Qu’est-ce que la « raison d’être » pour une entreprise ? Quelles en sont les illustrations emblématiques ? En quoi le choix d’une raison d’être inscrit-il l’entreprise dans une stratégie globale sociéto-économique ?

Définition de la raison d’être

La raison d’être d’une entreprise, qui s’inscrit à la fois dans le cadre et au-delà de son objet social, se caractérise par l’expression d’un objectif d’intérêt général qui outrepasse la simple recherche du profit à court terme.

Cet objectif s’accompagne de principes ad hoc et d’un engagement pour l’affectation des moyens nécessaires à leur mise en œuvre.

Déclinaison française du purpose ou du mission statement anglo-saxons, la raison d’être s’appuie sur un choix de volontariat et non pas sur une obligation légale. Partie intégrante d’une démarche RSE (responsabilité sociale/sociétale des entreprises) assumée, elle peut être inscrite officiellement dans les statuts de la société grâce à une modification apportée au Code civil dans le cadre de la loi PACTE (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) de mai 2019. L’existence juridique d’une raison d’être n’est cependant pas nécessaire : elle peut être formulée sans inscription aux statuts.

Quelques exemples notoires de raison d’être

  • Carrefour : illustré par une formule de type slogan (« la transition alimentaire pour tous »), le groupe de grande distribution intègre à ses statuts un enjeu de qualité accessible au plus grand nombre, privilégiant l’adaptabilité aux territoires et aux modes de production/consommation.
  • Danone : le groupe se positionne quant à lui sur un enjeu de « souveraineté alimentaire » sur le long terme, et sollicite des critères d’évaluation de la marque à l’aune de son apport à la réalisation globale de cet objectif.
  • Veolia : l’entreprise se fixe un engagement de contribution au progrès humain basé sur les objectifs de l’ONU en matière de développement durable, et communique sur cet engagement sans pour autant l’inscrire à ses statuts.
  • SNCF : l’opérateur historique de chemins de fer prend acte sur le double critère de la liberté/facilité de déplacement et de la préservation de l’environnement, notamment en arguant de l’efficacité énergétique du train en matière de transports.
  • Orange : les choix sont ceux d’un « monde numérique responsable », dont la marque s’engage à être un acteur majeur.

Pourquoi penser la raison d’être de son entreprise ?

Depuis plusieurs années, les attentes citoyennes envers les entreprises évoluent. De plus en plus, il est attendu des acteurs économiques qu’ils contribuent non seulement à la création de richesse et à l’emploi via leur activité économique, mais aussi qu’ils aient un impact positif sur les autres aspects de la vie sociale et économique. Une bonne part de la réputation d’une entreprise tient aujourd’hui à sa capacité à démontrer comment elle contribue positivement à l’amélioration globale de la société et à l’intérêt général.

Dans ce contexte, se doter d’une raison d’être permet de clarifier la position de l’entreprise dans la société et de démontrer clairement la façon dont elle entend réaliser cette contribution positive. Cette clarification peut avoir des effets bénéfiques notables sur la dynamique de l’entreprise. En donnant une ligne directrice claire à toutes les directions, elle permet de mieux focaliser les processus d’innovation et de développement sur les bons objectifs. Cela fournit aux managers des clefs pour définir les bonnes cibles à atteindre. En termes de capital humain, la raison d’être permet aussi d’améliorer la loyauté des collaborateurs, leur motivation, la vision de leur contribution au sein de la société.

D’une manière générale, une entreprise dotée d’une raison d’être se dote d’un positionnement plus clair auprès de ses parties prenantes.

Raison d’être : démarche globale et stratégie d’entreprise

À l’ère du greenwashing et autres déclinaisons du marketing de l’éthique écoresponsable, la tentation peut être grande de se doter d’une raison d’être flatteuse et de se contenter de communiquer sur cet argument pour se forger une image de marque dans l’air du temps. Ce type d’artifice rhétorique, cependant, ne peut être qu’un feu de paille contre-productif dans le monde des réseaux sociaux et de la réactivité immédiate et permanente.

Pour être efficace tant en termes de reconnaissance que de pertinence, une raison d’être doit être le moteur d’une démarche globale de l’entreprise, incluant une stratégie de long terme ancrée sur une prise en compte exhaustive de tous les tenants et aboutissants :

  • pertinence du choix de la raison d’être par rapport au domaine d’activité et à l’objet social de l’entreprise,
  • consultation des parties prenantes,
  • choix d’une formulation optimale et définition d’une intention stratégique et d’objectifs clairs et réalistes,
  • viabilité de ces objectifs en regard des moyens disponibles et potentiels,
  • plan d’affectation effective desdits moyens,
  • conception et mise en œuvre d’une grille d’évaluation à court, moyen et long terme, soumise à validation contradictoire d’une sélection représentative de parties prenantes.