralisant’ de l’écologie que les jeunes ont pu évoquer aujourd’hui, explique Irène Colonna d’Istria, on estime que ce n’est pas très grave s’ils ne sont pas capables de nous faire un exposé à la fin. D’autant plus que d’autres outils complémentaires existent pour ça, comme la Fresque du Climat ».
Et d’après les quelques témoignages des jeunes en fin de journée, l’écologie n’a pas été un sujet « trop ennuyeux » ! « À vrai dire j’étais obligé de venir aujourd’hui, explique Milan, mais finalement on a appris pas mal de choses, et on a bien rigolé aussi. Donc c’est cool ». Un constat partagé par tous les membres de l’équipe du jour, comme Chloé, qui ne se sentait pas concernée par les sujets environnementaux.
Promouvoir les emplois de la transition écologique
Au-delà du côté sensibilisation, les ateliers de Makesense sont l’occasion pour les jeunes de découvrir les métiers de la transition écologique grâce à une trentaine de fiches numériques fournies par l’association dans le cadre de la formation. Parmi ces métiers, technicien(ne) photovoltaïque, animateur(ice) en écotourisme, et diététicien(ne) en alimentation durable retiennent l’attention du groupe de jeunes, sans pour autant qu’il y ait de « révélation » sur le moment.
« À la Mission Locale, nous suivons en permanence entre 1 500 et 2 000 jeunes sur 45 communes, Étampes et les communes des alentours, explique Angèle Buil-Losinski, coordinatrice et chargée de projet à la Mission Locale Sud-Essonne. Nous sommes dans un secteur rural, et pourtant les jeunes se tournent rarement vers ces métiers de l’écologie ». Comme le rappelle la coordinatrice à l’origine de la journée d’ateliers pour la Mission Locale Sud-Essonne, de nombreuses entreprises liés à la transition existent dans la région d’Étampes, tant dans la réparation d’appareils électroménagers que des recycleries, à l’instar de la recyclerie du Gâtinais (Prunay-sur-Essonne). « L’objectif à la Mission Locale Sud-Essonne est de pouvoir avoir ce genre d’intervention régulièrement afin de générer un questionnement sur les différentes opportunités d’emplois hyper locaux qui se trouvent dans la région », complète Angèle Buil-Losinski.
Du côté de Makesense, l’association a déjà formé près de 1500 jeunes dans toute la France aux côtés d’associations pour les jeunes des milieux populaires, la Mission Locale, mais aussi Unis-Cité, Banlieues Climat, l’Afev ou Trouve ta voix. « Nous souhaitons maintenant changer d’échelle et développer avec ces différentes associations un ‘club’ où tous les responsables associatifs vont pouvoir venir et être formés pour dispenser nos ateliers aux jeunes qu’ils suivent », précise Irène Colonna d’Istria. Makesense souhaite atteindre la barre des 3 000 jeunes formés d’ici la fin de l’année 2024, et 7 000 jeunes d’ici 2026.
* Les prénoms ont été modifiés.
Photo de Une : journée d’ateliers animée par l’association Makesense sur la « transition juste » avec la Mission Locale Sud-Essonne à Etampes, le 18 septembre 2024, crédit : FR.