Les produits équitables sont de plus en plus présents dans les supermarchés. Mais qu’est-ce qu’un produit équitable ?  Comment est apparu et s’est développé le concept de commerce équitable ? Comment est-il encadré ? Concerne-t-il uniquement des produits venant des pays dits du Sud ? Permet-il réellement d’améliorer la vie des producteurs ? 

Définition du commerce équitable

Le commerce équitable est une façon de commercer qui assure une juste rémunération aux producteurs issus de pays pauvres pour leur permettre de développer leur activité à long terme ainsi que leur niveau de vie, tout en pratiquant si possible des modes de production respectueux de l’environnement.  Le commerce équitable a donc pour objectif de réduire les inégalités sociales et environnementales dans le monde.
Concrètement, le commerce équitable se traduit par une convention de partenariat établie entre un acheteur (entreprise de distribution par exemple) et un producteur afin de lui garantir un revenu minimum, quelles que soient les fluctuations du marché. L’idée est de lui assurer une part de revenus plus importante que celle qu’il obtiendrait dans le commerce conventionnel, ce qui se répercute sur le prix payé par le consommateur.

Les origines du commerce équitable

Le point de départ : l’échec de l’idéologie libérale pour réduire les inégalités

Le commerce conventionnel, fondé sur le principe de l’économie de marché, n’a pas permis de réduire les inégalités voire les a renforcées dans les pays défavorisés. Alors que les producteurs restent dans une situation précaire, les grandes entreprises de la distribution dotées de moyens considérables ont les moyens nécessaires pour orienter la consommation. Or, leur volonté de baisse des coûts tend à augmenter les pressions subies les producteurs, déjà en situation de faiblesse dans la chaine de production.
Mais ce schéma de production ne prend pas en compte le poids que peuvent avoir les consommateurs finaux pour orienter les pratiques vers une prise en compte de la dimension sociale dans le commerce.
Et c’est justement sur l’idée que le consommateur a un rôle à jouer pour réintégrer la dimension sociale, en acceptant de payer un peu plus chers certains produits, que sont fondées les bases du commerce équitable.

Les origines religieuses fondées sur l’éthique protestante du commerce équitable

A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, alors que la mondialisation et certains de ses travers se développaient, deux associations américaines chrétiennes anabaptistes, Ten Thousands Villages et Sales Exchange for Refugee Rehabilitation, ayant remarqué que des producteurs des pays du Sud étaient en situation d’extrême pauvreté, se mirent à commercer avec plusieurs de ces producteurs. Le but était de leur acheter certains produits directement à un prix plus important que celui qui aurait été payé par les grandes entreprises ou les acheteurs locaux pour participer le développement de la population.
La mise en place de ces pratiques d’achats directs auprès de communautés défavorisées originaires d’Haïti, de l’île de Puerto Rico ou de la Palestine par ces deux associations chrétiennes est considérée comme les début du commerce équitable. Toutefois, ce mouvement de charité a rapidement été repris par les opposants à la mondialisation.

La récupération par les mouvements anticapitalistes

Dans les années 1950-1960, l’économiste Alfred Sauvy a démocratisé la notion de tiers monde. Un mouvement s’est alors de suite emparé du concept pour critiquer les excès du libéralisme, responsable aux yeux des altermondialistes de toutes les inégalités sociales.
Ce mouvement naissant prônait la création d’une nouvelle façon de commercer en dehors des circuits de distribution classique. Ce commerce « alternatif » et militant se voulait être une relation de partenariat (et non de la charité, dans la mesure où il y avait un échange monétaire).

Les premières boutiques du commerce équitable

Par la suite, en 1964, l’association Oxfam créa une organisation spécialisée dans le commerce avec des producteurs venant de pays du Sud. Cette organisation permit d’ouvrir en 1969 le premier magasin associatif géré bénévolement par les militants : World Shop. Dans les deux ans, une vingtaine d’enseignes similaires ouvrirent.
En France, c’est en 1974, sous l’initiative de l’abbé Pierre qu’un magasin « Artisans du monde » vit le jour. Plusieurs autres suivirent rapidement, si bien que les enseignes se regroupèrent en « Fédération des Artisans du monde » en 1981, soutenue par le Comité catholique contre la faim et pour le développement.
Enfin, en 1988, un missionnaire néerlandais du nom de Frans Van der Hoff qui avait effectué une partie de son service en Amérique du Sud lança le premier label du commerce équitable : le label Max Havelaar, destiné à garantir une juste rémunération aux producteurs de cafés mexicains, en garantissant un circuit de distribution conforme à certaines normes sociales et environnementales.
Depuis, le commerce équitable n’a cessé de gagner du terrain et s’est développé tant à travers des labels spécialisés qu’à travers le lancement de nouvelles marques. Il en est de même pour la distribution des produits équitables : au départ cantonnés dans des boutiques spécialisées, ils se retrouvent désormais tant dans les enseignes spécialisées que dans les grandes et moyennes surfaces, ce qui a contribué à démocratiser le concept.

