Quelle est la définition des Social Impact Bonds ? À quoi servent-ils ? Exemples, enjeux, avantages et limites, on vous dit tout sur les SIB.

Définition des Social Impact Bonds (ou Contrats à Impact Social)

Les Social Impact Bonds (SIB) ou Contrats à Impact Social sont des obligations financières émises par le secteur public auprès d’acteurs privés afin de financer des projets sociaux, et dont le paiement est conditionné à la réussite du projet.
Autrement dit, un acteur privé passe un contrat avec un acteur public, où il s’engage à financer une action sociale déterminée en échange d’un paiement par l’acteur public d’intérêts financiers si les résultats sont atteints. Les social impact bonds permettent à des acteurs privés de financier des projets sociaux à but non lucratif à travers des obligations émises par les pouvoirs publics, et dont la rémunération dépend des résultats du projet (les pouvoirs publics ne rémunèrent les obligations qu’en cas de réussite)

Le concept de Social Impact Bonds : un exemple simple pour comprendre

Un acteur public souhaite agir sur un problème social, par exemple, réduire la déscolarisation des jeunes. Pour financer des actions de terrain agissant sur ce problème social, a besoin d’argent. Pour trouver cet argent, l’acteur public va émettre des obligations (une dette, appelée le SIB), que des acteurs privés (une entreprise par exemple) peuvent acheter. Ensemble, ces deux parties définissent comment l’argent sera utilisé (quelles organisations seront financées, pour quelles actions, quels résultats sont attendus, quelle est la rémunération perçue par l’acteur privé…).
L’argent ainsi acquis sert à financer des associations, organisations ou fournisseurs de services qui vont agir sur le terrain pour agir sur la déscolarisation des jeunes, par exemple en faisant de la sensibilisation ou en mettant en place des programmes de mise à niveau et d’aides au devoir. À l’issue du contrat obligataire, la collectivité s’engage à rembourser l’entreprise, et à lui verser des taux d’intérêt si l’opération mise en œuvre atteint les résultats définis dans le contrat obligataire.

Intérêts et avantages des Social Impact Bonds (SIB) : pourquoi faire ?

Le principal intérêt des Social Impact Bonds est de permettre à l’Etat de financer des projets à visée sociale qu’il n’aurait pas les moyens d’aider sans cela.

Le paradoxe de l’action sociale et l’intérêt des Social Impact Bonds :

Il existe en effet un paradoxe de l’action sociale des pouvoirs publics.
D’un côté, investir dans l’action sociale permet à un agent public de faire des économies à long terme : par exemple, financer la lutte contre l’alcoolisme permet à long terme la réduction des dépenses de santé, des accidents de la route et d’autres problèmes liés à l’alcoolisme. Les acteurs publics dépenseront donc dans un premier temps de l’argent, mais à long terme, ils feront des économies sur leurs dépenses de santé ou de sécurité routière.
Mais d’un autre côté, il est parfois complexe pour un acteur public de trouver les fonds pour financer ce type actions sociales. Dans un contexte de crise économique et de réduction des dettes publiques, les politiques sociales passent souvent derrière les politiques économiques dans les budgets publics. Paradoxalement, les acteurs publics ont donc des difficultés à trouver de l’argent pour financer des projets qui leur permettraient d’en gagner.
C’est pour dépasser ce paradoxe que sont nés les Social Impacts Bonds. Les pouvoirs publics ont besoin d’argent pour financer l’action sociale, les entreprises ont de l’argent et souhaitent s’investir dans ces projets dans le cadre de leur RSE notamment. L’idée était donc de mettre en contact ces acteurs afin que les fonds privés puissent servir l’intérêt public.

