Des étés de plus en plus chauds en Europe ? Telles sont les prévisions des scientifiques dans les prochaines décennies.
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » annonçait déjà en 2002 l’ancien Président de la République Jacques Chirac. Mais comment regarder ailleurs alors que les feux de forêt et les vagues de chaleurs s’imposent à nous, juste devant nos yeux ? L’été 2022, anormalement chaud pour l’Europe, fut un réel choque pour nombreux de Français qui, du Var à l’Ille-et-Vilaine, ont vu partir en fumée les paysages qu’ils connaissaient si bien.
Dès mai 2022, les premiers records ont été battus, comme en France où la station météo de Marignane a enregistré une température moyenne de 20,7°C sur tout le mois de mai. Du jamais vu depuis la création de la station en 1920 ! Un constat similaire au Portugal où un tel mois de mai n’a pas été observé depuis 92 ans. En Espagne, seul le mois de mai 1964 avait dépassé celui de 2022, les premières données ne remontant qu’à 1961. Mais les vagues de chaleur ne se sont pas arrêtées en si bon chemin et ont continué tout au long de l’été à des moyennes supérieures aux normales de saisons.
Cet épisode climatique précède d’autres vagues de chaleur, qui deviennent au fur et à mesure des années plus violentes et plus récurrentes. Rien que depuis le début du siècle, l’Europe a connu des périodes caniculaires majeures en 2003, 2010, 2015, 2018, 2019 et enfin la dernière en date en 2022.
Pour Alexandre Tuel et Elfatih A. B. Eltahir, tous les deux chercheurs sur le climat européen, la vague de chaleur qu’a connu l’Europe n’était qu’un aperçu du futur quotidien en période estivale. Un avenir fait de sécheresses, de canicules et de feux de forêt.
Voir aussi : Repenser la recherche sur les feux de forêt
Vagues de chaleur en approche en Europe
Dans la plupart des régions de la Terre, les précipitations devraient augmenter en fréquence et en violence selon les prévisions du dernier rapport en date du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (Giec), en particulier dans la deuxième moitié du 21ème siècle.
Avec le réchauffement climatique, l’évaporation de l’eau et la capacité des nuages à retenir la pluie seront en effet accentués. Les nuages, plus gros, plus chargés en eau, se déverseront avec plus de violence sur les populations. D’autres régions, au contraire, vont connaître des périodes de forte chaleurs, à l’image du bassin Méditerranéen où le réchauffement climatique va totalement bouleverser les cycles climatiques et hydrologiques.
Les précipitations en hiver et au printemps en Méditerranée et dans le sud de l’Europe sont amenées à chuter drastiquement dans les prochaines décennies. Rien que pour le bassin Méditerranéen, il est attendu jusqu’à 40% des précipitations en moins lors des périodes hivernales.
La Méditerranée est en effet une région vulnérable à la sécheresse de par sa position atypique, ballotée entre les vents chauds venant du Sahara et les vents plus humides d’Europe. Les printemps très secs, comme a connu l’Europe en 2022, participent à assécher les sols, réduisant ainsi leur capacité à absorber l’eau, et empêche parallèlement à l’eau présente dans des couches plus profondes de s’évaporer.
Résultat, l’énergie des rayons du soleil qui participe d’habitude à l’évaporation de l’eau servira plutôt à réchauffer l’air. C’est la première conséquence de la sécheresse. Dans un autre temps, faute d’eau ou de processus d’évaporation, l’air ambiant à la surface de la Terre va être nettement plus sec, ce qui va réduire par la même occasion les précipitations dans la région. Par ces deux mécanismes, les étés deviennent plus chauds et plus rudes.
Vagues de chaleur et inégalités
La baisse progressive des précipitations en Europe est un enjeux de taille pour les prochaines décennies. Selon les données de l’Insee sur la canicule de 2022 (de juin à fin août), la France a enregistré près de 155 000 décès, soit une hausse de 9,5% par rapport aux données de 2019. Une hausse de la mortalité vraisemblablement causée par l’action combinée du Covid-19 et des épisodes caniculaires.
Et c’est sans compter l’ensemble des problèmes structurels observés lors des pénuries d’eau. En France, l’été a été ponctué de conflits et de débats liés à la gestion de la ressource en eau. Entre les pénuries d’eau potable dans certaines communes et les besoins croissants d’eau pour l’arrosage des cultures, la dérogation des golfs, autorisés à arroser leur green, a été vivement critiquée pour son caractère inégalitaire. Un blâme symbolique, mais qui a permis d’aborder dans l’espace médiatique la question de l’usage et du partage des ressources rares.
En cas de pénurie, outre une consommation raisonnable de chacun, l’eau doit être destinée à des usages utiles à la communauté, utiles à répondre aux besoins de l’ensemble de la population. Les intérêts privés et pécuniaires destinées à des populations minoritaires et privilégiées doivent quant à eux être relégués au second plan lors de périodes de crise.
Image par Christelle PRIEUR de Pixabay
– AR6 Climate Change 2021 : The Physical Science Basis—IPCC. Technical summary.
– Brás, T. A., et al, (2021). Severity of drought and heatwave crop losses tripled over the last five decades in Europe. Environmental Research Letters.
– Chandler, D. L., Why Europe is so vulnerable to heat waves.
– OBSERVER: A wrap-up of Europe’s summer 2022 heatwave | Copernicus.
– García-León, D. et al. (2021). Current and projected regional economic impacts of heatwaves in Europe. Nature Communications.
– McKenzie, J. (2022, septembre 5). This summer has been a glimpse into Europe’s hot, dry future. Bulletin of the Atomic Scientists.
– Tuel, A., & Eltahir, E. a. B. (2020). Why Is the Mediterranean a Climate Change Hot Spot? Journal of Climate.
– Water Repellent Soils—An overview | ScienceDirect Topics.