Le cadre règlementaire du commerce équitable

La définition proposée par les fédérations internationales du commerce équitable

En 2001, avant que le droit français ne propose une définition légale du commerce équitable, les principales fédérations du commerce équitable (Fairtrade International, l’European Fair Trade et la World Fair Trade Organisation) ont proposé une définition du commerce équitable.
Le commerce équitable est selon leurs termes un « partenariat commercial, fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète. Les organisations du commerce équitable (soutenues par les consommateurs) s’engagent activement à soutenir les producteurs, à sensibiliser l’opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et pratiques du commerce international conventionnel ».

La définition du commerce équitable donnée par la loi du 2 août 2005

En droit français, l’encadrement légal du commerce équitable à deux fondements distincts : la loi et les labels privés (ces derniers sont néanmoins encadrés par règlement).
Au niveau législatif, c’est la loi du 2 août 2005 qui a donné une définition du commerce équitable. L’article 60 de cette loi amendée par l’article 94 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire dispose que :
« I. Le commerce équitable s’inscrit dans la stratégie nationale de développement durable.
 II. Le commerce équitable a pour objet d’assurer le progrès économique et social des travailleurs en situation de désavantage économique du fait de leur précarité, de leur rémunération et de leur qualification, organisés au sein de structures à la gouvernance démocratique, au moyen de relations commerciales avec un acheteur, qui satisfont aux conditions suivantes :

  • Un engagement entre les parties au contrat sur une durée permettant de limiter l’impact des aléas économiques subis par ces travailleurs, qui ne peut être inférieure à trois ans ;
  • Le paiement par l’acheteur d’un prix rémunérateur pour les travailleurs, établi sur la base d’une identification des coûts de production et d’une négociation équilibrée entre les parties au contrat ;
  • L’octroi par l’acheteur d’un montant supplémentaire obligatoire destiné aux projets collectifs, en complément du prix d’achat ou intégré dans le prix, visant à renforcer les capacités et l’autonomisation des travailleurs et de leur organisation. Chaque entreprise intervenant dans ces filières est en mesure de produire des informations relatives à la traçabilité des produits. Les entreprises faisant publiquement état de leur appartenance au commerce équitable participent à des actions de sensibilisation et d’éducation à des modes de production et de consommation socialement et écologiquement durables».

L’encadrement règlementaire des labels et les principaux labels existants

L’encadrement règlementaire des labels du commerce équitable

Un label se définit comme une marque protégée, collective et distinctive, constituée par un organisme public, parapublic ou encore une organisation internationale ou professionnelle. Un label est apposé sur un produit lorsqu’il respecte le cahier des charges du label. Cela permet d’en garantir l’origine, la qualité ou la conformité à certaines normes, tout en distinguant le produit par rapport aux produits concurrents.
Concernant les labels du commerce équitable, ils ont été encadrés par la loi du 2 août 2005 en faveur des PME. Le texte a ensuite été modifié par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances et dispose que : « Les systèmes de garantie et les labels de commerce équitable sont reconnus par une commission selon des modalités définies par décret ».
Le décret créant la commission chargée de reconnaître les différents labels a été adopté le 19 octobre 2015. Son article 3 énonce notamment que la commission de concertation du commerce est chargée de reconnaître les labels du commerce équitable s’il prend en compte des critères suivants :

  • « Échanges commerciaux poursuivant le développement économique et social durable ;
  • Existence d’un dispositif de régulation des prix ;
  • Caractère démocratique des groupements de producteurs ;
  • Respect d’engagements environnementaux et sociaux contrôlés par un tiers ;
  • Initiatives valorisant des modes de production et d’exploitation respectueux de la biodiversité ;
  • Transparence vis-à-vis des consommateurs.

Les décisions de reconnaissance sont prononcées pour une durée de trois ans renouvelables ».
Cependant, la reconnaissance publique des labels du commerce équitable, annoncée par le décret précité n’a toujours pas été mise en place pour le moment.

Quelques labels connus dans le domaine du commerce équitable

L’existence de labels garantit que les produits labellisés respectent un cahier des charges intégrant les exigences du commerce équitable, en termes de rémunération des producteurs et d’amélioration de leurs conditions de vie en particuliers.
Les labels du commerce équitable ont été essentiellement établis par les fédérations internationales intervenant dans le domaine.
On peut distinguer entre les labels s’intéressant aux produits en provenance des pays du Sud et concernant par conséquent l’encadrement des filières « Nord-Sud », et ceux pouvant s’appliquer à tous les produits, quelle que soit leur origine géographique.
Ainsi, parmi les labels « Nord-Sud », on peut citer :

  • Le label Fairtrade/Max Havelaar ;
  • Le label SPP (Symbole des producteurs paysans)

Les autres labels valables pour des produits provenant tant du Nord que du Sud sont :

  • WFTO (World Fair Trade Organization) ;
  • BioPartenaire ;
  • Fair for Life
  • Ou encore ATES (Association pour le tourisme équitable et solidaire).