Les enjeux et limites des Social Impact Bonds :

Outre les avantages potentiels des SIB, il existe des craintes concernant la mise en place de tels contrats notamment dans le monde associatif. Voici quelques exemples de critiques formulées contre le principe des Social Impact Bonds :

L’éloignement du secteur public dans l’action sociale

  • Éloignement du secteur public de l’action sociale : aujourd’hui, l’action sociale dépend grandement de l’investissement de l’Etat, des collectivités et des secteurs publics, qui doivent examiner les projets, les soutenir, les encadrer. Dans le cadre des SIB, cette proximité se dissout avec l’arrivée d’un troisième acteur (l’acteur privé, l’investisseur). La crainte est donc que si les SIB se généralisent, le financement de l’action sociale devienne désormais moins une priorité du secteur public et qu’il s’y investisse moins (en termes d’accompagnement notamment). De fait, cela affecterait la capacité de ces actions de s’ancrer sur le long terme, sous forme de partenariats durables et solides.

Social Impact Bonds : vers une « culture du résultat »

  • « Culture du résultat » : si désormais (avec les SIB) le financement de projets sociaux est en partie conditionné à l’effectivité de leurs résultats mesurables, cela veut dire qu’un grand nombre d’associations dont l’action et les résultats ne peuvent pas nécessairement se mesurer (ou alors se mesurent à long terme), auront désormais plus de mal à obtenir des financements. La culture du résultat peut aussi être jugée dangereux pour le tissu associatif local et de petite échelle qui n’a pas les mêmes moyens que les grandes associations pour obtenir des résultats rapidement mesurables. De fait, il est plus difficile de s’imposer lorsqu’on est un petit acteur et que c’est une logique de résultats qui prévaut.

Social Impact Bonds : la définition d’une logique de court terme

  • L’avènement d’une logique de court terme. La logique du SIB est la même que la logique obligataire : à la fin de la période obligataire, on fait solde de tout compte. Par exemple, si un SIB a une durée de 7 ans, au bout de 7 ans, l’obligation est remboursée et les intérêts sont payés. Cela incite donc à une logique de court terme : tous les partenaires ont intérêt à ce que les résultats soient atteints au moment de la deadline, quitte à ce que l’effet s’estompe à long terme. Par exemple, sur la déscolarisation des jeunes, il est « facile » de faire baisser les statistiques avec des mesures incitatives temporaires, mais qui dès qu’elles s’arrêtent voient leurs effets se dissiper.

 

Comment mesurer le résultat dans le cadre de Social Impact Bonds

  • La question de la mesure : l’un des enjeux du SIB est donc aussi de savoir comment l’on mesure l’impact. Quels critères sont choisis, sur quelle temporalité, à partir de quelle valeur de référence, qui fera la mesure ? Les indicateurs et les outils de mesure n’existent pas encore pour toutes les problématiques sociales, et quand elles existent elles permettent rarement d’observer l’ensemble du prisme des résultats d’une action, dont certains bénéfices peuvent être invisibles à l’œil nu. Cela pourrait également inciter la mesure à se faire sur de mauvais indicateurs. Par exemple si un SIB est mené sur la question du retour à l’emploi des actifs précaires, un critère de résultat peut-être la diminution du nombre de personnes sans emploi. À ce moment-là un individu trouvant une intérim à l’issue de la période active du SIB sera considérée comme « retourné à l’emploi ». Objectif atteint sur le papier donc, mais pas dans la réalité, puisque dès l’intérim terminée, la personne sera de facto dans la même situation qu’avant. Les outils de mesure ne permettront pas non plus de mesurer les progrès faits auprès des actifs qui n’auront pas retrouvé d’emploi, mais qui auront : acquis une nouvelle compétence, appris à rédiger un CV ou à faire des entretiens, se seront mieux intégrés dans leur quartier ou d’autres variables annexes non mesurée dans le contrat de SIB mais pourtant importantes du point de vue social.

Social Impact Bonds : vers une privatisation de l’action sociale

  • La privatisation de l’action sociale : le risque est aussi que les entreprises prennent désormais plus de place dans l’action sociale. Si les entreprises sont parties-prenantes dans la définition des projets à financer et de leurs résultats, il existe un risque qu’elles fassent pression pour n’investir que sur certains projets, dans certaines conditions, en imposant leurs méthodes. Or les acteurs privés manquent en général d’expertise sur les sujets d’actions sociale (sur lesquels ils travaillent peu), et cela pourrait court-circuiter l’expertise des associations qui, elles, sont engagées sur le terrain.

Les contrats à impact social vont-ils mener à une compétition dans l’action sociale ?

