« OurOceans », c’est le nom de la conférence ayant lieu tous les ans depuis 2014 à Washington dédiée aux enjeux océaniques. Il s’agit de l’une des plus grandes conférences au monde au sujet de la protection des océans du globe. « OurOceans », « Nos Océans » en français, a pris cette année une connotation particulière, dans la droite ligne de la COP21 qui s’est tenue à Paris en décembre dernier. Elle a en effet été l’occasion pour tous les pays participants d’annoncer leurs programmes de protection des océans : entre aires marines protégées, objectifs de protections et fin de la pollution aux sacs plastiques, les annonces ont été pour une fois retentissantes. Alors, les Etats sont-ils vraiment convaincus de la nécessité de préserver les espaces naturels marins ? Faisons le point sur les annonces !
Les Etats-Unis affichent leurs ambitions pour protéger les océans
À tout seigneur, tout honneur comme dit le dicton. C’est la troisième fois que les USA organisent la conférence OurOceans, voulue par le secrétaire d’Etat John Kerry, et ils ne se sont donc pas privés de faire les annonces parmi les plus importantes.
En premier lieu le Secrétaire d’Etat américain a annoncé que 60 pays avaient ratifié le « Port State Measures Agreement » : cet accord est issu de recommandations de la FAO pour en finir avec la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (IUU en anglais). Il liste une série de mesures que s’engagent à prendre les états signataires afin d’empêcher tout débarquement dans leurs ports des ressources issues de la pêche IUU. 10 Etats l’avaient signé en 2014 lors de la première conférence OurOceans, ils sont en 2016 60 à s’engager dans la lutte contre ce fléau des mers.
Mais l’annonce la plus spectaculaire est venue du Président Obama en personne, qui a tenu a annoncer une nouvelle réserve au large des côtes de la Nouvelle-Angleterre, dans l’océan Atlantique. C’est la première réserve marine créée par les USA dans l’Atlantique : « the Northeast Canyons and Seamounts Marine National Monument » est une dorénavant une zone protégée de 5000 Km². Si cette annonce s’est faite autant remarquer c’est parce que les Etats Unis avaient déjà annoncé le 31 Août dernier doubler la surface de protection du « Papahānaumokuākea Marine National Monument », situé au large de l’archipel d’Hawaï. Cette annonce en a fait tout simplement la plus grande aire marine protégée au monde : elle couvre dorénavant 1 500 000 km², soit deux fois la taille du Texas !
[box]Pour plus d’informations :
Les aires marines protégées : à quoi ça sert ?[/box]
Les Etats Unis possèdent la première surface maritime au monde, ce qui explique en partie la taille gigantesque des aires marines protégées annoncées.
Aires marines protégées : le Royaume-Uni se fait voler la vedette
Les américains ne sont pas les seuls à être venus avec d’immenses aires marines protégées dans leurs bagages. Le Royaume Uni a ainsi annoncé doubler la superficie des aires marines protégées dans ses territoires d’outre-mer : avec les îles Pitcairn (840,000 Km² dans le Pacifique) et les eaux entourant l’île de Sainte Hélène (445,000 Km² dans l’Atlantique Sud) nos voisins d’outre manche se sont attribués le record de la plus grande surface marine protégée… Pendant une semaine, le temps que le Président Obama fasse son annonce.
Cette avancée dans la protection s’accompagne, une fois n’est pas coutume, de l’annonce d’une zone interdite à la pêche industrielle, sur l’intégralité de l’aire marine protégée de Pitcairn et sur la moitié de celle de Sainte Hélène. En 2019 et 2020 deux nouvelles zones iront grossir les rangs dans l’Atlantique, autour des îles d’Ascension et de Tristan Da Cunha : le Royaume Unis va donc prochainement dépasser les 4 millions de Km² d’aires marines protégées.
Protection des océans : et la France alors ?
La France, représentée par la Ministre de l’Environnement et Présidente de la COP21 Ségolène Royal, a tenu son rang de seconde surface maritime au monde en annonçant avoir dépassé l’objectif de 20% d’aires marines protégées, fixé par le Grenelle de la Mer en 2009.
En effet avec la création des AMP du Cap Corse, de la Mer des Perthuis et bientôt de la Martinique, ce sera 21% des 11 millions de kilomètres carrés des eaux sous juridiction française qui seront protégées en 2017. Il faut y ajouter l’agrandissement de la réserve marine des terres arctiques et australes françaises qui a été validé il y a quelques semaines et l’annonce d’une AMP à venir autour de l’atoll de Clipperton dans le Pacifique. Une zone d’interdiction de pêche y sera bientôt annoncée.
Il y a deux ans, la France ne disposait que de 4% de son espace maritime protégé.
Ségolène Royal a aussi annoncé la création d’une « coalition des pays pour l’interdiction des sacs plastique », dans la continuité de l’interdiction de commercialisation de ces sacs plastiques depuis le 1er Juillet en France. L’Australie et le Maroc ont annoncé leur intention de rejoindre cette coalition.
Voilà pour les annonces les plus marquantes, mais ce sont pas moins de 14 actions que la France s’est engagée à soutenir ou à développer : relance du sanctuaire PELAGOS, l’initiative internationale des petites îles durables, soutien au projet Polar Pod de l’explorateur Jean Louis Etienne, etc.
Beaucoup de bonnes intentions pour la protection des océans, mais…
On l’a vu, les annonces de création d’AMP gigantesques tiennent la corde. Alors si c’est déjà une bonne avancée pour une meilleure gestion des océans, la problématique reste toujours la même : plus une aire marine protégée est grande, moins son statut de protection est important. La raison en est simple : plus la protection d’une zone est importante plus elle demande des moyens et donc, coûte cher. Ce qui est faisable sur une petite surface au niveau de la Police des Mers ne l’est pas à l’échelle d’un continent. Et si la France l’a bien compris pour la métropole, principalement couverte par de petites aires marines protégées, ce n’est pas le cas de l’outre-mer qui dispose d’AMP comme le Parc Naturel de la Mer de Corail de… 1 300 000 Km², soit 78% du total des eaux françaises sous protection !
Aucun pays n’a les moyens de surveiller des centaines de milliers de kilomètres de mer pour s’assurer de la bonne gestion de l’espace marin protégé. En France cette mission est en partie dévolue à la Marine Nationale, en particulier dans l’Atlantique Sud, qui a déjà fort à faire avec ses moyens limités. Alors les pays créant ces AMP comptent sur la bonne volonté des acteurs locaux et sur leurs plans de gestion pour atteindre leurs objectifs. Et de la bonne volonté il va en falloir pour que ces AMP ne restent pas de simples effets d’annonce : au 1er Janvier 2015 seul 2,14 % des aires marines protégées françaises disposaient d’un plan de gestion !
Finalement la meilleure nouvelle pourrait être celle ci : les Etats présents à cette conférence ont relevé que les océans étaient absents des conférences sur le climat qui se tiennent depuis vingt ans… alors qu’ils couvrent 70 % de la planète et que 80 % de la population mondiale vit à moins de 100 km d’un littoral.
De quoi espérer une réelle prise de conscience pour la protection de notre « patrimoine commun de l’humanité » qu’est la mer.