Enfin, un des labels a un champ d’application restreint à la France uniquement, à savoir le label Agriéthique. Le cahier des charges de ce label prend en compte des critères économiques, sociaux et environnementaux avec pour objectif premier de fixer un prix suffisant des matières premières achetées aux producteurs du territoire français.

Les principales caractéristiques du secteur

Un secteur qui se démocratise

Le commerce équitable se démocratise auprès du public : alors qu’en 2000, seulement 9% des français avaient entendu parler de ce commerce d’après un sondage IPSOS, ils étaient 99% à connaître le commerce équitable en 2012 (toujours selon un sondage IPSOS).

Le commerce durable : un commerce essentiellement alimentaire

L’alimentation est sans conteste le premier secteur concerné par le commerce équitable. En 2017, les produits alimentaires représentaient en effet 95% des produits issus du commerce équitable vendus ; les 5% restant se répartissent entre le textile, l’artisanat, la cosmétique et le tourisme. Parmi les produits alimentaires les plus vendus, arrivent en premier lieu les boissons chaudes, comme le café, le chocolat chaud (issu du cacao) ou le thé. Puis, viennent les biscuits et les fruits.

L’augmentation croissante des produits équitables et biologiques

En outre, il se développe depuis peu une véritable convergence entre les produits équitables – donc qui prennent en compte la rémunération et la qualité de vie des producteurs – et les produits biologiques. En 2017, les produits bio-équitables représentaient 80 % des produits proposés par de la filière internationale selon l’agence Commerce équitable France.

Le commerce équitable Nord-Nord en développement

Enfin, alors qu’initialement le commerce équitable était essentiellement un commerce Nord-Sud, on constate ces dernières années que la filière Nord-Nord se structure. Selon les informations de l’agence Commerce équitable France, 31% des produits vendus labellisés commerce équitable sont issus de la filière française. Ces produits sont également essentiellement alimentaires avec surtout des produits de boulangerie (à hauteur de 46%) et des fruits et légumes (à hauteur de 23%).

Les controverses du commerce équitable

Des pratiques aux effets controversés : quels avantages ?

Pour le grand public, acheter un produit labellisé « équitable » semble être une garantie des qualités sociales voire environnementales du produit, mais le quotidien des producteurs n’est en réalité pas toujours amélioré.
Par exemple, le documentaire diffusé sur Arte en août 2018 de Luc Hermann et Gilles Bovon « Starbucks sans filtre » a mis en lumière les dessous du partenariat de la marque avec le label Fairtrade. Le reportage dénonce le fait que le label a adapté son cahier des charges pour convenir à l’entreprise mais il montre surtout que le quotidien des producteurs mexicains est resté similaire à ce qu’il était avant la labellisation.
Cet exemple n’est qu’un exemple parmi d’autres du marketing développé autour du commerce équitable, de plus en plus lucratif. Il convient donc d’être attentif au circuit de distribution lorsqu’on achète équitable, mais les labels eux-mêmes ont parfois du mal à avoir une vision précise des circuits.

L’efficacité incertaine des pratiques de commerce équitable

En effet, l’efficacité du commerce équitable et sa capacité à rémunérer correctement les producteurs peuvent être mis en doute dans la mesure où :

  • D’une part, le coût de la certification est très élevée pour les producteurs et le cahier des charges particulièrement contraignants, ces derniers ne pouvant alors pas répercuter suffisamment l’investissement sur le prix de vente.
  • D’autre part, l’argent payé en plus par le consommateur final n’est pas toujours équitablement réparti et enrichit parfois plus le circuit de distribution. Le manque de transparence est d’ailleurs fréquemment dénoncé.
  • Enfin, le commerce équitable Nord-Sud est limité à des productions à faible valeur ajoutée qui ne permettent pas aux producteurs de se développer. Et plus généralement, les pays en développement ont tout intérêt à diversifier leur économie, à s’industrialiser pour produire des biens à plus forte valeur ajoutée. Néanmoins, cette remarque ne concerne pas le commerce équitable Nord-Nord basé sur des produits plus élaborés.

Au final, malgré quelques controverses, le commerce équitable reste une initiative bienvenue pour faire évoluer le commerce conventionnel et rémunérer à leur juste valeur les producteurs souvent victimes des grands circuits de distribution, qui leur imposent des prix dérisoires. Son succès croissant en France confirme le dynamisme du secteur et l’intérêt croissant des consommateurs pour les produits locaux laisse entrevoir un bel avenir également pour le commerce équitable Nord-Nord. 
 
Crédit image : Shutterstock, commerce équitable.