De plus en plus de chefs d’entreprise disent vouloir mettre la durabilité et les enjeux de la transition écologique et sociale au coeur de leur business. Mais très peu sont ceux qui passent à l’acte, ou qui comprennent vraiment les enjeux.

La transition écologique est un chantier immense à mener pour l’ensemble des acteurs de la société, qui concerne autant les dirigeants politique que les citoyens et le monde de l’entreprise. Pour le monde de l’entreprise justement, la transition écologique et sociale implique une transformation radicale : nouveaux modèles d’affaires, nouvelles formes de partage de la valeur, nouveaux processus de production.

Il faudra donc que les chefs d’entreprise soient engagés profondément pour que leurs organisations parviennent à répondre à ce défi gigantesque. Mais alors, sont-ils prêts à cela ? Pas sûr. Une étude menée par le Global Compact des Nations Unies et Accenture auprès de 2600 patrons dans 128 pays montre que ces derniers sont encore loin de s’engager réellement dans des stratégies de durabilité, en dépit de grands discours volontaristes.

Les dirigeants d’entreprises se disent engagés sur la transition écologique et sociale

À entendre les chefs d’entreprise interrogés, ils seraient tous devenus activistes de la transition écologique. 98% des patrons déclarent ainsi que leur rôle en tant que dirigeant est de rendre leur entreprise plus durable. 72% estiment qu’ils sont responsables de la performance de leur organisation en matière environnementale ou sociale. La majorité disent qu’ils ont conscience d’avoir un rôle critique à jouer dans l’atteinte des Objectifs du Développement Durable.

La majorité des dirigeants semblent aussi convaincus que les enjeux sociaux et environnementaux ont un impact sur leur business : 93% pensent que le réchauffement climatique les impacte (dont 33% fortement), 89% pour la pollution de l’air, de l’eau et des sols, 84% pour la crise de la biodiversité. Le réchauffement climatique fait même partie des 5 premières menaces identifiées par les chefs d’entreprise, juste derrière l’inflation, les difficultés de recrutement et les menaces sur santé publique.

Bref, on pourrait croire que, enfin, les chefs d’entreprise sont prêts à s’engager dans une transformation radicale de leur modèle d’organisation. Mais en réalité, ces discours volontaristes masquent un manque flagrant d’engagement concret et de passage à l’acte.

Au-delà des discours, peu d’actions concrètes dans les entreprises

[sponsored]

En effet, l’enthousiasme s’estompe quand on demande aux chefs d’entreprise ce qu’ils mettent concrètement en place pour engager cette transformation durable dont ils affirment être les garants. Si pratiquement tous les patrons voient dans le réchauffement climatique une menace pour leur organisation, ils ne sont paradoxalement que 34% à mettre en oeuvre des mesures pour réduire leurs émissions de CO2 sur le scope 3, c’est-à-dire sur l’ensemble de leur chaîne de valeur. Moins de 25% disent qu’ils inscrivent leurs risques climatiques dans leurs documents financiers.

Pas mieux pour les autres enjeux extra-financiers : à peine 21% des dirigeants disent mesurer leur impact sur la biodiversité, 33% seulement disent encourager la performance ESG de leurs fournisseurs, moins d’une entreprise sur deux s’engage dans une stratégie d’économie circulaire et de réduction des déchets.

41% seulement des dirigeants disent chercher à interroger la raison d’être de leur modèle d’affaire pour faire face aux grands enjeux des transitions des prochaines décennies. Bref, ils sont engagés, mais pas au point de remettre en cause les logiques de leurs modèles de production, ni au point de mettre en place des mesures structurantes pour réduire leur impact environnemental. Et d’ailleurs, comme un symbole, moins de 35% des CEO envisagent d’indexer une partie de leur rémunération sur des indicateurs de durabilité. Engagé, mais pas trop.

Voir aussi : Quel rôle pour les entreprises dans la transition écologique ?

Les dirigeants attentistes et mal formés

En fait, de nombreux dirigeants continuent à esquiver leur responsabilité dans les transformations à venir, et adoptent une posture attentiste. Ainsi, paradoxalement, 68% des dirigeants d’entreprise pensent que ce sont les consommateurs qui auront le plus gros impact sur leur capacité à gérer la durabilité de leur entreprise dans les 5 prochaines années. Ils ne sont que 22% à estimer que c’est leur comité de direction qui aura la plus grosse influence sur ce sujet. De nombreux CEO évoquent aussi le rôle des gouvernements, des investisseurs, ou des banques avant celui du board. 90% des dirigeants disent manquer de soutien de la part des acteurs publics, et 93% se disent freinés par des mesures gouvernementales trop « court termistes ».

De nombreuses enquêtes ont pourtant montré que, dans les faits, ce sont justement souvent les entreprises qui font du lobbying auprès des gouvernements pour tuer dans l’oeuf toutes les réglementations un peu trop contraignantes en matière sociale ou environnementale. Et pour conserver une approche court-termiste du monde économique

Quand ils ne font pas reposer leur responsabilité transformative sur d’autres acteurs, les dirigeants cherchent des excuses : le manque d’accès aux financements, le manque de technologie… Bref, si l’entreprise ne se transforme pas, c’est forcément la faute des autres.

Il y a toutefois un élément sur lequel les patrons voient juste concernant les freins à la transformation durable de l’économie : tous pointent le manque de salariés formés aux enjeux de durabilité, aux problématiques climatiques ou aux compétences de la transformation durable. Ce besoin de formation en matière de transition écologique et sociale est en effet l’un des enjeux majeurs des prochaines années pour le monde de l’entreprise.

Et les dirigeants pourraient d’ailleurs commencer par se former eux mêmes : les études montrent depuis plusieurs années qu’ils sont extrêmement mal formés aux enjeux de la transition écologique et sociale. Ce qui explique peut-être qu’ils aient encore du mal à passer des paroles aux actes.

Photo de Leon Seibert sur Unsplash