  • La compétition : la logique de résultat induira aussi forcément une compétition. Compétition entre les associations et les projets portés par ces associations :  ce seront ceux dont les résultats seront les plus facilement mesurables qui seront sélectionnés dans le cadre des SIB (cela ne voulant pas forcément dire qu’ils seront plus efficaces à terme). Il risque d’y avoir également compétition entre les acteurs publics : s’il est plus facile d’atteindre le résultat en Île-de-France qu’en Corrèze (par exemple car le marché du travail est plus stable, plus dense, plus actif), alors la Corrèze risque d’être abandonnée par les investisseurs.

La question du risque dans les Social Impact Bonds

  • Qui supporte le risque ? Dans le SIB, l’investisseur ne subit pas le risque (hors du risque de trésorerie temporaire). Si le projet n’atteint pas les résultats, il est remboursé. S’il atteint ses résultats, il est remboursé et gagne des intérêts. En revanche, ce sont les politiques publiques et les associations qui supportent le risque : les acteurs publics car à la fin ce sont toujours eux qui paient si un projet n’atteint pas ses objectifs (double peine : ils prennent en charge les problèmes liés au problème social initial, plus le financement d’un projet qui n’a pas marché) et les associations prennent, elles, le risque sur le terrain (risque de ne plus être financé si le projet n’a pas atteint ses résultats). Cela pose aussi la question de la responsabilité. Puisqu’il s’agit d’un contrat, qui est responsable si les objectifs ne sont pas atteints ? Est-ce les associations engagées sur le projet ? Est-ce le financeur ? Est-ce le donneur d’ordre (l’acteur public) ? Difficile de répondre dans le contexte d’une action sociale qui ne se prête pas forcément à des analyses quantitatives et causales de ce type.

Social Impact Bonds : veut-on vraiment financiariser l’humain et l’action sociale ?

  • Financiariser l’humain ? Problème éthique : une entreprise a-t-elle une légitimité à gagner de l’argent juste car il a accepté d’investir sur une problématique sociale (qui coûte de l’argent à la société) ? Est-il légitime de faire un rendement sur une action caritative ? L’investissement dans l’action sociale ne devrait-il pas faire partie de la responsabilité sociale de l’entreprise ?

 

Histoire des Social Impact Bonds

C’est au Royaume-Uni qu’ont été émis les premiers SIB en 2010. Le Ministère de la Justice de Jack Straw a annoncé le lancement d’un plan de Social Impact Bonds de 6 ans, afin de financer un programme de réhabilitation des prisonniers condamnés à de faibles peines. Ce projet a été accueilli comme une solution potentielle aux manques de liquidité du trésor public dans le financement de l’action sociale, et plusieurs acteurs dans le monde (notamment des collectivités publiques) ont commencé à s’intéresser à la question. Dans plusieurs pays du monde, des formes plus ou moins similaires de Social Impact Bonds ont commencé à émerger. Mais à l’heure actuelle, le principe n’en est qu’à ses débuts.

Où en sont les SIB : état des lieux

Il y aurait environ 100 millions d’investissement passant par des SIB dans le monde. Il est pour l’instant trop tôt pour dire si les résultats sont au rendez-vous car la plupart des SIB n’ont pas encore atteint leur terme. Le premier lancé en 2010 devait arriver à son terme en 2015, mais il a été prolongé dans le cadre d’un développement plus
78 social impact bonds (SIB) sont actuellement recensés dans le monde par les bases de données en ligne qui se sont spécialisées sur la question. Ces projets ont surtout lieu en Europe (et en particulier au Royaume-Uni qui en compterait plus d’une trentaine), mais aussi aux Etats-Unis De nombreux projets de SIB ont annoncés récemment, notamment en France, en Finlande ou en Belgique, ce qui tend à prouver que ce mode de financement suscite l’intérêt.
Les premiers SIB britanniques et états-uniens ayant donné des résultats moyens, la Commission européenne prend toutefois ses précautions. Elle mène pour l’heure une consultation avec les parties prenantes (investisseurs et acteurs de terrain) et un projet pilote est en réflexion avec le Fond Européen d’Investissement.