Alors que la transformation durable de nos sociétés et de nos économies subit une contestation de plus en plus « vocale », il est important de comprendre les obstacles sociaux, psychologiques et politiques qui freinent le changement des mentalités et conduisent à l’inaction écologique. C’est ce à quoi s’est attelé le nouvel Observatoire des Opinions écologiques (Obope) qui vient de livrer son étude sur les freins des Français concernant la transition écologique réalisée par Cluster 17. Le point, en infographie.
« On parle beaucoup d’écologie mais on ne fait rien…ou si peu. Nous avions envie de comprendre les raisons de l’écart entre l’impression d’une conscience généralisée de l’urgence écologique et sa traduction marginale dans la réalité politique et sociale. Connaître les arguments et leur sociologie permet en effet d’améliorer la capacité à mobiliser », souligne Edouard Virna, l’un des jeunes co-fondateurs de l’Observatoire des Opinions Ecologiques (Obope). Pour ce faire, celui-ci s’est associé à Cluster 17, un laboratoire d’études de l’opinion qui travaille selon une méthode particulière de segmentation des sociétés en clusters, en réunissant les individus selon leur système de valeurs, de niveau de vie, de pensée politique et d’attitude.
De cette étude (voir méthodologie plus bas), il en ressort une variété de raisons justifiant l’inaction écologique : du déni climatique aux contraintes économiques en passant par le désespoir ou au contraire un surcroît d’optimisme. Dans beaucoup de cas, ces arguments ne sont pas forcément majoritaires dans l’opinion. On voit par exemple que 66% des Français pensent que des mesures contraignantes sont en réalité nécessaires face à l’urgence écologique. Mais pour être acceptées, celles-ci doivent être « justes » : 55% des sondés ne veulent pas s’engager pour l’environnement tant que les « premiers responsables » (non nommés) n’y mettent pas du leur.
Fatalisme écologique
Cependant, prises ensemble, ces différentes oppositions nuisent à l’action, d’autant plus qu’elles peuvent être très « vocales » et portées par des populations influentes. Leurs arguments sont d’autant plus compliqués à démonter que « s’ils peuvent s’appuyer sur des considérations pratiques et matérielles » non abordées dans le rapport, « ils sont également motivés par des perspectives psychologiques et sociales et sont de l’ordre de la conviction intime et/ou de la fausse excuse », estime Edouard Virna.
C’est notamment le cas du « fatalisme » écologique dont la « tentation grandit », un peu partout dans le monde et notamment en France, selon l’édition 2024 du baromètre de la transition écologique réalisé par Elabe pour Veolia. On y voit que 13% des Français interrogés estiment qu’il est trop tard pour limiter le dérèglement climatique et les pollutions (+4 pts par rapport à la moyenne des pays étudiés) et que seuls 32% pensent que l’on peut y arriver (-27 pts).
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Des freins marqués politiquement dans un contexte électoral tendu
L’un des points soulevés par l’étude Obope est notamment le marquage politique des freins. On voit ainsi que les les électeurs de droite et d’extrême droite (ainsi que catégories d’âge les plus élevées et les plus riches), sont prépondérants dans l’individualisme, le climato-rassurisme (et le technosolutionnisme), le fait de pointer la responsabilité d’autres pays ou l’hostilité à l’écologie en général. Cela est corrélé par d’autres études comme celle de l’Institut Jean Jaurès sur le climato-scepticisme comme « nouvel horizon du populisme français » ou le baromètre de la transition écologique de Véolia. Dans ce dernier, on voit ainsi que le déni climatique est prépondérant dans les conservateurs et populistes d’extrême droite dans tous les pays évalués, dont la France (+25 points par rapport à la moyenne nationale).
Cela pose notamment question dans le contexte électoral actuel. Alors que le 9 juin, les populations des 27 États membres votent pour renouveler le Parlement européen, les derniers sondages montrent une montée en force des populismes et de l’extrême droite dans tous les pays. C’est aussi le cas en France. La liste du Rassemblement national, emmenée par Jordan Bardella, caracole largement en tête, à 32%. Elle est bien loin devant celle de la majorité présidentielle (15,5%) ou celle du PS/Place publique (12%), selon le baromètre politique d’Odoxa, réalisé par Mascaret pour Public Sénat et la presse quotidienne régionale, publié le mardi 30 avril. Or les partis politiques de droite et d’extrême droite ont fait de la remise en question des réglementations écologiques un argument de poids de leur campagne. Dans un tel contexte, on ne peut que s’inquiéter de la poursuite de l’ambition européenne en matière de transformation écologique.
Vers une polarisation de la société sur la question écologique ?
L’étude Obope est basée sur un sondage adressé à un échantillon de 1529 personnes en juillet 2023 et le traitement des données brutes a été réalisé par l’Institut Cluster 17. Il est composé d’une série de 31 affirmations de positionnement face à la transformation écologique, face auxquelles les sondés devaient positionner leur accord sur une échelle allant de tout à fait en désaccord à tout à fait d’accord. « Certaines affirmations sont volontairement formulées de manière relativement biaisée. L’objectif était de tester des idées fortes, parfois formulées sous forme de “punchlines” que l’on pourrait entendre dans les médias et d’évaluer si, malgré leur formulation provocatrice, ces propositions parviennent à récolter de l’adhésion », souligne l’Obope. Par exemple : « La démocratie a montré ses limites face au défi écologique : il ne faut plus hésiter à passer en force (type 49.3 ndlr) pour faire adopter des mesures écologiques urgentes et nécessaires ». Cette affirmation à la formulation « radicale » a par exemple reçu 40% d’opinions favorables, notamment chez les électeurs de Yannick Jadot, mais divise profondément les jeunes par exemple alors que curieusement les plus âgés s’y montrent plus favorables. De l’autre côté, la question de savoir si « la prise de mesures écologiques ambitieuses paralyserait le pays » divise les Français en 2 : 48% sont d’accord et autant contre. Des points qui tendent à montrer une polarisation de la société.
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