Selon les sondages, de plus en plus d’investisseurs croient que la RSE et l’intégration des critères environnementaux et sociaux dans leurs portefeuilles est une manière d’établir une stratégie de gains de long terme.

Longtemps, le monde de la finance a été associé à une idée très restreinte de la performance. Il s’agissait d’une performance uniquement monétaire, qui n’intègre pas les critères sociaux, environnementaux ou de gouvernance. Pourtant, de plus en plus, les investisseurs s’intéressent à ces questions, dites ESG (Environnement, Sociale, Gouvernance)

De plus en plus, ils intègrent à leurs portefeuilles d’investissement des critères comme l’impact environnemental, ou l’intérêt social. Et désormais, une majorité d’investisseurs financiers estiment que l’intégration de ces critères dans leurs choix d’investissement est non seulement une préoccupation éthique et morale, mais aussi et surtout une question de performance de long terme. Explications.

Les investisseurs de plus en plus intéressés par les critères ESG

Depuis quelques années, on observe un basculement dans le discours des grands acteurs financiers. Dans les années 80, avec la dérégulation financière, les grandes banques et les grands gestionnaires de comptes ont investi partout, y compris dans des industries que l’on pourrait considérer comme moins responsables, ou moins « socialement ou environnementalement utiles ». Mais avec le temps, la pression s’est accrue sur les acteurs financiers pour qu’ils gèrent mieux leurs portefeuilles d’investissement. Sous cette pression, la finance a commencé à se détourner de certaines industries : d’abord les armes ou le tabac, pour des raisons sociales, puis plus récemment des entreprises du charbon, pour des raisons environnementales.

Ces dernières années, le mouvement s’accélèrent, et de plus en plus d’investisseurs prétendent se soucier de durabilité. Dans une étude publiée en 2015 PWC constatait que de nouveaux critères commençaient à apparaître dans la gestion des portefeuilles financiers : les critères de RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) et les critères ESG (Environnement, Social et Gouvernance). Ainsi, l’étude montrait que plus de 83% des investisseurs disaient vouloir diversifier leurs portefeuille en misant sur des entreprises, des projets, des actifs respectant les critères de la RSE, ou ayant un impact social et environnemental plus positif. (voir aussi : Les investisseurs misent (doucement) sur la RSE)

Ils étaient même 70% à déclarer qu’ils pourraient renoncer à un investissement sur le projet ne respectait pas ces critères de durabilité…

Finance et ESG : une question de performance de long terme

Finance-Climat

Une nouveau sondage vient confirmer cette tendance : The Investing Enlightment publié en 2017 par State Street. Ce sondage, menée auprès de 1600 gestionnaires de fonds représentant collectivement près de 62 000 milliards de dollars d’investissement montre que les critères ESG s’invitent désormais petit à petit dans la gestion des portefeuilles financiers.

D’abord, les investisseurs ont pris conscience que les investissements avec des scores ESG plus élevés pouvaient aussi être rentables. D’une manière générale, les entreprises disposant d’une stratégie RSE globale, intégrant les critères ESG, peuvent être performants dans la mesure où ils gèrent mieux leurs risques. Les investisseurs l’ont bien compris : 65% estiment qu’intégrer les critères ESG dans une stratégie d’investissement ne nécessite pas de sacrifice sur la performance financière. Il y a quelques années à peine, une étude Cerulli Associates montrait que la relation entre intégration des critères ESG et performance financière était considérée comme un challenge important pour 60% des acteurs financiers. C’est donc que la tendance évolue.

D’autre part, les investisseurs associent RSE et ESG avec les gains de long terme. En effet, 62% des investisseurs estiment qu’intégrer les critères RSE dans sa stratégie d’investissement est un moyen de mettre en place une stratégie d’investissement de long terme performante. Les professionnels du secteur voient bien que les critères sociaux et environnementaux deviennent de plus en plus importants pour un certain nombre d’acteurs du système économique (les institutions publiques, certains citoyens) et ils savent bien que sans s’engager dans le monde de la finance ESG, ils courent un risque réputationnel et même réglementaire.

Finance et RSE : encore des progrès à faire

Toutefois, il ne faudrait pas croire que l’enthousiasme affiché par les investisseurs signifie une soudaine révolution vers une finance responsable. Les financiers ne sont pas devenus, loin s’en faut, des philanthropes à la recherche de l’intérêt général. D’autant qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant que l’ESG ne soit une pierre angulaire du monde de la finance.

D’abord, parce qu’il n’y a pas aujourd’hui de consensus sur un cadre méthodologique de mesure des impacts sociaux et environnementaux. Ainsi s’il existe bien des outils pour mesurer l’impact environnemental ou social d’un projet (l’empreinte économique locale, le bilan carbone ou encore l’analyse de cycle de vie) ces méthodes sont encore hétérogènes. Il n’existe pas un modèle unique de mesure et de calcule qui permette des comparaisons fiables. Ainsi 60% des investisseurs institutionnels considèrent qu’il manque un cadre commun sur cette question. Et dans les faits, les critères ESG sont aujourd’hui si flous que les labels et normes de la finance durable ne sont pas vraiment une garantie de durabilité.

Ils sont également 34% à être inquiets des coûts que demandent l’intégration de ces critères. En effet, dans la mesure où à l’heure actuelle l’analyse des données sociales ou environnementales ne fait pas partie du coeur de métier des acteurs financiers, ces derniers sont bien souvent contraints de faire appel à des prestataires extérieurs ou à des consultants pour les épauler dans cette tache. Et ce coût supplémentaire représente un frein au développement de la pratique.

Autre point à considérer : à l’heure actuelle, 47% des sondés (soit pratiquement un sur deux) considère la « Value-Based Exclusion » (c’est-à-dire l’idée qu’il faut arrêter d’investir dans les actifs qui ne correspondent pas à certaines valeurs) comme leur méthode privilégiée pour prendre en compte les critères ESG. Or si cette méthode a ses avantages (c’est sur ce principe que se fonde le mouvement du désinvestissement du charbon par exemple), elle ne permet pas d’avoir une approche globale et holliste de la performance ESG d’un projet. En d’autres termes, avec cette méthode, un investisseur refusera de placer ses actifs dans un projet qui traite du charbon, des armes ou qui implique de la déforestation, mais il ne saura pas pour autant si le projet dans lequel il investit est meilleur que la moyenne sur les critères sociaux et environnementaux. De plus, la plupart des fonds d’investissements qui se revendiquent « durables » se contentent d’approches encore moins ambitieuse, qui incluent souvent dnas leur portefeuilles des actifs des énergies fossiles, par exemple.

Il reste donc un peu de chemin à faire avant que l’intégration des critères ESG se fasse pleinement dans le monde de la finance, et que la finance durable puisse espérer être efficace. Mais la tendance montre que cela commence à percer et que désormais, les investisseurs associent RSE, ESG et valeur de long terme.